La 53e édition du salon du Bourget a été l’occasion de rencontrer Jean-Paul Alary, désormais à la tête de Safran Landing Systems depuis février 2018. De formation ingénieur et passionné par l’aéronautique depuis son enfance, même s’il avoue n’avoir eu l’occasion de monter dans un avion qu’à l’âge de 22 ans, cet Aveyronnais a commencé à dessiner des chambres de combustion à la Snecma (aujourd’hui Safran Aircraft Engines) au début des années 90 avant de poursuivre sa carrière dans pas moins de cinq entités du groupe Safran. Toujours animé par « l’innovation et la passion », le Président de Safran Landing Systems nous expose à cette occasion les prochains grands enjeux du spécialiste mondial des atterrisseurs et des freins carbone.
Innover pour rester le numéro 1 mondial
Avec 27 000 avions équipés pour l’équivalent de 70 000 atterrissages chaque jour, Safran Landing Systems est incontestablement le leader des trains d’atterrissage au niveau mondial, une position que son président entend bien garder face à ses concurrents en continuant à offrir des solutions innovantes tout en réduisant les coûts de possession pour les compagnies aériennes . « Pour réussir, il n’y a pas de secret : c’est l’excellence opérationnelle et l’innovation, et il n’y a pas de limites dans ces deux domaines », annonce Jean-Paul Alary.
Il note que Safran Landing Systems consacre par exemple d’importants investissements pour substituer les traitements de surface à base de chrome. L’équipementier travaille par ailleurs sur de nouvelles architectures, car les avions vont encore évoluer et les trains d’atterrissage vont devoir se loger dans des espaces de plus en plus réduits. « La capacité à intégrer un train d’atterrissage dans une aile beaucoup plus fine par exemple, cela fait aussi partie des enjeux de demain, c’est un point très important », a-t-il souligné. Il explique aussi que pour pouvoir rester compétitif, le spécialiste mondial des trains d’atterrissage peut jouer sur les architectures, les matériaux, les procédés de fabrication et bien sûr le schéma industriel. « C’est sur l’ensemble de ces leviers que nous travaillons pour les futures générations de produits », poursuit-il.
Mais l’autre grande spécialité de l’équipementier, c’est bien sûr les freins carbone, une invention héritée de SEP / Carbone Industrie et introduite par Messier-Bugatti sur l’A310 il y a plus de trente ans. Safran Landing Systems se positionne très largement en tête, avec aujourd’hui près de 55% de part de marché face à ses concurrents. Mieux, cette activité connaît une progression de l’ordre de 10% par an, très largement supérieure à la croissance du trafic aérien mondial. Pour Jean-Paul Alary, cette performance s’explique par le fait que la société continue à gagner des parts de marché face à ses compétiteurs en introduisant régulièrement des améliorations, mais aussi parce que 22% des avions commerciaux restent encore équipés de freins acier, deux fois plus lourds et pratiquement trois fois moins endurants que les freins carbone.
Pour répondre à cette demande, le président de Safran Landing Systems nous annonce que les trois sites de production existants (Villeurbanne, Walton dans le Kentucky et Sendayan, près de Kuala Lumpur en Malaisie) vont continuer à croître, mais qu’une quatrième implantation devrait voir le jour prochainement. « Nous réfléchissons à sa localisation, soit aux États-Unis, soit en France avec une décision qui devrait intervenir dans les prochaines semaines. L’idée c’est de pouvoir répondre aux besoins du marché à horizon 2023-2024 », nous dévoile-t-il, précisant que cette nouvelle usine bénéficiera de grandes avancées sur le plan de la compétitivité et sur les problématiques environnementales.
Vers l’électrification de l’ensemble des fonctions des trains d’atterrissage
Mais comme l’explique Jean-Paul Alary, l’autre enjeu c’est la poursuite de l’électrification de l’avion, un axe majeur qui concerne d’ailleurs toutes les sociétés du groupe Safran. « L’avion tout électrique c’est pour après-demain, mais l’avion plus électrique c’est déjà aujourd’hui », prévient-il. Il rappelle d’ailleurs que Safran Landing Systems poursuit ses travaux avec Airbus sur le programme « Electric Taxiing » avec un premier avion prototype qui pourrait rouler avant la fin de l’année. Mais l’équipementier veut encore aller plus loin en venant électrifier toutes les autres fonctions du train d’atterrissage, que ce soit pour l’orientation des roues avant, l’extension-rétraction de l’ensemble des atterrisseurs ou encore pour franchir une nouvelle étape sur le freinage.
