A l’occasion du salon de Farnborough, ATR a publié ses premières prévisions depuis 2018 concernant le marché des biturbopropulseurs sur vingt ans. L’avionneur estime que l’impact de la crise produira des effets à long terme qui amputeront le marché d’une partie de son potentiel de croissance. Embraer, qui envisage d’entrer sur le marché, a également présenté succinctement sa vision.
Selon les deux avionneurs, la demande en biturbopropulseurs entre 2022 et 2041 atteindra environ 2 400 appareils : 2 450 selon ATR, 2 280 selon Embraer. ATR estime que l’essentiel de la demande (65%, soit 1 500 appareils) sera liée au remplacement d’avions plus anciens. En effet, si la pandémie a provoqué le retrait des plus vieux appareils de la flotte mondiale, celle de biturbopropulseurs reste assez âgée et va devoir être remplacée, d’autant que le renouvellement des flottes est l’un des principaux et des plus immédiats leviers pour décarboner l’aviation. Par ailleurs, 35% de la demande devraient répondre à un besoin d’amélioration de la connectivité régionale.
Les principaux marchés ne changent pas : l’Asie pacifique est en tête (avec un besoin de 960 à 975 appareils selon les avionneurs), suivie de l’Europe (entre 400 et 500 appareils) et la Chine (280 appareils selon ATR). Un point de divergence entre les deux industriels concerne le marché des Amériques. ATR anticipe une demande importante en Amérique latine (325 appareils), que tempère Embraer (180 appareils), tandis qu’il reste prudent sur l’Amérique du Nord (240 appareils), dans lequel Embraer place davantage d’espoirs (400 appareils).
L’avionneur franco-italien estime ainsi que la flotte de biturbopropulseurs devrait passer de 1 950 appareils aujourd’hui à 2 660 appareils en 2041 : 450 des appareils actuellement en service devraient toujours voler dans vingt ans, 1 500 auront été remplacés, 710 seront venus faire grossir la flotte et 240 des nouvelles livraisons de la période seront également retirées du service ou converties en avions cargos d’ici 2041.
Pour maintenir l’intérêt pour ses appareils, ATR travaille sans cesse à leur amélioration. Il se prépare à lancer un ATR EVO en 2023 (pour une entrée en service en 2030), doté d’un nouveau système propulsif compatible avec l’utilisation de 100% de carburant durable et avec capacité d’hybridation. © ATR
Embraer engrange des engagements sur 250 biturbopropulseurs sans même avoir défini ni lancé le programme
C’est dans ce contexte qu’Embraer travaille toujours sur son projet de programme de biturbopropulseur. Actuellement, les travaux principaux portent sur des essais en soufflerie, qui devraient se conclure au troisième trimestre et mener au choix de la motorisation d’ici la fin de l’année. Embraer entend lancer le programme entre le début et le milieu de 2023, sans encore avoir décidé quelle plateforme, entre celle de 70 places et celle de 90 places, proposer en premier.
Malgré cela, l’avionneur a annoncé avoir signé des lettres d’intention pour plus de 250 appareils. Il souligne qu’elles proviennent toutes de compagnies aériennes et non de sociétés de leasing et qu’elles sont réparties dans le monde entre l’Asie, l’Europe et les Amériques. Il promet un biturbopropulseur conçu autour du même fuselage que ses E-Jets (en faisant le plus grand à venir du marché avec 25 fauteuils de plus que la concurrence) et une réduction de 15% des coûts opérationnels.
L’entrée en service du premier modèle devrait avoir lieu en 2028, suivi par le second modèle un an plus tard.
Arjan Meijer, CEO d’Embraer Commercial Aviation, annonce avoir reçu des engagements pour 250 exemplaires de son futur biturbopropulseur. © Le Journal de l’Aviation – tous droits réservés
De Havilland Canada tente de relancer l’intérêt pour le Dash8-400
L’histoire récente du Q400 avait pourtant illustré une perte de vitesse du marché des biturbopropulseurs : Bombardier, en quittant l’aviation commerciale, a vendu le programme à De Havilland Canada, qui a été contraint de suspendre la production, faute de contrat. Dans l’attente de pouvoir relancer la production, l’avionneur canadien tente d’entretenir l’intérêt pour celui qui est redevenu le Dash 8-400 en apportant des améliorations.
De Havilland Canada a ainsi annoncé au salon de Farnborough que l’appareil allait pouvoir augmenter sa capacité d’emport de jusqu’à 1 360 kg et sa masse maximale au décollage de jusqu’à 907 kg, grâce à des renforts structurels à plusieurs endroits de l’appareil. Il promet une augmentation du rayon d’action de 265 nautiques avec retour compris (en effectuant du tankering) avec une charge marchande de 8 420 kg. Les améliorations seront disponibles en rétrofit.
D’autres modernisations concernent l’environnement cabine, avec la possibilité d’installer un système de divertissement en vol sans fil, alimenté par batterie ou par l’électricité de l’appareil et disposé en coffre à bagages, une offre d’installation de prises USB sur les sièges, une nouvelle signalétique lumineuse ou une solution d’augmentation de la capacité des coffres à bagages sur les appareils les plus anciens. Surtout, De Havilland propose désormais un système de connectivité à large bande et à haute vitesse avec Starlink – qui signe là son tout premier accord avec un OEM.
Pour augmenter la polyvalence de la plateforme, il s’est également doté de nouvelles offres orientées vers le secteur cargo, très porteur en ce moment, et a lancé trois solutions adaptées à différents modèles économiques : une solution Quick Change, une Package Freighter (PF) et une de conversion avec l’installation d’une grande porte cargo (Freighter with Large Cargo Door, F-LCD).
Le Dash 8-400 QC propose une solution de conversion réversible permettant aux opérateurs de passer d’une configuration tout-passagers à tout-cargo et inversement en très peu de temps. Il suffit d’installer un système de détection de fumée dans la cabine pour la transformer en un compartiment de classe E.
Le Dash 8-400 Package Freighter permet quant à lui le chargement en vrac de marchandises de tailles diverses, au sein de neuf zones de chargement distinctes avec huit filets radiaux en forme d’araignée assurant les fonctions d’arrimage et de retenue. Le chargement et le déchargement peut se faire par toutes les portes de l’appareil.
En y ajoutant le découpage d’une grande porte de chargement de 2,8 x 1,8 mètre et un système de chargement de fret, le Dash 8-400 PF peut devenir un Dash 8-400 F-ULD et transporter des palettes ou des conteneurs ULD. Il devient alors intéressant pour le transfert d’un avion à un autre dans le cadre d’opérations cargo en hub.
Ces solutions peuvent être particulièrement intéressantes dans la mesure où les prévisions d’ATR dans le cargo misent sur une augmentation de 45% de la flotte entre 2022 et 2041. Elle devrait passer de 380 à 550 biturbopropulseurs, sous l’effet de la croissance du e-commerce notamment.
Ethiopian est la première cliente de la solution de conversion en Dash 8-400 F-ULD de De Havilland Canada © De Havilland Canada