L’aéronautique française s’estime sortie de la crise covid. A l’occasion de la présentation des résultats de la filière le 27 avril, Guillaume Faury, le président du GIFAS (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales), a confirmé que la reprise était bien là, matérialisée par le retour de la demande dans le transport aérien. Mais les problèmes d’offre évoqués depuis plusieurs mois n’ont pas disparu : la chaîne de valeur peine à suivre l’augmentation des cadences et les difficultés de recrutement touchent le secteur de plein fouet.
En 2022, les acteurs de la filière membres du GIFAS ont généré un chiffre d’affaires de 62,7 milliards d’euros, en augmentation de 13,6 % par rapport à 2021, mais toujours en retrait de 15,6 % par rapport à 2019. Ces revenus ont été majoritairement générés par l’aéronautique civile mais la proportion de la défense a augmenté par rapport à 2019 (à 31%), l’industrie de défense ayant beaucoup moins souffert de la crise. Autres bonnes nouvelles : le chiffre d’affaires à l’exportation est élevé, à 40,9 milliards d’euros, et la filière reste « la première contributrice positive à la balance commerciale française avec 23 milliards d’euros, même s’il faudra encore du temps pour revenir au niveau de 2019 », explique Guillaume Faury.
Mais ce sont les prises de commandes qui tirent encore mieux leur épingle du jeu. « Exceptionnelles », elles ont atteint une valeur de 65,8 milliards d’euros – ce qui signifie que la filière a retrouvé un book-to-bill supérieur à 1 -, à 75 % à l’exportation, et elles ont dépassé leur niveau de 2019 (à 61,9 milliards d’euros). L’industrie de défense a été une contributrice essentielle à ce résultat puisqu’elle représente 60 % de la valeur des commandes (contre 26 % en 2019), en raison non seulement de la résilience du secteur ces trois dernières années mais aussi du contexte géopolitique actuel.
Le GIFAS l’avait déjà évoqué en début d’année, le grand enjeu des prochains mois va être la souveraineté de l’industrie aérospatiale, enjeu commun à chacune de ses branches. Dans l’aéronautique commerciale, il s’agira notamment de travailler à la résolution des problématiques de la chaîne d’approvisionnement en la sécurisant (par exemple en multipliant et en rapprochant les fournisseurs) et en soutenant les entreprises qui pourraient se trouver en difficulté en raison du remboursement des prêts garantis par l’Etat, de l’inflation, du coût de l’énergie, du manque de matières premières ou stratégique et en ressources humaines… « Il y a une petit peu moins de crises en nombre mais elles s’inscrivent davantage dans la durée », analyse Didier Kayat, président du Groupe des équipements aéronautiques et de Défense (GEAD). « Il faudra cinq ans pour sortir réellement de cette crise et 2023 sera encore une année compliquée. »
La souveraineté en matière de défense est par ailleurs cruciale et passe par un soutien à l’industrie face aux attaques, aux réticences à investir etc. Dans l’espace, elle passe par l’avancement du programme Ariane6.
En parallèle, l’industrie continue de faire face aux enjeux de montée en cadences et aux développements autour de la décarbonation de l’aérien.
La grande difficulté qui touche les membres du GIFAS pour relever sereinement ces enjeux reste le sujet du recrutement et la pénurie de main d’oeuvre.
Clémentine Gallet, présidente du comité Aero PME, rappelle que la filière emploie 195 000 personnes et que 18 000 recrutements ont été réalisés en 2022, tandis que 7 000 postes ont été créés. Pour 2023, les besoins sont évalués à 25 000 nouveaux recrutements et 7 000 embauches de jeunes alternants. Ils se font particulièrement pressants sur les métiers de la métallurgie, techniciens et opérateurs, et le secteur se désespère du manque de candidats : « les outils [de formation, ndlr] sont en place mais les écoles ne sont pas remplies, il n’y a pas de candidats », regrette-t-elle. Les industriels du secteur doivent donc communiquer davantage et à tous les niveaux pour faire connaître les métiers, les perspectives et rendre l’aéronautique plus attractive aux yeux des plus jeunes, avec des actions à mettre en place très tôt dans leur cursus, dès la fin du collège. « Nous devons aller chercher les candidats partout. »