Consciente depuis plusieurs années de son impact sur les émissions de CO2 à l’échelle planétaire et de la nécessité de le réduire, l’industrie du transport aérien a mis en place assez tôt des mécanismes de compensation des émissions de carbone, qui s’ajoutent au système européen de quotas. Initialement basée sur le volontariat des passagers et leur désir de compenser leur propre vol, l’initiative est montée d’un niveau et les compagnies aériennes commencent à s’engager elles-mêmes dans la compensation de leurs émissions. Air France et British Airways ont ouvert le bal ce mois-ci.
Aujourd’hui, les passagers désireux de compenser les émissions carbone de leur déplacement en avion ont la possibilité de le faire après leur réservation, grâce à des solutions proposées sur le site de la compagnie aérienne auprès de laquelle ils avaient réservé leur vol. En entrant l’origine et la destination de leur voyage dans un outil, les émissions de CO2 émises sont calculées ainsi que le montant à investir pour compenser. Le don est ensuite redistribué à des organismes partenaires pour replanter des arbres ou investir dans des énergies renouvelables.
Nombre de compagnies aériennes ont mis en place de tels systèmes, qui se sont particulièrement développés autour de 2007 : Transavia (France et Pays-Bas) travaille avec l’ONG Greenseat (qui permet à des foyers de pays en voie de développement d’accéder à une énergie durable), Lufthansa est associée à la société suisse myclimate, British Airways à Pure Leapfrog, Air France à Trip and Tree… Basés sur le volontariat et pas assez mis en valeur, ces outils ne sont toutefois pas très utilisés.
Certaines compagnies sont déjà allées plus loin. SAS compense ainsi tous les vols de ses employés sur ses lignes et a étendu son engagement à la compensation des billets Jeune en 2018 (1,5 million de billets par an) puis aux réservations effectuées avec le programme de fidélité EuroBonus depuis le début de l’année. La compagnie scandinave estime compenser ainsi 40% des émissions de CO2 de ses appareils. Finnair vient quant à elle d’élargir son programme « Push for change » pour y inclure, à la demande des ses passagers, d’autres partenariats au niveau plus local, l’un avec Compensate – qui aide les consommateurs à vivre de façon neutre pour le climat dans leur vie quotidienne – et l’autre avec Snowchange Cooperative – une organisation scientifique et de conservation de la nature par la restauration des espaces naturels et le retour de la faune sauvage. La compagnie propose aussi d’acheter du biocarburant pour son vol.
Copie d’écran du site de Finnair montrant les initiatives du programme Push for Change
Le 1er octobre, c’est Air France qui a lancé une initiative inédite, celle de compenser « proactivement » toutes les émissions de CO2 de ses vols domestiques à partir du 1er janvier. La compagnie souhaite ainsi « proposer à tous [ses] clients un voyage neutre en carbone en France ». Une façon de lutter contre les détracteurs de l’avion. Là encore, cette compensation prendra la forme de participation à des projets certifiés en faveur de l’environnement et des énergies durables. La compagnie précise que cela représente 450 vols et 57 000 voyageurs par jour.
British Airways lui a rapidement emboîté le pas en annonçant une initiative similaire de compensation de ses vols domestiques. Avec jusqu’à 75 vols par jour entre Londres et dix villes britanniques, les émissions de CO2 à compenser avoisinent les 400 000 tonnes par an. Le mécanisme reste classique et repose sur la participation à des programmes labellisés de protection de la forêt tropicale et de reforestation.
Solution facile à court terme, cette méthode reste cependant insuffisante. « Les compensations de carbone sont utiles tant que les infrastructures et l’industrie continuent à effectuer leur transition vers une mobilité électrique, des énergies alternatives et de nouvelles technologies nécessaires à des modes de vie sobres et neutres en carbone », estime ONU Environnement. Si la protection des forêts et le reboisement sont essentiels et font partie de la solution, les arbres plantés ne pousseront pas assez rapidement pour soutenir les objectifs mondiaux de réduction carbone et ne suffiront pas si les modes de production n’évoluent pas. Un constat qui s’applique aussi à l’échelle du secteur du transport aérien.
Pire, le système de compensation peut avoir un effet pervers : « ce n’est pas une solution miracle, et le danger est que cela peut conduire à la complaisance », affirme Niklas Hagelberg, spécialiste du climat pour l’organisation, qui exprime donc la crainte qu’une société compensant ses émissions ne cherche pas à les réduire par ailleurs. Dans le transport aérien, la prise de conscience est intervenue très tôt et les mesures se sont multipliées, au-delà du simple mécanisme de compensation, dans le cadre du programme CORSIA. Ecopilotage, suppression des plastiques à usage unique, tentative de promotion des biocarburants, implication dans le développement des avions plus électriques, Electronic Flight Bag et digitalisation, tout cela se met au service des objectifs fixés avec les Nations unies au travers de l’OACI.