C’est sous un ciel particulièrement chargé que le premier Airbus A321LR (Long Range) a décollé pour la première fois depuis les installations de l’avionneur européen à Hambourg Finkenwerder, peu après 11h. Deux ans seulement après le vol inaugural de l’A321neo, la nouvelle version du monocouloir le plus capacitaire de la famille A320neo d’Airbus est particulièrement attendue, l’A321LR apportant deux évolutions majeures, qui ne trouvent pas d’équivalent dans la gamme de son grand rival américain Boeing.
La première est la nouvelle configuration ACF (Airbus Cabin Flex) qui, optionnelle aujourd’hui, mais qui deviendra standard à partir de 2020, permet d’optimiser la cabine de l’A321neo, grâce à la modification et au déplacement des différentes portes intermédiaires situées le long du fuselage. Ainsi, grâce à cette configuration, le monocouloir pourra voir sa capacité maximale portée à 240 sièges, en respectant la réglementation relative à la limitation du nombre de passagers par issue de secours. Ce sont 10 sièges de plus que pour le 737 MAX 10 de Boeing, lancé au Bourget en juin dernier, la capacité maximale de l’A321neo atteignant ainsi pour la première fois celle du Boeing 757-200.
Pour ce faire, les portes 2 ont ainsi été supprimées, deux paires d’issues de secours de type III rajoutées au milieu de la cabine (une paire activée par défaut) et les portes 3 repoussées de quatre cadres vers l’arrière. Les portes 3 pourront quant à elle être désactivées suivant les besoins des opérateurs en termes de capacité. La suppression des portes 2 permet aussi d’éliminer la rupture de la cabine avant, ce qui facilitera l’installation d’une vrai classe affaires, analogue à ce que l’on trouve sur long-courrier.
La seconde grande évolution apportée par l’A321LR est évidemment, et comme son nom l’indique, l’augmentation de son rayon d’action, l’appareil affichant désormais une distance franchissable de 4 000 nautiques (7 400 km). L’appareil qui vient d’effectuer aujourd’hui son premier vol arbore d’ailleurs une livrée spéciale qui, avec sa Statue de la Liberté et sa Tour Eiffel, vante bien sa capacité transatlantique. Un premier vol d’essai au-dessus de l’Atlantique Nord pour rejoindre les États-Unis est d’ailleurs déjà programmé pour les prochaines semaines, tout un symbole.
L’augmentation du rayon d’action de l’A321LR est le résultat d’une nouvelle augmentation de sa masse maximale au décollage (MTOW), désormais portée à 97t. L’appareil emportera également jusqu’à 3 réservoirs auxiliaires de 3 000 litres (ACT). La MTOW de l’A321 n’avait pas évolué depuis la fin des années 90, avec l’A321-200 à 93,5t. En dix ans, l’A321 aura ainsi vu son rayon d’action augmenter de 1 000 nautiques avec l’apport des Sharklets, l’arrivée des nouvelles motorisations, et les nouvelles améliorations apparues spécifiquement pour l’A321LR.
Un avion extrêmement polyvalent… et sans réel concurrent
Fruit des multiples évolutions incrémentales apportées par Airbus à sa famille de monocouloirs (entre 300 et 400 millions d’euros sont investis chaque année pour la famille A320), l’A321LR combine l’avantage des faibles coûts opérationnels d’un monocouloir aux caractéristiques d’un long-courrier. Comme le souligne d’ailleurs Klaus Röwe, le directeur des programmes de la famille A320, les passagers pourront d’ailleurs disposer de tous les raffinements que l’on connait actuellement sur gros-porteurs (sièges lie-flat, dernière génération d’IFE).
Selon lui, si plus d’une centaine d’exemplaires ont déjà été vendus, le marché s’annonce encore plus prometteur que prévu. Bien sûr, l’A321LR est le candidat idéal pour le remplacement d’un grand nombre de 757-200 et 767, mais pas seulement. « Nous allons voir que l’avion va participer à la fragmentation du marché, avec plus de lignes point à point, cela va stimuler le marché » a prévenu Klaus Röwe.
L’A321neo a d’ailleurs déjà commencé à assurer des vols particulièrement longs, comme l’annonce Amaya Rodriguez-Gonzalez, en charge du marketing de la famille A320, avec par exemple ce vol Reykjavik – Los Angeles assuré par la compagnie Wow Air (6942 km – 8h40 de vol). Des compagnies comme Norwegian et TAP n’ont d’ailleurs pas caché que leurs A321LR seraient déployés sur des liaisons transatlantiques. Mais de multiples marchés vont très probablement apparaître en plus de celui d’assurer des vols entre l’Europe et l’Amérique. Citons par exemple le potentiel des liaisons entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne, le Moyen-Orient ou l’Asie Centrale, les liaisons entre l’Amérique du Sud et les États-Unis, la Chine et l’Inde…
Les perspectives sont d’autant plus intéressantes que Boeing n’a pas vraiment d’appareil capable d’assurer ce rôle aujourd’hui, l’avionneur américain rêvant toujours de NMA (New Mid-size Aircraft) pour venir pleinement occuper le « Middle of Market » (MoM), un marché remporté quasiment intégralement par l’A321neo d’Airbus.
Bien sûr le 737 MAX 10 a permis à Boeing de limiter l’écart de capacité des deux gammes de monocouloirs concurrentes, mais au prix d’une réduction de son rayon d’action. D’ailleurs, pour la petite histoire, l’A321LR qui vient d’effectuer son vol inaugural aujourd’hui porte le MSN 7877, un petit clin d’oeil directement adressé à Boeing, pour montrer qu’il est tout simplement positionné en dessous de son 787-8, donc au coeur du marché. Avec plus de 1900 exemplaires commandés par plus d’une cinquantaine de clients, l’A321neo détient 80% de part de marché sur son segment. Rien que pour l’année 2017, 56% des monocouloirs commandés à Airbus concernaient des A321neo.