L’Etat a désormais « décrété l’état d’urgence pour l’industrie aéronautique ». Constatant les vacillements d’un secteur qui jusqu’à présent « ne connaissait pas la crise », le gouvernement, par la voix du ministre de l’Economie et des Finances, a présenté le 9 juin son plan de soutien en faveur de la filière. Le but est « d’éviter tout décrochage », qui mettrait en jeu la survie de 1 300 entreprises, 300 000 emplois et une contribution positive de 34 milliards d’euros à la balance commerciale de la France. Bruno Le Maire a ainsi promis un effort de 15 milliards d’euros, dont font partie les 7 milliards d’euros de soutien à Air France-KLM.
Le plan de soutien sera présenté au Conseil des ministres le 10 juin, dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative. Il s’articule autour de trois objectifs : préserver l’emploi, accélérer la transformation numérique des PME et ETI, et accélérer la décarbonation du secteur. Voici les principales mesures annoncées.
Maintenir l’emploi en sauvant les carnets de commandes
– Le soutien apporté par l’assurance-crédit publique (via Bpifrance Assurance Export) pour les exportations va être augmenté. Une garantie a d’ailleurs déjà été accordée à Pegasus pour maintenir ses livraisons d’A320neo en 2020.
– Un moratoire de douze mois va être consenti pour le remboursement des crédits à l’exportation accordé aux compagnies aériennes. Cela représente un effort de l’Etat de 1,5 milliard d’euros.
– La France va également demander à l’Union européenne de proposer à l’OCDE un assouplissement temporaire des modalités de remboursement des nouveaux achats d’Airbus. Le remboursement du crédit à l’export pourrait être différé de 18 mois au lieu de six. La mesure pourrait être adoptée dès juillet, rétroactive à partir du 1er juin, et représente une aide de 2 milliards d’euros.
Soutenir les PME et des ETI dans l’immédiat et leur transformation numérique
– Un fonds pour l’investissement en fonds propres d’un milliard d’euros va être créé pour soutenir le tissu industriel français. Il doit être doté dès juillet de 500 millions d’euros, fournis par l’Etat et les donneurs d’ordres aéronautiques (Airbus, Dassault, Safran et Thales) à hauteur de 200 millions d’euros chacun, auxquels s’ajouteront 100 millions d’euros fournis par son gestionnaire (qui sera choisi par appel d’offres). Les 500 millions restants feront l’objet d’un appel de fonds.
– Un second fonds doit être mis en place pour accompagner la numérisation et la robotisation des PME et des ETI. Doté de 300 millions d’euros sur trois ans et entièrement financé par l’Etat, il doit permettre aux PME et ETI de rattraper le retard pris dans la numérisation et la robotisation par rapport aux pays voisins.
Accélérer la transition écologique
Afin d’éviter que l’industrie aéronautique se détourne de la recherche en réduisant ses investissements et qu’au contraire elle accélère sa décarbonation, le CORAC (Conseil pour la recherche aéronautique civile) recevra 1,5 milliard d’euros sur trois ans. Ce budget doit permettre de développer les technologies de réduction de la consommation de carburant, d’électrification de l’avion, de propulsion à l’hydrogène etc.
L’un des objectifs est de proposer dès 2035, au lieu de 2050, un successeur à l’A320neo qui soit neutre en carbone. Deux pistes sont privilégiées : la sobriété énergétique, basée sur un gain de consommation carburant de 30% et une capacité de 100% de biocarburants, et le passage à l’hydrogène, qui donnerait naissance à un avion zéro émission de CO2. Elisabeth Borne, la ministre de l’Ecologie, évoque également un nouvel appareil régional « ultrasobre », hybride ou alimenté à l’hydrogène. Pour ces deux programmes, un démonstrateur pourrait voler en 2028.