Les carburants durables d’aviation (SAF) permettront de réduire les émissions de CO2 de l’aviation mais auront-ils également un effet bénéfique sur les traînées de condensation ? C’est à cette question qu’espèrent répondre Boeing et la NASA. L’avionneur et l’agence américains ont clôturé le 1er novembre une campagne d’essais en vol de trois semaines qui doit apporter les éléments nécessaires à une meilleure compréhension de l’impact environnemental de ces traînées de condensation mais surtout de l’impact de l’utilisation des SAF sur leur formation. Menés dans le cadre du programme ecoDemonstrator, les essais ont également impliqué United Airlines (qui doit recevoir le 737 MAX 10 utilisé), GE Aerospace (qui produit les moteurs LEAP de l’appareil) et le centre de recherche aéronautique allemand DLR.
Pour rappel, les essais ont consisté à faire voler un 737 MAX 10 au-dessus des Etats-Unis en alternant Jet-A et SAF dans les moteurs et en repassant exactement aux mêmes endroits après avoir effectué l’alternance de carburant, afin de réaliser les mesures dans les mêmes conditions pour les deux carburants. Les relevés étaient effectués par le DC-8 de la NASA utilisé comme laboratoire volant. Dans ce cadre, Christiane Voigt, cheffe de l’équipe de recherche du DLR, a rappelé le processus de formation des traînées de condensation : les moteurs des appareils laissent échapper des gaz composés d’eau et de particules de suie. Au contact de l’air froid de haute altitude, les cristaux se transforment en glace et créent des nuages plus ou moins persistants de glace et de particules.
Si les éléments recueillis doivent encore être analysés et seront trop restreints pour se suffire à eux-mêmes, de premières constatations ont pu être partagées par les responsables de chaque entité ayant participé aux essais. Steve Baughcum, chargé d’études sur les émissions chez Boeing, explique notamment que les SAF paraffiniques réduisaient très nettement les émissions de particules – ce qui avait déjà été constaté au sol -, l’ampleur de cette réduction dépendant de la composition chimique du carburant utilisé.
« Ces carburants durables pour l’aviation ont une plus faible teneur en aromatiques, qui sont les précurseurs des émissions de particules de suie et les particules de suie sont les précurseurs des cristaux de glace et des traînées de condensation », appuie Christiane Voigt. La NASA explique par ailleurs que selon ses modèles de recherche, l’utilisation de SAF « devrait entraîner une diminution du nombre de cristaux, et ceux qui se formeront seront plus gros, tomberont et fondront dans l’air plus chaud en dessous », limitant la persistance des traînées. L’agence américaine avait déjà mené plusieurs campagnes de recherche sur le sujet, avec des avions d’affaires puis, en partenariat avec le DLR, avec un Airbus A320.
Si l’impact des traînées de condensation sur le climat est encore mal connu, les scientifiques s’accordent à dire que leur effet réchauffant est plus important que leur effet refroidissant. Le travail sur le CO2 – qui concentre toute l’attention de l’industrie aéronautique dans le cadre de l’objectif Net Zero en 2050 – ne suffit donc pas. « La science nous dit que le réchauffement dû aux traînées de condensation pourrait être aussi important que le réchauffement dû aux émissions de CO2 », alerte Christiane Voigt. L’enjeu est de taille.