A l’occasion d’une rencontre avec les journalistes de l’AJPAE le 14 septembre, Rémi Jouty, le directeur du BEA, a indiqué que le Bureau d’enquêtes et d’analyses n’avait pas perdu tout espoir de trouver les causes du grave incident subi par l’un des Airbus A380 d’Air France en septembre 2017. Une nouvelle campagne de recherche pourrait être lancée l’année prochaine pour retrouver de nouveaux débris du moteur 4, qui avait connu une défaillance non contenue ayant entraîné la désolidarisation de la soufflante alors que l’appareil se trouvait en croisière au-dessus du Groenland lors d’un vol entre Paris et Los Angeles. Il avait dû atterrir en urgence à Goose Bay, au Canada. Rémi Jouty précise qu’une décision devrait être prise au début de l’année concernant le lancement de cette nouvelle campagne, pour une exécution au printemps, période qui « sera probablement la dernière limite » pour retrouver des indices.
« Il est peu probable de déterminer la cause-racine de l’incident avec les éléments retrouvés pour le moment », a-t-il affirmé. Grâce à eux, le BEA pourra peut-être déterminer dans quel ordre les pièces se sont détachées et par où sont passés les matériaux mais il ne pourra pas déterminer ce qui est à l’origine de la rupture – les enregistreurs de vol n’ont révélé aucun signe avant-coureur. « Les preuves, si elles existent, sont sur des éléments que nous n’avons pas. […] Si nous voulons aller plus loin, il nous faut récupérer les éléments de la partie du moyeu qui s’est séparée. »
Rémi Jouty a rappelé le déroulé des différentes campagnes de recherche jusqu’à présent. Saluant la réactivité des autorités et des enquêteurs danois associés à l’enquête, il souligne qu’une première campagne de recherche de débris a eu lieu immédiatement après l’incident survenu sur le GP7200 de l’A380 d’Air France le 30 septembre. Du 3 au 11 octobre, une recherche visuelle par hélicoptère a été organisée et a permis de récupérer notamment des pales situées à l’entrée du moteur et des éléments de l’entrée d’air. Mais les conditions météorologiques difficiles ont mis un terme aux recherches assez rapidement.
Une nouvelle campagne a été organisée au printemps 2018, entre avril et mi-mai. La première phase, en vol, a impliqué un prototype de radar aéroporté mis en oeuvre par l’ONERA sur un Falcon 20. Celui-ci devait être capable de repérer des pièces sans être arrêté par la neige ni la glace. En pratique, l’hétérogénéité du glacier a perturbé l’équipement et les résultats ont été décevants. Par la suite, une équipe d’explorateurs danois habitués à la zone a mis en oeuvre des « grand penetrating radars » durant quinze jours au sol pour repérer d’éventuels éléments métalliques, là encore sans succès.
Actuellement, les analyses se poursuivent sur toutes les pièces et les données disponibles. Les enquêteurs essaient de préciser les zones à balayer sur le glacier au Groenland pour retrouver des débris et l’ONERA retravaille sur les enregistrements. « Nous verrons si nous avons de la matière pour lancer une nouvelle campagne avec des chances raisonnables de succès », déclare Rémi Jouty. La certitude n’est pas totale étant donné que le glacier avance, dispersant les pièces, et que celles-ci s’enfoncent. Les enquêteurs estiment qu’elles étaient enfouies sous environ deux mètres de glace et de neige au printemps 2018 et que cette couche atteindra quatre mètres au printemps 2019.