Le programme du SpaceJet avait été plongé dans le coma en mai 2020, au tout début de la crise liée à la pandémie de covid mais également après des années de difficulté à susciter l’intérêt de potentiels clients. Il ne se réveillera plus. C’est ce qu’a officialisé Mitsubishi Heavy Industries (MHI) le 7 février, à l’occasion de la présentation de ses résultats trimestriels, en expliquant qu’il n’avait aucune perspective pour redémarrer le programme et le rendre viable.
Le groupe japonais explique en détail les raisons de sa décision. Tout d’abord, les retards puis la pause prolongée imposée au programme induisent des révisions technologiques pour le mettre à jour, ainsi que pour intégrer les problématiques de décarbonation, qui étaient moins impérieuses à son lancement officiel en 2008 qu’aujourd’hui. Des contraintes qui impliquent de nouveaux investissements majeurs, qui s’ajoutent à ceux nécessaires pour poursuivre le processus de certification, et de nouveaux délais. Par ailleurs, Mitsubishi indique qu’il a eu du mal à obtenir la compréhension et la coopération nécessaires de ses partenaires.
Côté débouchés commerciaux, ceux-ci ne se sont pas éclaircis. MHI cite l’absence d’avancées dans la renégociation de la « scope clause » aux Etats-Unis (qui limite le nombre et la taille des appareils pouvant être exploités par une compagnie régionale affiliée à une major). Cet accord entre les pilotes américains et leur compagnie aérienne ferme le marché américain, le plus important, à la version la plus capacitaire du SpaceJet, le M90. A cela s’ajoute l’intensification du problème de pénurie de pilotes, principalement aux Etats-Unis mais pas uniquement, qui assombrit les perspectives de l’aviation régionale.
De ces vingt ans de développement (l’impulsion a été donnée en 2003 pour le lancement d’un projet d’avion régional), MHI a tiré deux leçons : il n’avait ni une compréhension suffisante de la complexité du processus de certification, ni les ressources nécessaires pour poursuivre le développement à long terme.
Le MRJ90, présenté au salon du Bourget en 2019. Image © Le Journal de l’Aviation – tous droits réservés
Des réussites qui permettront d’avancer
MHI ne veut toutefois pas voir le SpaceJet comme un échec total. Le groupe japonais se félicite d’avoir réussi à mettre en place toute la structure organisationnelle pour la conception, le développement, la certification et la production d’un appareil commercial. Il a également produit une flotte d’avions qui ont réalisé 3 900 heures de vol sans incident de sécurité majeur.
Sur le plan technique, il a réussi à appliquer la procédure V&V (Vérification et validation) au développement d’un avion, à optimiser un design grâce à la mécanique des fluides numérique, à dessiner un avion régional capable d’accueillir les larges GTF de Pratt & Whitney sous ses ailes, à certifier des ensembles produits par moulage par injection sous vide de résine (VaRTM) et à se doter d’équipements d’essais grandeur nature.
Enfin, il a acquis d’importantes données techniques pour numériser le processus de développement d’un avion. Car l’ambition d’avoir un avionneur commercial japonais n’est pas abandonnée, elle… En attendant, MHI va continuer son activité d’OEM autour du programme CRJ (racheté en 2019 à Bombardier) et utiliser l’expérience acquise avec le SpaceJet pour son programme de chasseur furtif de sixième génération F-X. Le groupe va également surveiller les avancées dans les technologies de nouvelle génération pour d’éventuels futurs programmes.