Le salon Aircraft Interiors qui s’est tenu à Hambourg la semaine dernière a donné l’occasion au Journal de l’Aviation de visiter le centre de définition cabine de la famille Airbus A350 XWB, le Customer Definition Centre (CDC). Logé au coeur du site industriel d’Airbus à Finkenwerder depuis trois ans, à quelques dizaines de mètres de la ligne d’assemblage final des monocouloirs A320, ce véritable showroom créé à l’intention des compagnies aériennes clientes de la nouvelle famille de biréacteurs long-courriers d’Airbus va prochainement étendre ses capacités aux A320 et A330. Petite visite.
Le CDC A350 XWB a pris place à l’intérieur de l’un des plus vieux hangars de la plateforme de Finkerwerder, à l’intérieur duquel étaient d’ailleurs assemblée une partie des C-160 Transall produits en Allemagne à partir du milieu des années 60. Occupant une superficie de quelque 5000 m2 répartie sur deux étages, le CDC permet aux opérateurs de définir l’intégralité de la configuration, ainsi que les différents équipements présents à l’intérieur de leurs futurs appareils avant le gel définitif de la cabine, qui est généralement bouclée 18 mois avant la livraison effective. Le CDC A350 s’appuie d’ailleurs sur le catalogue des produits cabine proposés en line-fit et défini par Airbus, aussi bien les équipements BFE que SFE, afin de réduire le plus possible les risques qui pourraient se présenter en phase d’assemblage final ; le catalogue ACS (Airbus Contracted Supplier). Evidemment, les compagnies restent plus libres pour l’équipement de leur première classe, quand elle existe, ou pour des cabines premium extrêmement customisée.
« Nous avions besoin d’un centre ou nous pouvions interagir facilement avec nos clients et nos différents fournisseurs d’équipements cabine », explique Ingo Gäthje, le directeur Innovation Cabine et Cargo d’Airbus. Le CDC accueille de multiples zones de travail, des salles de réunions insonorisées pour respecter la confidentialité des différentes compagnies aériennes, qui peuvent utiliser simultanément les locaux lors de la customisation de leur cabine. « Les outils du CDC ont été jugés particulièrement bénéfiques par nos clients, notamment lors de la définition initiale de la cabine de leurs appareils », poursuit Ingo Gäthje qui souhaite aussi souligner que le CDC, c’est aussi la possibilité d’avoir un accès à des centaines d’ingénieurs Airbus spécialistes de la cabine.
Une partie du Design Studio du CDC. Image © Airbus
Le CDC comprend tout d’abord une grande salle baptisée Design Studio, dans laquelle peut être sélectionné l’ensemble des matériaux, tissus, moquettes et coloris associés, le tout visualisable sous différents types d’éclairage. Même la couleur des bandes de marquage au sol pour les évacuations d’urgence peut être personnalisée, afin de s’adapter au mieux au rendu final de la cabine, ou aux différents scénarios du « mood lighting », l’éclairage d’ambiance produit par une multitude de LED RGBw (w pour white, différents tons de blanc étant possibles) afin de fournir jusqu’à 16,7 millions de couleurs. Un long couloir permet d’ailleurs de se faire une idée de la grande quantité de blancs disponibles grâce à des tubes fluorescents émettant à différents degrés Kelvin fixés au plafond.
Un peu plus loin, un premier mock-up d’une partie de cabine d’A350 est totalement dédié à la définition des différents scénarios pouvant être diffusés par le système « mood lighting », chaque compagnie aérienne pouvant créer des ambiances qui lui sont propres. On se souvient par exemple du scénario « aurore boréale » imaginé par Finnair sur ses A350. « Une compagnie a même créé un scénario pour des anniversaires », annonce Erik Ezell, le directeur du Customer Definition Centre A350 XWB sans la révéler. Il précise d’ailleurs que les LED peuvent être contrôlées de façon indépendante tous les 12 pouces (30 cm), ce qui offre un nombre de possibilités infini, permettant par exemple de bien mettre en valeur le rendu d’une flûte de champagne ou d’un jus d’orange en classe Affaires lors de l’apéritif. « Nous travaillons beaucoup à comprendre comment l’effet de la lumière peut influencer l’humeur des passagers », explique pour sa part Ingo Gäthje qui souhaite cependant ajouter que les équipes d’Airbus veillent aussi « à ne pas aller trop loin ».
