Le couperet est tombé. La compagnie Emirates a décidé d’annuler la livraison de ses 39 derniers A380 en commande au profit de 70 nouveaux biréacteurs gros-porteurs produits par l’avionneur européen, à savoir 40 A330neo (A330-900) et 30 A350 XWB (A350-900). Ces nouveaux appareils sont respectivement livrables à partir de 2021 et 2024.
La décision de la compagnie de Dubaï est suivie d’une autre décision stratégique pour Airbus qui a décidé de mettre un terme à la production de son Super Jumbo en 2021, date à laquelle Emirates réceptionnera son dernier exemplaire. Emirates est de très loin le plus important opérateur d’A380 au monde avec 109 exemplaires en flotte. La compagnie doit encore réceptionner 14 exemplaires au cours des deux prochaines années.
« La conséquence de cette décision est que notre carnet de commandes n’est plus suffisant pour nous permettre de maintenir la production de l’A380, et ce, malgré tous nos efforts de ventes auprès d’autres compagnies ces dernières années. Cela mettra un terme aux livraisons d’A380 en 2021 », a déclaré Tom Enders, Président exécutif (CEO) d’Airbus.
Pour Guillaume Faury, Président d’Airbus Commercial Aircraft et futur Président exécutif d’Airbus à compter du mois d’avril, « L’A380 est l’étendard d’Emirates et a contribué à son succès pendant plus de dix ans. Même si nous regrettons la décision de la compagnie aérienne, le choix de l’A330neo et de l’A350 pour assurer sa croissance future est un formidable gage de reconnaissance pour notre famille extrêmement compétitive de gros-porteurs ».
La fin du programme A380 va cependant avoir des répercutions sociales, Airbus indiquant qu’entre 3000 et 3500 de ses salariés pourront être affectés même si les montées en cadences des monocouloirs de la famille A320 et l’ajout des nouveaux gros-porteurs d’Emirates au backlog pourront offrir de nombreuses possibilités de mobilité en interne.
Airbus a également assuré que le support de la flotte d’A380 continuera naturellement à être fourni aux opérateurs durant les nombreuses années restantes.
Jamais vraiment limpides, les perspectives de l’A380 s’étaient considérablement assombries depuis quelques mois. La sortie de flotte des quatre premiers A380 de Singapore Airlines au bout de douze ans de service et le démantèlement de deux d’entre eux avaient déjà terni le programme, même si la reprise des deux autres par HiFly était une bonne nouvelle et que la présentation du premier avait fait sensation à Farnborough.
Est ensuite survenue cette annonce de la reprise des négociations avec Emirates au sujet de la dernière commande de (jusqu’à) 36 appareils, provoquée par un échec des discussions avec Rolls-Royce sur la motorisation. Puis l’effacement des huit derniers Super Jumbo de Qantas du carnet de commandes, un nouveau coup symbolique même si la compagnie australienne avait annoncé depuis longtemps qu’elle ne les prendrait jamais.
Et enfin, cette interview d’Akbar Al-Baker cette semaine, dans laquelle il annonce le retrait des dix A380 de la flotte de Qatar Airways au bout de dix ans de service – c’est-à-dire à partir de 2024 – avec cette déclaration : « nous ne voyons aucune opportunité sur le marché de seconde main. Il y a des A380 de Singapore Airlines dont personne ne veut et, cette année, il y aura également des avions d’Emirates sur le marché de l’occasion. »
Seul le groupe IAG conservait encore de l’intérêt pour le programme mais Willie Walsh, son PDG, a toujours refusé de s’engager sur de nouveaux exemplaires tant qu’Airbus ne ferait pas d’effort sur les prix.
La fin de l’A380 marque la fin des quadriréacteurs de transport de passagers
Réussite technologique ayant propulsé Airbus à l’égal de Boeing, le programme A380 était devenu difficile à vendre ses dernières années, conséquence inévitable des progrès apparus sur les biréacteurs long-courriers de grande capacité.
La dernière génération de Boeing 747, le 747-8I en a fait aussi les frais, l’avionneur américain n’ayant plus aucun exemplaire de la version passage à livrer, à l’exception des appareils déjà produits qui assureront le rôle d’Air Force One aux Etats-Unis.
Les appareils de type A350-1000 chez Airbus, ou 777X chez Boeing vont ainsi devenir les vaisseaux amiraux des deux rivaux pour les prochaines décennies, assurant le remplacement des actuels appareils de 300 à 400 sièges. Reste donc à savoir où se situera le véritable coeur du marché des appareils de grande capacité. Car l’abandon du programme A380 peut aussi être une bonne nouvelle pour Boeing et en particulier pour son 777-9.
La guerre des très gros biréacteurs ne fait que commencer.