Le problème des capacités aéroportuaires existait déjà bien avant que n’éclate la crise sanitaire. Mais avec les règles de distanciation physique, celles plus strictes d’hygiène et la mise en place de nouvelles procédures qui pourraient perdurer au-delà des prochains mois, les aéroports vont devoir profondément revoir leur organisation s’ils veulent pouvoir faire face à la future reprise du trafic. C’est le moment pour eux de se pencher sur la question et Eurocontrol, en partenariat avec l’ACI Europe, l’ARC (Airport Research Center), l’IATA et quatre opérateurs européens, a publié une étude qui évalue l’impact des différentes mesures conseillées sur les performances des aéroports.
Il en ressort que, dans l’état actuel des choses, le parcours passager ne devrait pas beaucoup s’allonger au départ (environ 10 minutes), quelques minutes pouvant être perdues au moment de la présentation du questionnaire de santé à l’enregistrement et au moment de l’embarquement avec l’obligation de respecter la distanciation sociale. A l’arrivée, il pourrait s’allonger de 5 à 20 minutes.
En revanche, les opérations vont requérir davantage de personnel, principalement au niveau des contrôles de sécurité au départ et du passage de l’immigration à l’arrivée. Si des moyens supplémentaires ne sont pas mobilisés pour ces points-là, il faudra le double d’espace pour faire patienter les passagers (à un niveau de trafic équivalent à celui de 2019) en respectant la distanciation sociale. Ceci aura un impact fort sur le débit, qui pourrait être réduit de moitié sans l’ouverture de guichets supplémentaires.
L’étude met également l’accent sur le danger de demander des vérifications sanitaires à ces niveaux critiques du parcours au départ et à l’arrivée, qui rendraient inutilisables les portiques de contrôle automatique et accentueraient la saturation. Elle évoque notamment la mise en place de zone de dégagement pour gérer les queues au départ et un débarquement retardé pour mieux gérer les flux à l’arrivée, surtout si des mesures de vérification sanitaire supplémentaires sont mises en place.
L’autre point noir concerne les salles d’embarquement et la zone de récupération des bagages. Dans les deux cas, l’espace risque d’être trop contraint avec les mesures de distanciation (notamment le blocage d’un siège sur deux en salle d’embarquement) et devrait être augmenté de 30% à 50% pour gérer correctement un flux similaire à celui de 2019. Les auteurs de l’étude redoutent par ailleurs que les passagers anticipent davantage leur arrivée à l’aéroport dans la crainte d’un parcours allongé, ce qui engendrerait une occupation plus importante des espaces d’attente (y compris à l’enregistrement). Seule une distribution différente des portes d’embarquement serait apte à compenser ce problème, en espaçant les horaires de départ de portes proches. Quant à la zone de récupération des bagages, si elle ne peut pas être réorganisée, la saturation peut être là aussi être atténuée en retenant plus longtemps les passagers dans leur avion.
Eurocontrol, l’ARC et l’ACI Europe tirent enfin la sonnette d’alarme pour les aéroports qui étaient déjà congestionnés avant que l’épidémie de covid ne cloue le transport aérien au sol. Pour eux, avec ces problématiques d’espace nécessaire pour chacune des étapes du parcours et l’impact sur les débits, la saturation pourrait intervenir dès que le trafic atteindra 75% voire 60% de son niveau de 2019.