Le CDC étendu aux A320 et A330 dans les deux ans
C’etait l’une des grandes annonces d’Airbus lors du salon Aircraft Interiors de Hambourg. Le CDC A350 va s’étendre aux appareils de la famille A320 ainsi qu’aux A330. Le CDC va ainsi se voir ajouter une surface de 4500 m2 grâce à l’utilisation d’un hangar adjacent rendu disponible. Les travaux d’aménagement devraient durer près de deux ans. Les différents CDC partageront en commun l’espace de réception, des salles de réunion, une caféteria et un espace dédié aux innovations. (Image du futur CDC © Airbus) |
Une très vaste salle baptisée « Inspire Area » héberge dans une profonde obscurité une dizaine d’autres maquettes de partie de cabine à l’échelle 1 et sont entièrement configurables pour pouvoir accueillir sièges et monuments. Ils reproduisent en particulier les zones avant et arrière de la cabine, les parties les plus représentatives, et souvent les plus complexes à aménager. « Les produits du catalogue sont toujours physiquement présents au sein CDC et les mock-ups peuvent être intégralement reconfigurés en quelques heures, ils ne sont pas statiques » poursuit Erik Ezell. Il note d’ailleurs que chaque mock-up dispose toujours d’éléments fonctionnels, par exemple un coffre à bagage. Il observe par ailleurs à l’intérieur de l’un d’entre eux, entièrement aménagé en classe affaires, que cet outil est particulièrement parlant pour faire visualiser aux clients les trois différents types de configuration du plafond proposés en zone 1, notamment sous la zone de repos de l’équipage.
Sept des dix mock-ups étaient aménagés durant notre visite, les trois autres étant utilisés pour présenter des innovations en termes d’outils de configuration cabine. L’un d’entre eux accueillait d’ailleurs un « Virtual Reality Lab » permettant de visualiser l’ensemble d’une cabine aménagée avec des lunettes de type HTC Vive ou Gear VR de Samsung. « Nous ne pourrons jamais aménager un mock-up avec un niveau de réalisme et un niveau de customisation aussi complet qu’avec la réalité virtuelle » annonce Erik Ezell qui rappelle aussi que la VR n’a jamais cessé d’évoluer depuis la mise en service du CDC en 2014. « Pour nous c’est un outil parfait, car les clients ont vraiment besoin de visualiser la cabine de leurs futurs appareils dans un temps très court ». Deux grandes salles de réunion à l’étage utilisent d’ailleurs une technologie de visualisation 3D pour parcourir l’intégralité de la maquette numérique de la cabine, à un niveau de détail allant jusqu’au moindre marquage signalétique dans la langue souhaitée. Le processus virtuel est combiné avec deux salles de configuration réelles, pouvant récréer les limites physiques de la totalité de la cabine (portes, garnitures latérales) pour les A350-900 et -1000 afin d’y tester la disposition des sièges et des monuments. Cet outil permet d’ailleurs de vérifier par exemple que les trolleys pourront rouler librement dans la cabine sans rencontrer d’impasse liée à une mauvaise configuration.
Utilisation de l’outil A350 XWB Configurator pour obtenir une maquette numérique de l’aménagement de la cabine. Image © Airbus
La réalité virtuelle est d’ailleurs apparue au CDC avec un outil de personnalisation des toilettes. Baptisé « Lavatory Configurator », cet outil se présente comme une application interactive qui permet de choisir les couleurs, les textures et les formes géométriques de chaque toilette, ce qui n’aurait jamais été possible autrement compte tenu du trop grand nombre de configurations possibles. Un peu plus loin, trois salles affichant les marques Thales, Panasonic et Zodiac sont totalement dédiées à la sélection des systèmes de divertissement et de connectivité embarquée proposés sur l’A350. Enfin, une autre grande salle est dédiée à la sélection des équipements des cuisines fournis par IPECO, B/E Aerospace et Zodiac, du compacteur au four, en passant par les bouilloires et les machines à expresso. « Ici les équipes des compagnies aériennes peuvent même réchauffer leurs recettes, évaluer comment la chaleur se diffuse dans leurs plats », explique Erik Ezell qui souligne que tous les équipements disponibles ici sont des vrais. La pièce peut même simuler l’ambiance sonore au niveau des différents emplacements des galleys pour connaitre quel sera le bruit perçu en vol par les passagers.