C’est en mars 1924 qu’un Junkers F-13 d’Aero Oy a décollé du port de Stockholm pour Tallinn avec une cargaison de courrier, marquant le lancement des opérations de la compagnie aérienne qui deviendra par la suite connue sous le nom de Finnair. Dès le début, Aero Oy a également transporté des passagers (300 sur l’année 1924). Aujourd’hui, Finnair est une compagnie de près de 80 appareils, qui transporte 11 millions de passagers annuels et qui ressort en forme d’une double crise qui a fait s’effondrer son modèle économique historique et l’a contrainte à totalement repenser ses opérations.
Parmi les dates marquantes de l’histoire de la compagnie figurent l’inauguration de l’aéroport d’Helsinki en 1952, sans lequel elle ne serait rien, et l’adoption du nom « Finnair » en 1953. C’est la même année que la première liaison vers Paris a été lancée (avec deux escales, à Copenhague et Düsseldorf). Les années 80 ont vu l’inauguration des premières liaisons sans escale vers l’Asie, d’abord vers Tokyo (1983) puis vers Pékin (1988). Une petite révolution est survenue en 1991 lorsque la compagnie a été autorisée à utiliser l’espace aérien russe pour se rendre en Asie : Finnair s’est alors attachée à devenir la compagnie européenne spécialisée dans la desserte de ce continent, capable d’offrir les routes les plus courtes, même avec une escale puisque les vols européens vers la Chine et le Japon devaient nécessairement survoler la Finlande.
La crise du covid-19 a été un coup très dur pour Finnair, dont l’essentiel de la flotte est resté au sol durant dix-huit mois. Ayant survécu grâce à un soutien financier de 500 millions d’euros de son actionnaire majoritaire, le gouvernement finnois, elle a été jetée à terre par la fermeture de l’espace aérien russe, décidé en représailles des mesures européennes contre l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Une crise plus dure que celle du covid pour cette compagnie qui avait basé tout son modèle économique sur l’emplacement stratégique d’Helsinki sur les routes vers l’Asie.
« Nous n’étions pas certains d’arriver à nos 100 ans en bon état », reconnaît Javier Roig, le directeur France et Europe du Sud de Finnair. Complètement déstabilisée, la compagnie a tout de même « eu le courage, en pleine crise, de réaménager tous les long-courriers de la flotte » avec de nouvelles cabines (dont le fauteuil Air Lounge de classe affaires). Elle a également remis à plat sa stratégie pour maintenir son positionnement sur l’Asie tout en réorientant une partie de son activité vers des opérations plus rentables.
Javier Roig, directeur France et Europe du Sud de Finnair (à droite), célèbre le centenaire de Finnair, aux côtés de l’ambassadeur de Finlande en France, Matti Anttonen. Image © Le Journal de l’Aviation – tous droits réservés
Cela a consisté à rééquilibrer le réseau vers l’Amérique du Nord (24 vols sont assurés chaque semaine vers les Etats-Unis) et le Moyen-Orient et à développer des partenariats pour fournir des appareils en wet lease à des partenaires. Plusieurs appareils sont ainsi sous-loués, avec équipage, « en attendant des jours meilleurs » : quatre Airbus A320 à British Airways – qui reviennent sur le réseau Finnair cet été -, trois A330 à Qatar Airways et deux A330 à Qantas – les A330 n’ayant pas le rayon d’action nécessaire pour desservir l’Asie avec les nouvelles routes.
Malgré l’allongement d’au moins trois heures des vols vers le Japon et la Chine, Finnair tient à maintenir sa présence en Asie. Une vingtaine de vols hebdomadaires sont réalisés vers le Japon (Tokyo, Osaka et, à partir de mai, Nagoya) – contre quarante avant les crises. Le tarissement général de l’offre sur le Japon entraîne cependant une hausse des tarifs, qui maintient ces routes parmi les plus rentables du réseau. La desserte de la Chine reste plus compliquée en raison de la limitation des droits de trafic : Finnair ne dessert plus que Shanghai, trois fois par semaine, et Hong Kong en quotidien. Avant la crise, six routes figuraient au programme de vols.
« La demande nous accompagne parce qu’il y a moins de capacités mais nous jouons désormais avec les mêmes cartes que nos concurrents du Moyen-Orient. C’est très difficile pour nous », souligne Javier Roig, qui ajoute que le rêve de Finnair serait de retrouver son modèle initial dès la réouverture de l’espace aérien russe, sans toutefois compter que cela n’arrive dans un horizon proche.
Malgré ces difficultés, la nouvelle stratégie de la compagnie a porté ses fruits. Elle a publié des résultats positifs sur les cinq derniers trimestres et remboursé le prêt octroyé par l’Etat durant la pandémie. Sur l’année 2023, son chiffre d’affaires a augmenté de 26,8 % par rapport à 2022 pour atteindre 3 milliards d’euros et son bénéfice net a atteint 180 millions d’euros (contre 157 millions d’euros en 2019). Pour 2024, la compagnie s’attend à une hausse plus modérée du chiffre d’affaires et un bénéfice net moins important qu’en 2023 – notamment parce qu’elle a racheté quatre appareils qu’elle louait jusqu’à présent.
Mais cela ne va pas freiner les investissements. Les deux derniers long-courriers devant être réaménagés sont en cours de chantier et seront prêts pour la saison été, tandis que les deux derniers A350-900 que Finnair a en commande seront livrés cette année et au début de 2025. Les capacités devraient augmenter de 10 % pour permettre de se situer à 90 % du niveau de 2019, en augmentant les fréquences des vols en Europe et vers le Japon. Les cabines des Embraer seront réaménagées à leur tour. Mais surtout, la compagnie attend son nouveau président Turkka Kuusisto, qui devrait prendre ses fonctions au plus tard en juillet, avant de faire une annonce sur le renouvellement de sa flotte moyen-courrier. Celle-ci compte cinq A319 et dix A320 de plus de vingt ans de service, ainsi que quinze A321 plus récents, de moins de dix ans de moyenne d’âge. « En principe, nous devrions rester chez Airbus », indique Javier Roig.
Image © Finnair