Le puzzle pour reconstituer le déroulement de l’accident d’un Airbus A380 d’Air France en 2017 vient de retrouver l’une de ses pièces. A la suite d’une nouvelle campagne lancée par le BEA et son homologue danois et dirigée par le GEUS (service géologique de Danemark et du Groenland), un nouvel élément du moteur n°4 (GP7200) a été retrouvé dans un glacier du Groenland, une pièce en titane d’un mètre cube et d’environ 150 kg. Il s’agit très certainement d’une partie de la soufflante du moteur. Il sera envoyé aux Etats-Unis pour analyse par Engine Alliance, sous la supervision du Bureau d’enquêtes et d’analyses.
Pour rappel, le 30 septembre 2017, l’A380 d’Air France immatriculé F-HPJE devant relier Paris à Los Angeles (vol AF66) a connu une défaillance non contenue de l’un de ses quatre GP7200 en pleine croisière, ayant entraîné la désolidarisation de la soufflante et obligé l’équipage à réaliser un atterrissage d’urgence à Goose Bay, au Canada. Plusieurs campagnes de recherches avaient déjà eu lieu, notamment dans les jours suivant l’accident, qui ont permis de récupérer des pales situées à l’entrée du moteur et des éléments de l’entrée d’air. Mais le BEA avait indiqué que ces éléments ne suffiraient pas pour déterminer les causes de l’avarie. « Il est peu probable de déterminer la cause-racine de l’incident avec les éléments retrouvés pour le moment. […] Si nous voulons aller plus loin, il nous faut récupérer les éléments de la partie du moyeu qui s’est séparée », avait affirmé Rémy Jouty, son directeur, en septembre dernier.
Cette quatrième campagne, lancée au printemps, devait être la dernière susceptible de retrouver de nouveaux éléments, les déplacements des glaciers et les chutes de neige rendant les recherches plus incertaines au fur et à mesure que le temps passe. Le GEUS explique qu’une zone de recherche de 3 km par 5 km avait été délimitée avec des zones prioritaires définies à l’aide d’un radar aéroporté de l’ONERA (utilisé lors des précédentes campagnes). Il a également fait appel à de nouveaux partenaires comme Polar Research Equipment, qui a mis à disposition son robot FrostyBoy, et le groupe d’hydro-géophysique de l’université d’Aarhus, qui a modifié son TEM (Transient ElectroMagnetic instrument) pour l’adapter aux opérations sur glace. Les deux équipements ont détecté la pièce métallique.
Celle-ci se trouvait sous quatre mètres de neige et de glace dans une zone environnée de crevasses, la plus proche se trouvant à moins de deux mètres de la pièce, certaines faisant 30 mètres de large et toutes rendues indétectables à l’oeil nu par la neige.
Le GEUS indique que l’extraction a demandé deux jours, à creuser et faire fondre la glace autour de la pièce. Il souligne qu’une équipe de l’organisme de recherche et de sauvetage islandais et Air Greeland ont également participé aux opérations – Air Greenland en fournissant les vols en hélicoptère.
« La phase de recherche a duré plus de treize semaines au Groenland, dont sept à camper sur la calotte glaciaire, à travailler dans un champ de crevasses à pied, en motoneige et en robot, avec des opérations nocturnes, sous la menace des ours polaires, dans des températures pouvant atteindre -35°C et des tempêtes avec des vents pouvant atteindre 25 m/s, avec des rafales pouvant atteindre 32 m/s », explique Ken Mankoff, chef de projet et chercheur chez GEUS, pour expliquer la difficulté des opérations.
La pièce du GP7200 de l’Airbus A380 d’Air France a été retrouvée sous quatre mètres de neige et de glace © Austin Lines (Polar Research Equipment)