Ces dernières années, Raytheon Technologies a bâti à coups de croissance externe un empire capable de travailler sur toutes les facettes d’un avion et de l’environnement dans lequel il évolue. Aujourd’hui, avec la priorité donnée à la décarbonation de l’aviation, le groupe va pouvoir s’appuyer sur sa multidisciplinarité et mobiliser toutes les forces de ses entités dans une collaboration qui lui permettra de « passer de technologies évolutives à des technologies révolutionnaires, aller plus vite, aller plus loin », selon les termes de LeAnn Ridgeway, directrice du développement durable chez Collins Aerospace. A l’occasion du salon de Farnborough, le groupe a ainsi pu donner des exemples de technologies sur lesquelles il désirait avancer, afin que l’industrie de l’aviation puisse atteindre ses objectifs en termes d’émission.
Collins Aerospace est particulièrement bien positionné pour mener cette révolution technologique. L’entité travaille par exemple sur l’environnement de l’avion : modélisation du trafic aérien, optimisation des trajectoires, gestion du roulage… Toute une suite de solutions est disponible aujourd’hui, qui a récemment été renforcée par la récente acquisition de FlightAware, permettant d’optimiser les opérations à chaque étape et de gagner dès aujourd’hui jusqu’à 6% sur les émissions de CO2 d’un opérateur.
La recherche est également intense autour des nouveaux matériaux plus légers et plus performants, qui peuvent être appliqués dans tout l’avion, de l’intérieur (plafond, éclairage, cabinets de toilettes) aux systèmes (roues, freins, moteurs). LeAnn Ridgeway explique par exemple que lorsque Collins Aerospace travaille sur les nouveaux concepts d’aile, il peut améliorer une quinzaine de systèmes à la fois, sur la distribution de puissance, l’éclairage, les actionneurs. « Ce qui est vraiment très enthousiasmant, c’est que nous pouvons tout modifier ; tous les systèmes peuvent s’inviter à la fête et, mis bout à bout, les petits gains apportés par l’utilisation de nouveaux matériaux sur chacun deviennent importants. »
Chez Pratt & Whitney, la priorité immédiate est la certification du GTF fonctionnant avec 100% de carburant durable d’aviation (SAF). Plusieurs essais ont été menés, notamment sur un Embraer E195-E2. L’évolution du GTF, Advantage, a également tourné avec 100% de SAF. Graham Webb, directeur de la Durabilité chez Pratt & Whitney, souligne à cette occasion que le GTF Advantage a accumulé 2 000 heures d’essai (dont plus de 130 heures d’essai en vol) et commence le travail de certification pour une entrée en service en 2024. Par ailleurs, le motoriste réfléchit déjà aux prochaines évolutions qui pourront améliorer encore l’efficacité du GTF Advantage après sa mise en service : matériaux avancés, travail sur le profil aérodynamique, sur le taux de compression, l’augmentation du diamètre de la soufflante…
STEP-Tech, nouveau démonstrateur de technologie hybride-électrique
En parallèle, Pratt & Whitney et Collins ont joint leurs forces pour développer un nouveau démonstrateur de technologie hybride-électrique, pour le moment destiné à des applications sur des véhicules de mobilité aérienne urbaine. Basé au centre de recherche de Raytheon à East Hartford, STEP-Tech (Scalable turboelectric powertrain technology) se concentrera sur le développement de concepts de propulsion hybride-électrique, initialement de la classe des 100 à 500 kW, avec la possibilité de l’étendre à la classe du 1 MW. Le démonstrateur sera en effet rapidement adaptable pour différentes tailles de plateformes, initialement des eVTOL mais pourquoi de petits avions commerciaux à terme.
Le démonstrateur couvrira toutes les capacités nécessaires, notamment un turbogénérateur, un système de stockage de l’énergie, l’électronique de puissance, des propulseurs modulaires à transmission électrique. Le processus de preuve de concept (POC) a été achevé plus tôt cette année et de premiers essais statiques sont planifiés d’ici la fin de l’année.
Collins Aerospace avance sur le moteur électrique de classe 1 MW pour le démonstrateur d’avion régional hybride-électrique de Pratt & Whitney
Collins Aerospace travaille déjà pour Pratt & Whitney Canada sur un autre démonstrateur hybride-électrique, qui sera installé sur un Dash8-100 de De Havilland Canada. La société a annoncé au salon que la revue de conception préliminaire d’un moteur de classe 1 MW et de son dispositif de commande avait été achevée, et qu’elle avait testé les deux systèmes à courant, tension et vitesse pleins. Des prototypes seront convoyés à Montréal dans l’année pour un début des essais en vol sur démonstrateur en 2024.
Le Dash8-100 sera remotorisé sur un côté avec un système de propulsion combinant un moteur P&WC et le moteur électrique de Collins, qui fournira une puissance permettant de réduire la charge de travail du turbopropulseur lors des phases de décollage et d’ascension, les plus consommatrices en carburant.
Des développements autour de l’hydrogène également dans les plans
Les évolutions autour du moteur Advantage visent notamment à le rendre opérationnel avec 100% de SAF, mais pas seulement, puisque Pratt & Whitney évoque la possibilité de le rendre « agnostique en matière de carburant », notamment compatible avec de l’hydrogène à l’avenir. « Nous voulons nous assurer que nos moteurs sont capables d’utiliser ces carburants à l’avenir. L’hydrogène et le SAF ne sont pas en concurrence, ce sont tous deux des facilitateurs », affirme Graham Webb, directeur du développement durable chez Pratt & Whitney.
C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet HySIITE (Hydrogen Steam Injected, Inter-Cooled Turbine Engine), un projet soutenu par le ministère américain de l’énergie pour développer une nouvelle technologie de propulsion à hydrogène destinée aux avions de type monocouloir. Celle-ci reposera sur la combustion d’hydrogène liquide et la récupération de la vapeur d’eau pour la réinjecter dans la chambre de combustion. Les émissions de CO2 en vol seraient nulles, les émissions d’oxyde d’azote réduites de jusqu’à 80% et la consommation de carburant de 35% par rapport au GTF.
Raytheon a également annoncé à Farnborough qu’il avait de nouveau été sélectionné par le ministère américain de l’énergie pour valider la capacité du FT4000 de Mitsubishi Power Aero (une variante du PW4000 pour des applications terrestres) à fonctionner à l’hydrogène.
« Grâce à une organisation où toutes les entités fonctionnent en étroite collaboration, Raytheon peut couvrir tous les domaines sur lesquels nous allons devoir travailler pour certifier des technologies révolutionnaires et atteindre le 0 net », conclut LeAnn Ridgeway, en montrant tout son optimiste : « nous avons toujours eu des défis à relever et quels qu’ils soient, nous les avons relevés. L’industrie a beaucoup de travail à faire mais je suis convaincue que nous allons réussir. »