Alors que le salon de Farnborough s’apprête à ouvrir ses portes le 18 juillet, le sujet de la décarbonation de l’aviation reste particulièrement brûlant. Dans une étude réalisée avec l’Aerospace Industries Association et publiée en avril dernier (Horizon 2050: A Flight Plan for the Future of Sustainable Aviation), Accenture a exposé le chemin qui mènera le secteur à atteindre son objectif de zéro émission nette en 2050 et quels leviers lui permettront de le parcourir.
Selon Accenture, la décarbonation du secteur est la seule alternative à la décroissance que prônent certaines voix pour limiter l’impact de l’aviation sur les émissions. En effet, le trafic double en vingt ans et, malgré les crises, aussi fortes soient-elles, la demande se maintient. Dans ces conditions, si rien n’est fait, l’aviation émettra non plus une gigatonne de CO2 par an, comme en 2019, mais 1,5 Gt en 2035. Selon les rédacteurs du rapport, si l’on veut maintenir les émissions de 2050 à leur niveau de 2019, des mesures doivent être prises maintenant pour qu’elles puissent produire leurs effets à partir de 2030-2035. C’est à cette période que doit être atteint un pic d’émissions à 1,3 Gt – et surtout pas plus haut au risque de manquer l’objectif – avant de redescendre progressivement à 1 Gt en 2050. Jean-Luc Brincourt, directeur exécutif aéronautique et défense d’Accenture, souligne que cela représente « 21 Gt de CO2 à gagner sur vingt-sept ans ».
Il rappelle que plusieurs leviers, plus ou moins efficaces, sont à la disposition de l’industrie. Tout d’abord, 5% de ces 21 Gt seront gagnés grâce à la modification de la demande, les passagers se reportant de l’avion vers le train pour les distances les plus courtes à parcourir. Cela concernera des pays où le réseau ferroviaire est développé et efficace, comme la France ou la Chine. Le renouvellement des flottes et l’efficacité technologique devraient représenter 10% à 15% de l’effort d’ici 2030, avant le déploiement d’avions 0 émission à plus long terme (à partir de 2040), qui participeront à la réduction à hauteur de 5%. En ce qui concerne ces appareils électriques ou à hydrogène, ils pourraient représenter 12% de la flotte régionale et de monocouloirs en 2040 puis 25% en 2050, avec une utilisation de 75% d’hydrogène bleu (produit à partir d’énergies fossiles mais avec captation du CO2) en 2035 pour basculer à 100% d’hydrogène vert et jaune en 2050. Le travail sur l’efficacité des opérations – par exemple le roulage avec un seul moteur allumé, les descentes continues ou les vols en formation – sera plus efficace, représentant 15% à 18% de la réduction.
Sans surprise, l’adoption du carburant durable d’aviation (SAF) sera « le levier le plus puissant » puisqu’il concourra aux deux tiers de la réduction des émissions. Accenture rejoint ici l’analyse de l’IATA (Association internationale du transport aérien) qui estime elle aussi que le SAF permettra d’atteindre 65% de l’objectif « zéro émission nette ». Cependant, la production reste à développer et l’industrie estime qu’il faudra passer des 125 millions de litres produits annuellement aujourd’hui (dont la moindre goutte a été achetée par les compagnies aériennes) à 449 milliards de litres en 2050 pour couvrir les besoins. Accenture comme l’IATA estiment que des politiques incitatives doivent être mises en place pour booster la production, ce qui a été fait aux Etats-Unis tandis que l’Europe adopte une approche plus coercitive. L’IATA estime ainsi qu’avec le déploiement de véritables mesures de soutien gouvernementales plus que d’obligations, la production pourrait atteindre 30 milliards de litres annuels en 2030.
Dans ce contexte, Accenture se donne pour mission de « soutenir ses clients pour réinventer l’art de voler ». L’acquisition d’Umlaut en fin d’année dernière a permis à la société de conseil d’étendre son champ d’action de « la supply chain et du manufacturing aux services d’ingénierie » et d’avoir les moyens de participer à l’accélération de la transition, de l’automatisation des plateformes et soutenir la convergence des industries, en se positionnant désormais aussi au coeur de la conception des produits.
Si l’urgence de la situation climatique peut parfois laisser penser que le monde ne fait pas suffisamment d’efforts, Jean-Luc Brincourt se montre quant à lui plutôt confiant sur la capacité de l’aviation à faire sa part lorsqu’il regarde son évolution depuis un siècle : « Je pense que cette industrie est équipée et aime les challenges. Il semble en plus que ce challenge peut avoir du sens pour la société donc on va vers une période ultra passionnante pour les futures générations et les futurs ingénieurs qui vont aller dans l’aéronautique », confie-t-il.