« La question centrale des assises est ‘jusqu’où voulons-nous aller dans le redressement de la compétitivité du transport aérien ?’ », selon Vincent Capo-Canellas, le sénateur de Seine-Saint-Denis. La réponse apportée ce matin par Elisabeth Borne semble être : « pas loin ». Car ni les dix-sept points de parts de marché perdues depuis les années 2000, ni les 90% de la croissance du trafic français captés par les compagnies étrangères, ni une année de discussions, colloques et tables rondes n’auront réussi à créer un sursaut au niveau du gouvernement. Clôturant les assises du transport aérien le 8 mars, la ministre des Transport n’a annoncé aucune grande mesure en faveur du secteur.
Elisabeth Borne a toutefois indiqué que les assises avaient abouti sur l’élaboration d’une « stratégie nationale collective pour la période qui s’ouvre jusqu’en 2025 ». Elle se décline en quatre axes : la transition écologique, la performance économique, le désenclavement des territoires et l’innovation.
« Je sais que beaucoup trouveront que c’est trop peu »
En ce qui concerne la question de la compétitivité, Elisabeth Borne a reconnu que « le transport aérien supporte un niveau conséquent de taxes et de charges ». C’est pourquoi plusieurs mesures ont été annoncées depuis l’ouverture des assises le 20 mars dernier, comme la baisse de la taxe d’aéroport (entrée en vigueur le 1er avril 2018), l’augmentation de l’abattement pour les passagers en correspondance (1er avril 2019), une mise à contribution des commerces des aéroports franciliens pour le financement des missions de sécurité et sûreté, et la poursuite de la baisse des taux des redevances de la navigation aérienne. Le tout devrait représenter un allègement de charges de 220 millions d’euros entre 2018 et 2019.
Mais rien de plus ne sera fait pour le moment. La ministre explique que ces gestes vont déjà à l’encontre des attentes du public et qu’ils sont en eux-mêmes des marques de soutien du pavillon français.
Vincent Capo-Canellas estime quant à lui que le glissement de calendrier des assises, provoqué notamment par la crise de gouvernance d’Air France à partir du mois d’avril 2018, a joué en leur défaveur et que la crise des gilets jaunes a rendu le gouvernement plus frileux. « Les assises du transport aérien ont été rattrapées par l’actualité et ont buté sur la crise des gilets jaunes. Nous aurions pu obtenir certaines mesures en octobre que nous n’avons pas eues en mars. » Notamment en ce qui concerne la taxe de solidarité, dont le secteur demandait à ce qu’elle soit réduite (tout ce qui est prélevé n’est pas utilisé) voire supprimée ou bien étendue au transport ferroviaire : « c’était une réforme à coût 0 et qui aurait permis de récupérer 30 millions d’euros », regrette-t-il. Une autre demande pour rétablir plus de justice était de supprimer les taxes du calcul de la TVA. « Nous sommes à 20% de l’effort », conclut-il.
Elisabeth Borne estime quant à elle que l’Etat a fait sa part de l’effort et que la compétitivité des entreprises est entre les mains de ses dirigeants et de ses salariés. « Je ne me satisfait pas de l’érosion du pavillon français, vous savez qu’elle est aussi en lien avec le fait que beaucoup de trafic se fait dans les aéroports régionaux et il n’y a tout simplement pas de compagnie français qui vient sur les liaisons qui se développent dans ces aéroports. Je pense que les compagnies aériennes doivent aussi aller se saisir de ces marchés en croissance. Vous avez sans doute remarqué qu’on voit plus easyJet et Ryanair que les filiales d’Air France sur les liaisons qui s’y développent. »
Une cinquantaine de mesures de simplification
Au-delà du sujet des taxes, une autre demande forte des acteurs concernait la simplification administrative. Une cinquantaine de mesures devraient être mises en place progressivement comme une meilleure organisation de la DSAC et de l’OSAC ou la dématérialisation de procédures. Il est en revanche hors de question de toucher aux cotisations sociales, qui sont à la base du système français.
Par le projet de loi PACTE, le gouvernement entend se doter des moyens de renforcer l’indépendance de l’ASI (Autorité de supervision indépendante) et lui donner davantage de pouvoir, notamment de sanction. Les décisions à son sujet sont attendues à l’automne.
Elisabeth Borne a également rappelé son engagement sur les Lignes d’aménagement du territoire, dont le budget a été quadruplé. Pour les territoires d’outre-mer, des conférences périodiques de consultation seront mises en place par bassin sur le sujet de la connectivité.
En ce qui concerne la durabilité du transport aérien, la France va travailler sur l’établissement d’une filière de carburants alternatifs avec l’objectif d’atteindre 2% de substitution en 2025. Par ailleurs, le pays souhaite généraliser les descentes continues à CDG d’ici 2023 et continuer à soutenir les riverains, notamment pour l’insonorisation de leur logement. Dix millions d’euros supplémentaires seront investis chaque année pour accélérer le traitement des dossiers.
Ceci n’est qu’un début, veut croire Elisabeth Borne. « C’est le point de départ d’un travail qui va se poursuivre sous l’égide du CSAC. » Le Conseil supérieur de l’aviation civile va être réinstauré dès l’été et surveillera la mise en oeuvre de la stratégie.