Le SCARA (Syndicat des compagnies aériennes autonomes) a toujours vu des réformes profondes à apporter au transport aérien français pour assurer sa pérennité. Mais trois ans après la survenue de la pandémie de covid-19, le syndicat estime que la crise qui a accompagné la propagation du virus a « démontré de façon violente que le modèle économique établi dans les années 50/60 ne fonctionne pas. Il faut rebâtir les fondations », selon Jean-François Dominiak, son président.
Alors que les bilans commencent à tomber pour l’année 2022 et témoignent de la reprise dans le transport aérien, le SCARA s’inquiète que l’Etat puisse oublier que la crise n’est pas terminée. « Les compagnies aériennes sont toujours à la peine », témoigne Jean-François Dominiak. Toutes souffrent de l’inflation et de la hausse des prix de l’énergie et du carburant. Certaines n’ont pas reçu d’aides durant la crise et sont en difficulté aujourd’hui – à l’image d’Air Caraïbes et French bee (à la FNAM), qui devraient être déficitaires cette année encore. D’autres voient arriver les échéances de remboursement des PGE (Prêts garantis par l’Etat) avec une hausse des taux. Toutes doivent faire face à la « concurrence de majors qui ont été massivement subventionnées par leur Etat ».
« Nous souhaitons que l’Etat en prenne conscience » et vienne soutenir le secteur. Le SCARA demande pour cela l’annulation des dettes sur la taxe d’aéroport et sur la couverture du déficit de la DGAC et la renégociation au cas par cas des PGE. Autre demande – portée depuis des années -, il souhaite une réflexion sur le financement des activités régaliennes. Le syndicat « considère qu’il n’est pas du ressort des transporteurs de renflouer les déficits de l’Aviation civile lorsque le trafic aérien est en baisse », pas plus que le financement des services en aéroport (contrôle bagages, police aux frontières…).
La réflexion doit également s’étendre au modèle économique des aéroports, afin de redéfinir leurs missions. Le SCARA dénonce de nouveau le principe de la double caisse, qui permet aux aéroports de profiter de la chalandise des transporteurs en se transformant en centres commerciaux mais empêche le partage équitable des bénéfices avec ces mêmes transporteurs qui sont les seuls à faire se déplacer les clients vers ces centres commerciaux. Il s’insurge également contre la tendance des aéroports à moduler leurs redevances en fonction des performances environnementales des aéronefs qui opèrent. « De quel droit une infrastructure impose-t-elle des choix à une compagnie sur la façon de réaliser ses opérations ? C’est un rôle qui revient à l’Etat », souligne Jean-François Dominiak.
Le SCARA s’est donné une autre mission pour 2023 : faire reconnaître la compensation des émissions de CO2 comme un outil (transitoire) de décarbonation. « Ce sera un vrai combat cette année », souligne Jean-François Dominiak. En effet, dans le cadre de la loi Climat et Résilience, les compagnies aériennes doivent compenser leurs émissions intérieures. Dès lors, le syndicat estime que les taxes écologiques et les droits d’émissions (écocontribution sur les billets d’avion, Taxe incitative relative à l’incorporation des biocarburants TIRIB, UE-ETS) ne devraient plus s’appliquer pour cette partie des opérations.
Enfin, il souhaite que soit modifié le projet de décret relatif à l’interdiction des vols domestiques lorsqu’une solution ferroviaire en moins de 2h30 est possible. Etant donné que la loi Climat et Résilience impose la compensation des émissions sur les lignes intérieures d’ici 2026, elle n’aura plus d’intérêt lorsque les trois ans au bout desquels elle peut être renouvelée seront écoulés. Les lignes concernées par l’interdiction ayant déjà été supprimées, les audits semestriels commandés par la Commission européenne pour évaluer l’impact de la loi devraient par ailleurs témoigner d’un impact nul. Le SCARA s’inquiète en revanche pour un autre danger que pose cette loi : son extension, aux lignes avec une solution ferroviaire à moins de quatre heures et/ou au niveau européen. Il rappelle que le transport aérien n’a pas besoin de mesure punitive pour réduire ses émissions, puisque c’est également un enjeu économique pour lui, mais plutôt d’un soutien « marketing » de l’Etat, qui cesse d’ignorer le secteur et l’aide à redorer son image par une communication bienveillante sur les actions qu’il mène en faveur de sa transition et son utilité.