ANA ne fait pas partie de ceux qui pensent que le transport aérien reprendra « comme avant » lorsque la crise sera passée. Le groupe a donc décidé de modifier son modèle et sa structure pour s’adapter à ce qu’il croit être « la nouvelle norme ». Cela passera par des mesures éprouvées comme la réduction de la flotte et un travail sur ses coûts mais également par un repositionnement du business model d’ANA et de Peach et la création d’une troisième compagnie pour répondre aux nouveaux besoins des futurs passagers.
ANA Holdings estime en effet que la baisse de la demande pour les voyages d’affaires sera durable en raison des nouvelles méthodes de travail adoptées en ce moment (télétravail, visioconférences), qui devraient laisser des traces dans l’organisation du temps de travail dans les années à venir. En revanche, il croit que cela va créer de nouveaux segments de voyage liés à cette réorganisation de l’environnement professionnel, qui viendront s’associer à la solidité de la demande VFR (Visit friends and relatives). Enfin, les préoccupations actuelles en matière sanitaire peuvent créer un nouveau potentiel pour des marchés inexploités jusqu’alors, basés sur une forte communication sur l’hygiène des appareils, sur les critères ESG (environnement, social, gouvernance) des compagnies, sur l’automatisation et le sans contact, ou sur les services simplifiés au maximum avec des options accrues de personnalisation.
Une nouvelle compagnie pour développer une offre hybride
La réponse d’ANA à cette évolution, c’est la création d’une nouvelle compagnie aérienne. Elle se positionnera entre ANA et Peach, en termes de prix et de profil de services, et sera créée à partir d’Air Japan, ce qui lui permettra de démarrer très rapidement et de s’adapter facilement aux fluctuations de la demande. Ses opérations seront réalisées en Boeing 787 abritant plus de 300 passagers (à l’image de ce qui se fait déjà sur le réseau domestique) et cibleront les vols où les passagers sont sensibles au prix et à destination de l’Asie du Sud-Est et de l’Océanie. Elle devrait décoller au cours de l’année fiscale 2022.
En parallèle, ANA va modifier son positionnement pour proposer des « services universels ». Elle adaptera son offre pour l’adapter aux aspirations des passagers pour leur bien-être personnel et leur préoccupation envers l’environnement. Le recours aux services numériques doit être accru, tout comme les options sur les prestations, qui doivent s’orienter vers du sur-mesure. Pour rentabiliser cette transformation, un travail va être fait sur la productivité et le développement de l’automatisation.
Quant à Peach, elle va travailler à étendre sa base clients aux voyageurs d’affaires et aux familles. Une plus grande coopération va être créée avec ANA, par exemple avec son rapprochement du programme de fidélisation, et son rayon d’action va être étendu grâce à l’arrivée des Airbus A321LR. Par ailleurs, elle va également se positionner sur l’activité cargo du groupe.
« Alors que nous nous efforçons de nous adapter à la situation actuelle, nous allons introduire une nouvelle structure d’entreprise basée sur deux stratégies majeures. Cette initiative de transformation globale ne se limite pas à la réduction des coûts, mais se penche plutôt sur l’évolution des voyages afin que le groupe ANA dispose d’un cadre pour une stratégie opérationnelle entièrement nouvelle et orientée vers l’avenir », explique Shinya Katanozaka, PDG d’ANA Holdings. L’autre volet de cette stratégie est d’augmenter les revenus non liés à l’aérien du groupe, avec le développement d’outils numériques.
Des mesures à plus court terme
En attendant, ANA Holdings va également poursuivre ses efforts de réduction de ses coûts. Alors que ses opérations reprennent très progressivement en fonction de la situation sanitaire dans ses différentes destinations, il a décidé de réduire sa flotte à une plus grande échelle que prévu initialement. Au niveau du groupe, elle va ainsi être réduite de 33 appareils par rapport aux prévisions du début de l’année fiscale. ANA seule perdra 35 appareils, dont 24 gros-porteurs (22 Boeing 777 seront retirés et la livraison d’un 777 et du dernier A380 est reportée).
Le groupe va également réduire ses dépenses en centralisant davantage certaines activités comme celles liées aux services à bord, à l’utilisation des véhicules, ou aux achats de composants pour la maintenance. Il va également ré-internaliser certaines tâches de l’assistance au sol ou la maintenance des cellules et des moteurs de sa flotte, ainsi que les installations MRO. D’autres efforts seront faits au niveau du personnel (renégociation des conventions collectives, baisses de salaires, mutations etc.).
La situation est en effet difficile pour ANA comme pour tous les autres groupes dans le transport aérien. ANA Holdings a enregistré un chiffre d’affaires de 2,36 milliards d’euros au premier semestre 2020 (avril – septembre), en chute de 72,4% et ses pertes nettes atteignent 1,52 milliard d’euros. Chez ANA, le trafic international a chuté de 95,1% par rapport à l’année dernière et le trafic intérieur de 79,9%. La situation n’est pas meilleure du côté de Peach, dont le trafic accuse une chute de 81,9%. Seule l’activité cargo tire son épingle du jeu, réalisant un chiffre d’affaires équivalent à celui de 2019 avec un trafic réduit de moitié.
Même si ANA s’attend à des résultats très dégradés sur l’année – le groupe s’aventure même à prévoir un chiffre d’affaires en baisse de 62% à 6 milliards d’euros et une perte nette de 4,13 milliards d’euros -, il reste confiant. « Par rapport au premier trimestre, le deuxième trimestre s’est nettement redressé, ce qui prouve que nous avons déjà atteint le creux de la vague et que nous assistons à une reprise spectaculaire », estime Ichiro Fukuzawa, vice-président exécutif et directeur financier d’ANA Holdings.