C’est une journée historique et très émouvante qui s’est déroulée le 14 février, avec le dernier vol de l’A380 d’essais numéro quatre (MSN 4). Le prototype du super jumbo européen a effectué son tout dernier vol, quittant les installations d’Airbus à Toulouse pour l’aéroport du Bourget, où il rejoindra les collections du Musée de l’Air et de l’Espace, le plus vieux et le plus important musée aéronautique en Europe.
Comme l’a indiqué Patrick du Ché, le Directeur des essais en vol d’Airbus à son arrivée au Bourget, cet A380 a été très tôt baptisé affectueusement « la 4L à Dédé » par toute l’équipe des essais en vol de l’avionneur, en rapport avec sa livrée totalement blanche lors de son premier vol en octobre 2005, son numéro de série, le L de « Large » pour ses dimensions hors-normes et son immatriculation (F-WWDD). Il aura ainsi effectué un total de 3 360 heures de vol et 1 130 cycles.
Catherine Maunoury, la Directrice du musée de l’Air et de l’Espace du Bourget et ancienne championne du monde de voltige, a souligné le caractère historique de ce vol de transfert entre Toulouse et Le Bourget, deux lieux mythiques pour l’aéronautique. « Nous l’attendions avec impatience » a-t-elle annoncé quelques minutes après le dernier atterrissage de MSN 4, qui devient de fait le « premier Airbus que ce grand musée français et européen va compter dans ses collections ».
Catherine Maunoury a également rappelé que le musée du Bourget pratiquait une politique d’acquisition raisonnée en intégrant seulement des avions ayant une valeur historique exemplaire. « L’A380 est sans doute le plus fascinant de tous les Airbus et il fait aussi entrer le musée du Bourget dans le 21ème siècle. Grâce à lui, les visiteurs pourront appréhender le futur de l’aviation et l’histoire des essais en vol. » MSN 4 va en effet entrer dans une phase de grand chantier durant les prochains mois pour accueillir un aménagement mettant en valeur son rôle d’avion d’essais. « Cet avion sera chouchouté, aimé et beaucoup visité » a lancé Catherine Maunoury aux nombreux membres des essais en vol d’Airbus, visiblement très émus.
La signature du contrat de transfert de l’A380 MSN 4 par Patrick du Ché et Catherine Maunoury au Delivery Center d’Airbus.
« Nous, aux essais en vol sommes particulièrement fiers d’avoir pu voler sur cet avion pendant plus 10 ans », explique Patrick du Ché, qui rappelle que MSN 4 a participé à de nombreuses campagnes d’essais, d’abord pour la certification du programme puis dans le cadre du développement continu du super jumbo jusqu’à aujourd’hui. « La 4L à Dédé » était dédiée aux essais de performances et aux essais moteurs.
Le Directeur des essais en vol d’Airbus précise d’ailleurs que cet appareil était initialement équipé de Trent 900 (Rolls-Royce), avant d’être remotorisé par des GP7200 (Engine Alliance). Il a par ailleurs réalisé des campagnes mémorables, comme les essais à haute altitude à Medellín (Colombie) en 2006, celles au niveau de la mer à Pointe-à-Pitre et à Fort-de-France, par temps froid à Iqaluit (Nunavut, Canada), par temps chaud à Al-Ain (Émirats arabes unis), par vent de travers à Shannon (2006), puis à Keflavik (2007). Il a aussi réalisé un vol alimenté en biocarburant en 2008.
MSN 4 a également participé à 17 salons aéronautiques à travers le monde, sans oublier aussi la qualification des premiers équipages de Singapore Airlines (2007), Qantas (2008), Emirates (2008) et Lufthansa (2009). Il indique aussi que cet appareil n’avait pas vocation à venir rejoindre une compagnie aérienne, car les essais ont particulièrement fait souffrir sa structure et ses systèmes. « Le lot des essais en vol c’est évidemment d’amener l’avion dans des domaines qu’il n’est pas censé voir avec des passagers. Il est désormais arrivé au terme de sa mission et il nous a semblé évident qu’il fallait le mettre en valeur dans un grand musée comme celui du Bourget. »
« Pour nous, la conservation de cet avion est importante, c’est un héritage qui sera transmis aux futures générations de pilotes, d’ingénieurs, de techniciens et plus généralement de passionnés d’aviation. » ajoute Patrick du Ché. « Nous sommes convaincus qu’il va susciter des vocations, ici au Bourget. »
Les anciens appareils de la flotte d’essais revêtent aujourd’hui une importance particulière aux yeux d’Airbus, qui a d’ailleurs créé Airbus Héritage en juillet 2009, à l’occasion des 40 ans de l’avionneur, un département spécial animé par de nombreux salariés, qui consacrent bénévolement des heures à préserver ce véritable patrimoine, aussi bien du côté technique que du côté administratif. Jacques Rocca, en charge d’Airbus Héritage, nous a d’ailleurs précisé que la demande du Musée de l’air pour l’A380 remontait à 2012 avec une lettre de Catherine Maunoury à Tom Enders. Le patron du groupe aéronautique européen a alors immédiatement donné son aval sur le principe. C’est désormais une réalité.
[RETROUVEZ AUSSI DES DEMAIN LE COMPTE-RENDU A BORD DU DERNIER VOL DE L’A380 MSN 4 ENTRE TOULOUSE ET LE BOURGET]