« Nous allons repartir d’une feuille blanche. J’attends cela avec impatience. » C’est avec ces quelques mots que David Calhoun, le nouveau président directeur général de Boeing, a enterré le NMA. A l’occasion d’une conférence téléphonique le 22 janvier, il a expliqué que l’environnement concurrentiel et la façon qu’avait Boeing de définir les systèmes de contrôle d’un avion avaient évolué depuis le lancement des études sur le programme de son Mid-Market Airplane.
David Calhoun a donc demandé à son équipe de reprendre le programme du début et de refaire les études de marché pour définir les besoins des compagnies aériennes. Car ce marché a beaucoup changé en un an : Boeing est englué dans une spirale infernale avec la crise du 737 MAX – qui lui a déjà coûté plus de 9 milliards de dollars et rend déplacé tout investissement dans un nouveau programme – et Airbus a pris la place visée par le NMA en lançant son A321XLR.
La façon d’appréhender la conception des appareils et leur production a également beaucoup évolué. « Nous devrons peut-être commencer par la philosophie autour des commandes de vol avant d’en arriver réellement à l’avion », a reconnu le nouveau PDG de Boeing, tirant les leçons des dysfonctionnements du MCAS sur 737 MAX et notamment de son absence d’interaction avec les pilotes (la difficulté pour eux de reprendre le contrôle sur le système). De même, Boeing devrait garder en tête les difficultés occasionnées par une trop grande automatisation de la production (vécues sur la ligne d’assemblage du 777X).
Une place ravie par l’Airbus A321XLR
Cela faisait trois ans que Boeing travaillait à la définition de son nouvel avion de taille intermédiaire, couvrant le segment de marché laissé vacant entre le 737 MAX et le 787. Pouvant transporter entre 220 et 270 passagers sur une distance de 4 000 à 5 000 nm (7 400 à 9 200 km), ce bicouloir devait être le remplaçant idéal des 757 et 767 qui approchent de la fin de leur vie en tant qu’avions passagers et entrer en service vers 2025 – 2026.
Si une zone de flou a toujours été entretenue autour du programme, le secteur attendait tout de même un lancement lors de la dernière édition du salon du Bourget. C’était compter sans la crise du MAX. Après l’immobilisation et le prolongement de l’interdiction de vol du 737 remotorisé, le programme NMA avait été mis entre parenthèses.
Par ailleurs, Airbus est déjà venu jouer les trouble-fête avec son A321XLR, lui lancé au Bourget. Car si l’A321neo (avec sa capacité LR) faisait déjà de l’ombrage au NMA sur la partie basse du marché qu’il visait, l’A321XLR a allongé son rayon d’action (à 4 700 nm). De plus, l’entrée en service du XLR est prévue pour 2023, bien avant la première mouture du NMA, ce qui lui a laissé largement le temps de remporter des contrats pour les compagnies ne pouvant pas attendre. Le phénomène a déjà commencé puisque l’A321XLR a déjà remporté plus de 450 engagements, notamment de la part de compagnies phares comme American Airlines et United Airlines (cinquante appareils chacune). C’est désormais la décision de Delta Air Lines qui est très attendue. La compagnie, qui voulait être la cliente de lancement du NMA, a 127 Boeing 757 et 77 767 en service.