La réouverture de la Chine à la fin de l’année 2022 va permettre de stimuler la reprise du trafic durant plusieurs mois. Mais la pléthore de vents contraires qui menacent l’économie mondiale pourrait faire davantage sentir ses effets dans le courant du second semestre, ralentissant la reprise sans la remettre en cause. C’est ce qui ressort d’une analyse publiée par l’ACI World, qui estime également que le nombre de passagers pour 2023 devrait retrouver 92 % de son niveau de 2019, pour l’égaler en 2024.
Analysant le bilan de 2022, l’association dénombre 6,5 milliards de passagers en 2023, un chiffre qui correspond à 72 % du niveau de 2019. Le trafic a été stimulé par la suppression des restrictions au cours de l’année – parfois progressivement avec d’abord un assouplissement des règles pour les voyageurs vaccinés. Des disparités sont constatées, aussi bien entre les types de flux – le secteur domestique est toujours plus avancé dans la reprise que le secteur international – qu’entre les régions du monde – l’Amérique latine étant très en avance, à 91 % de son niveau de 2019, quand l’Asie Pacifique, qui a tardé à lever les restrictions de voyage, n’est encore qu’à 52 %. Le conflit en Ukraine a également redessiné la connectivité dans la région, la perte enregistrée dans certaines parties de l’Europe très exposées à la fermeture de l’espace aérien russe ayant stimulé le trafic dans les hubs du sud-est de l’Europe et du Moyen-Orient (Turquie, Emirats).
En 2023, le rattrapage devrait se poursuivre. L’ACI s’attend à ce que 8,4 milliards de passagers soient dénombrés, soit 92 % du niveau de 2019. Ce niveau devrait être de nouveau atteint en 2024 globalement – en 2025 pour le seul trafic international. En effet, l’association estime que le rebond de la demande devrait s’étendre à d’autres marchés qui se sont rouverts plus tardivement, en tête desquels la Chine, qui pourrait doper la reprise. Cependant, le contexte économique pourrait également peser et ralentir la reprise au second semestre, période à partir de laquelle la hausse des taux d’intérêt décidée par les banques centrales pour contenir l’inflation commencera à se faire sentir sur les économies et la consommation.
Des tendances contradictoires qui créent de l’incertitude
« Nous sommes conscients que la vitesse de la reprise dépend de plusieurs facteurs. D’une part, le possible ralentissement de la croissance du PIB dans les principales économies, associé à la hausse des tarifs aériens due à l’augmentation du prix du kérosène, pèse négativement sur la demande. D’autre part, un marché du travail solide et la réouverture de la Chine, le deuxième plus grand marché de l’aviation après les États-Unis, représentent une impulsion importante pour le trafic mondial de passagers », résume Luis Felipe de Oliveira, le directeur général de l’ACI World.
L’incertitude continue donc de perturber la boussole du secteur aérien. Des risques importants sont en effet présents, en tête desquels l’inflation. Selon plusieurs experts, le pic inflationniste a déjà été atteint et l’inflation devrait ralentir en 2023, notamment sous l’effet de la mise en place de taux d’intérêt plus élevés par les banques centrales. Mais ceci peut également provoquer un ralentissement économique, auquel l’aviation est très sensible, et met un à deux ans à produire ses effets sur l’économie (ce qui amène à la fin de 2023). Actuellement, le fonds monétaire international table sur une croissance modérée du PIB mondial, à 2,9 % en 2023. Mais elle devrait être bien plus faible dans les économies avancées, où elle pourrait être limitée à 1,2 %, et particulièrement dans la zone euro.
Par ailleurs, le prix du carburant d’aviation, qui s’est enflammé en 2022 en raison d’un manque de capacité de raffinage, a provoqué une hausse à deux chiffres des tarifs des billets. Si la situation se stabilise, elle le fait à un niveau élevé et le niveau des tarifs pourrait contribuer au ralentissement de la reprise. La tension et les conflits géopolitiques, liés au ralentissement économique, provoquent également une baisse de la confiance des consommateurs, qui, associée au reste, pourrait fortement entamer le désir de voyager, que les enquêtes de l’ACI continuent pour le moment de détecter. Enfin, les difficultés dans les chaînes d’approvisionnement font ralentir l’activité cargo.
Au contraire, des signes positifs sont toujours visibles aux côtés du « travel revenge » encore présent, en premier lieu la réouverture de la Chine, le deuxième marché aérien mondial. Le taux de chômage est également historiquement bas (4,9 % dans les pays de l’OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques), augmentant le nombre de passagers potentiels. « Ainsi, l’incertitude quant à une reprise rapide du secteur de l’aviation reste omniprésente, surtout à court terme », juge l’ACI.
A plus long terme, le secteur mise toujours sur une croissance continue. Selon l’ACI World, la crise sanitaire a provoqué un retard de deux ans et le trafic n’aura pas toujours pas rattrapé la courbe des prévisions pré-crise en 2027 (il sera au niveau qu’il aurait dû atteindre s’il n’y avait pas eu cette rupture majeure en 2024 ou 2025). En 2041, l’association estime que le secteur devrait transporter 19,3 milliards de passagers et 200 millions de tonnes de fret (dont 40 % aux Etats-Unis et en Chine).