Frantz Yvelin n’aura pas réussi à redonner un nouveau souffle à Aigle Azur. Arrivé à la tête de la compagnie il y a tout juste deux ans, il a été démis de ses fonctions le 26 août et remplacé par Gérard Houa (propriétaire de Lu Azul, qui détient 19% d’Aigle Azur), en tant que président, et Philippe Bohn (ancien directeur général d’Air Sénégal), en tant que directeur général. Les actionnaires lui reprochent d’avoir enfoncé davantage la compagnie dans ses difficultés. « Aigle Azur, pour continuer d’exister, exige des actions vigoureuses et immédiates », affirment ses actionnaires, qui parlent désormais de sauvetage.
Frantz Yvelin avait en effet pris les commandes de la compagnie pour lui transmettre son dynamisme et ses ambitions. C’est avec lui que le projet toujours repoussé de lancer des opérations moyen-courrier avait pu se concrétiser. Il avait également tenté de relancer le réseau moyen-courrier de la compagnie en y intégrant rapidement de nouvelles lignes (vers Moscou et Berlin puis Beyrouth et Milan) qui s’écartaient du réseau historique de la compagnie, plutôt concentré sur l’Afrique et l’Algérie en particulier (qui représente plus de 50% de son activité).
Cependant, le succès n’a pas été au rendez-vous. En ce qui concerne le long-courrier, la ligne Orly – Pékin a été suspendue pour le programme été, à peine un an après son lancement. Quant à celle vers Sao Paulo, elle sera supprimée en septembre. Ces lignes apparaissent symptomatiques de la relation que Frantz Yvelin entretenait avec ses actionnaires : le groupe HNA (49%), étant en grande difficulté financière, est moins enclin à dépenser sans compter pour soutenir sa filiale française, tout comme David Neeleman (fondateur d’Azul au Brésil et actionnaire à 32%) aujourd’hui. « Imprévisibles, des évolutions récentes dans le soutien apporté à Aigle Azur par ses actionnaires a mis à mal cette stratégie », avait regretté la compagnie dans un communiqué début août.
C’est à cette occasion que Frantz Yvelin avait annoncé un projet visant à céder à Vueling une partie de son activité au Portugal. Il avait alors reconnu que la compagnie était menacée à long terme à cause du coût du travail en France, de la surcapacité en Europe et des prix du carburant. Cette décision a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, comme en témoigne le ton du communiqué du groupe Aigle Azur publié à l’issue de la réunion de son conseil social et économique : « les errements stratégiques des deux dernières années doivent cesser. »
Les actionnaires estiment avoir été tenus dans l’ignorance de la situation de la compagnie, s’attendant à parvenir rapidement à l’équilibre voire à dégager un léger bénéfice. Mais ils indiquent qu’elle a en réalité perdu 50 millions d’euros depuis novembre 2017, principalement sur le moyen-courrier. Ils reprennent désormais les rênes et annoncent que « toute initiative qui démantèlerait l’entreprise est définitivement écartée », enterrant le projet d’accord avec Vueling. Philippe Bohn précise que les personnels, que Frantz Yvelin avait réussi à apaiser après des années de conflits sociaux, étaient hostiles à ce projet.
Aigle Azur exploite aujourd’hui onze appareils, neuf de la famille A320 (dont un A319 qu’elle loue à TAP après qu’un lessor a saisi l’un de ses A320 cet été) et deux A330-200 (qui volent sur Sao Paulo et Bamako). Après ces deux ans où elle a tenté de diversifier ses activités en lançant de nouvelles lignes sans lien avec son activité traditionnelle et d’entretenir la motivation de ses équipes, elle pourrait être tentée de revenir à son coeur de métier, la desserte de l’Algérie et du Portugal, pour préserver son existence.