A l’occasion du congrès annuel de l’Union des aéroports français et francophones associés (UAF&FA), Olivier Jankovec a livré un instantané de l’activité des aéroports européens aujourd’hui. Après un été « au-delà des espérances », «la demande reste forte et défie les tensions géopolitiques », indique le directeur général de l’ACI Europe. Il met toutefois en garde : les fragilités des aéroports, déjà présentes avant la crise, se sont accentuées et la reprise ne suffit pas à les gommer, d’autant que de nouvelles menaces planent, avec « un environnement macroéconomique qui est en train de se détériorer et une menace de récession en Europe l’année prochaine ».
Mais le transport aérien se relève. L’ACI Europe constate un trafic accru de 74% au troisième trimestre par rapport à la même période l’année dernière, un très bon résultat qui trahit toutefois un recul d’encore 13 % par rapport à la période pré-crise et cache des disparités régionales. En effet, si la guerre en Ukraine n’a pas provoqué d’effondrement du trafic, elle a freiné la reprise dans les états frontaliers comme la Finlande et la Lettonie, où le trafic est toujours inférieur de 30 % à 2019. Les destinations méditerranéennes s’en sortent en revanche beaucoup mieux, la Grèce ayant par exemple dépassé son trafic pré-crise de 5%, tandis que l’Espagne et le Portugal l’ont retrouvé.
Les disparités sont également visibles selon la taille des aéroports, les plus grands aéroports étant toujours au-dessous de leur niveau de trafic pré-crise de 15 % en moyenne en raison des difficultés à se rendre en Asie (politique zéro covid en Chine, réouverture tardive des frontières ailleurs et rationalisation des dessertes liée aux temps de vols allongés à la suite de la fermeture de l’espace aérien russe).
Mais « la fragilité est aujourd’hui sur la situation économique et financière des aéroports, qui a été très mise à mal par la crise du covid ». Le trafic étant toujours inférieur à celui de 2019, « les revenus sont toujours à la traîne ». Dans le même temps, les aéroports subissent des pressions à la hausse des coûts car le trafic est très concentré sur des périodes de pointe et l’inflation pèse beaucoup sur les coûts de personnel et énergétiques (qui représentent 45 % des coûts opérationnels d’un aéroport). A cela s’ajoute la dette accumulée durant la crise, qui a creusé la dette déjà existante en 2019 de 60 milliards d’euros.
Selon Olivier Jankovec, le défi des aéroports aujourd’hui est de retrouver des capacités d’investissement pour l’avenir. « Ces besoins sont très conséquents : entre 300 et 400 milliards d’euros pour les dix prochaines années, investissements en décarbonation, en digitalisation, en qualité de service et en capacité. »
Les aéroports se trouvent par ailleurs dans un contexte où les priorités des politiques ont complètement changé depuis la crise sanitaire et l’attaque de l’Ukraine, qui favorisent des poussées protectionnistes. L’organisme a également constaté que la Commission européenne avait accepté de la « distorsion de concurrence massive » avec le soutien de certains Etats à leur compagnie nationale, l’assouplissement des règles d’utilisation sur les créneaux horaires… Tout ceci inquiète l’ACI Europe, qui considère que le protectionnisme est un risque pour le secteur et souhaite que « la Commission soit vigilante sur le respect des principes du marché unique du transport aérien ».
L’organisme se réjouit toutefois du rétablissement en cours de la règle d’utilisation des créneaux horaires et souhaite s’engager auprès de l’Union européenne en vue de l’adoption d’une nouvelle proposition de loi sur l’attribution des créneaux prévue pour 2023, révisant le règlement de 1996 actuellement en vigueur. Accueillant d’un très bon oeil cette révision, étant donné que les enjeux sont totalement différents (apparition des low-cost, aéroport devenu entreprise…) et qu’un risque de limitation des capacités aéroportuaires pèse, l’ACI Europe estime que « les règles d’attribution et d’utilisation des créneaux horaires vont devenir un enjeu économique et stratégique majeur ». Elle souhaite que les aéroports soient davantage partie prenante dans la définition des règles, pour que soient prises en compte les contraintes sur le développement des capacités, pour déterminer les types de connectivité nécessaires en fonction des territoires et rendre plus effective la règle des 80 % d’utilisation des slots, ainsi que pour adapter cette règle en la durcissant dans les aéroports les plus encombrés.
Enfin, l’inquiétude sur l’évolution du contrôle aux frontières garde toute sa vigueur, le nouveau système de contrôle renforcé à l’encontre des passagers arrivant de pays hors zone Schengen devant entrer en vigueur en mai 2023. L’ACI Europe estime que les Etats se sont concentrés sur les aspects informatiques et techniques de la mise en oeuvre de ce nouveau système mais n’ont pas assez porté leur attention sur les impacts en termes de process, de facilitation et de qualité de service et sur la mise en oeuvre des ressources nécessaires pour accompagner sa mise en place. Elle est actuellement en discussion avec les instances européennes pour obtenir une période de transition et des modifications structurelles.