Le transport aérien n’est pas encore à son niveau de croisière en Irlande. Si les crises qui se succèdent ralentissent tour à tour certains secteurs, compagnies aériennes, sociétés de leasing, aéroports et autorités s’accordent à dire que l’industrie n’a pas fini de connaître la croissance. Et Tony Tyler, le président de l’IATA, le confirme : « l’Irlande est une grande nation de l’aviation. Elle a joué un rôle important dans l’histoire de l’industrie et si la santé actuelle du secteur du transport aérien perdure dans le pays, il y a peu de doute qu’il reste une star à l’avenir. »
L’Irlande a en effet réussi à tourner à son avantage une situation qui paraissait difficile au premier abord : être localisée à la périphérie de l’Europe. Mais elle a choisi de ne voir que le bon côté de la chose : elle se trouve entre les deux plus grands marchés du monde. Et pour attirer toutes les sociétés du secteur, elle a mis tous les atouts de son côté : pré-clairance pour les Etats-Unis, arrangements financiers très avantageux… Jusqu’à se hisser parmi les leaders de l’industrie. Aujourd’hui, l’aviation irlandaise représente un chiffre d’affaires de 22 milliards de dollars et 167 000 emplois, Dublin est devenu une porte d’entrée vers l’Europe et les Etats-Unis et l’aéroport a connu une croissance importante en 2015 (+19% de trafic rien que sur les Etats-Unis) et atteint les 25 millions de passagers, ce qui a poussé les autorités à donner leur feu vert à la construction d’une seconde piste parallèle d’ici 2020.
L’enthousiasme adolescent d’Aer Lingus
Une partie de ce succès vient du regard neuf que les sociétés arrivent à porter sur leurs activités. Le low-cost européen est né avec Ryanair et Aer Lingus a beau fêter ses 80 ans, elle n’a rien de la retenue d’une dame vénérable et semble dotée d’une curiosité juvénile. Pour elle, tout est opportunité. L’investissement de Qatar Airways dans IAG ? C’est l’occasion de développer son expansion vers le Moyen-Orient et l’Asie. Le Brexit ? « En tant que compagnie membre d’IAG, je n’ai pas de position. Cela crée de l’incertitude mais si les correspondances à Londres ou ailleurs au Royaume-Uni deviennent plus difficiles, les voyageurs les éviteront », commente tout de même Stephen Kavanagh, son CEO.
D’autant que Dublin et Shannon ont un avantage considérable : ils peuvent assumer les contrôles d’entrée aux Etats-Unis. Les voyageurs se débarrassent de cette formalité à l’embarquement en Irlande et atterrissent dans un terminal domestique outre-Atlantique, évitant les queues de plus en plus longues dans les aéroports américains. D’ailleurs, les effets se font déjà sentir, l’aéroport de Dublin ayant « cannibalisé » le Royaume-Uni.
De même Ryanair est un atout pour Stephen Kavanagh : « si nous n’avions pas Ryanair, il faudrait l’inventer » car la low-cost permet de garder à l’esprit ce sur quoi la compagnie doit se concentrer. Il est également un fervent supporter de l’attribution de la licence à Norwegian par les Etats-Unis, essentielle dans le cadre du respect des accords de ciel ouvert entre l’Europe et les Etats-Unis. Une position partagée par tous les acteurs, jusqu’au nouveau ministre des Transports Shane Ross en personne.
L’Irlande, championne du monde de leasing
Le leasing est une autre activité phare de l’aviation irlandaise. Aengus Kelly, le CEO d’AerCap, souligne que 40% de la flotte mondiale est couverte par des contrats de leasing, contre 12% il y a quelques années. Et près de la moitié de cette activité est concentrée en Irlande, soit 4 300 appareils précise Shane Ross, qui ajoute que douze des quinze plus grandes sociétés de location-bail sont en Irlande et emploient 1 500 salariés.
AerCap, qui vient d’acquérir ILFC, « doit dépenser 4 milliards de dollars par an pour garder ses parts de marché », indique-t-il, ajoutant qu’il n’est « pas sûr qu’on ait les moyens de croître davantage. » Mais ces investissements sont payants puisqu’il souligne que bien que nous soyons dans une période où les tarifs sont tirés vers le bas, la société de leasing a réussi à conserver ses marges. Pas d’inquiétude de son côté non plus donc : « l’industrie croît chaque année, elle continuera de croître l’année prochaine. Il n’y a pas de surprise. »