« Nous connaîtrons d’ici la fin 2020 une montée en maturité technologique pour électrifier toute la pointe avant des avions d’affaires », annonce Jean-Paul Alary qui ajoute qu’un banc représentatif sera mis en place avec un grand avionneur, hélas sans vouloir le nommer. Il rappelle que la suppression de circuits hydrauliques courant jusqu’à l’avant de l’avion apportera évidemment des gains substantiels en termes de masse, mais pas seulement, la fiabilité étant aussi un enjeu important.
Le patron de Safran Landing Systems a également précisé que l’équipementier avait défini deux roadmaps distinctes pour la fonction extension-rétraction. La première voie est électro-hydraulique, c’est-à-dire que la fonction sera activée de façon électrique, mais avec le maintien d’une source hydraulique locale, la seconde étant quant à elle totalement électrique. « Nous aurons ainsi deux solutions matures en fonction des applications », prévient-il.
Il ajoute que les travaux sur l’électrification de la fonction freinage seront poursuivis. « Nous avons été les premiers à introduire le freinage électrique sur le 787 de Boeing et nous sommes en train de travailler sur la deuxième étape avec une performance accrue, que ce soit au niveau de la masse, des coûts ou de son intégration », ajoute-t-il. « À horizon 2021-2022, nous serons capables de proposer au marché l’ensemble des fonctions du train d’atterrissage de façon électrique », a-t-il affirmé.
Le NMA de Boeing logiquement en ligne de mire
Répondant à notre question sur la dernière augmentation de masse maximale au décollage (MTOW) de l’Airbus A321neo consécutive au lancement de l’A321XLR, Jean-Paul Alary nous explique que le train va devoir nécessairement être encore un peu modifié. Il rappelle que le train d’atterrissage de la famille de monocouloirs Airbus a déjà beaucoup évolué au fur et à mesure des décennies même si la base est restée la même. « C’est notre capacité d’innovation qui permet à un train d’atterrissage de continuer à pouvoir accroître sa faculté d’emporter une charge au décollage beaucoup plus importante que celle qui avait été prévue il y a 30 ans », souligne-t-il.
Quant au projet NMA de Boeing, le président de Safran Landing Systems s’est montré on ne peut plus clair. « J’espère qu’il y aura un appel d’offres sur le NMA et nous nous positionnerons pour apporter des solutions compétitives à Boeing, que ce soit sur le train d’atterrissage, les roues et freins, mais aussi sur tous les systèmes et équipements liés aux fonctions d’extension-rétraction et de freinage. Nous pouvons apporter beaucoup d’innovations sur le programme NMA », nous annonce-t-il.
Pour rappel, Boeing table pour l’instant sur un possible lancement du programme NMA l’année prochaine pour une mise en service pouvant intervenir à horizon 2025-2026. Cette famille d’appareils amenés à remplacer les 757 et 767 est pour l’instant le seul programme d’avions commerciaux de conception entièrement nouvelle annoncé pour la prochaine décennie.
Les activités après-vente de Safran Landing Systems au beau fixe
Avec l’augmentation continue de la flotte mondiale, les activités après-vente de Safran Landing Systems connaissent logiquement aussi une croissance soutenue depuis des années. Jean-Paul Alary rappelle que le réseau de soutien aux compagnies aériennes consiste aujourd’hui en onze stations de réparations réparties sur toute la planète, aussi bien pour les activités de restauration des trains d’atterrissage que pour les roues et freins, ou encore pour les systèmes et équipements accompagnant les atterrisseurs.
Pour accompagner cette croissance, il annonce aussi qu’une nouvelle implantation sera ouverte avant la fin de l’année à Xi’an, au coeur de la Chine, en partenariat avec la compagnie aérienne China Eastern afin de mieux couvrir les besoins d’un marché sur lequel Safran Landing Systems n’était pas directement présent. « La région de Xi’an est connue pour sa célèbre armée de terre cuite, mais elle le sera aussi avec notre nouvelle implantation », plaisante Jean-Paul Alary.
Il note aussi que la digitalisation des informations de maintenance est un enjeu essentiel, citant par exemple le pneumatique connecté PresSence, fruit d’un partenariat entamé avec Michelin depuis plus de deux ans (lire notre article : Bourget 2019 : Le pneu aéronautique connecté est déjà une réalité avec Safran et Michelin) et qui vise à faciliter les opérations de maintenance en ligne et en particulier à réduire le temps nécessaire à la prise de mesure de la pression pour pouvoir accroître la disponibilité des appareils.
Autre initiative, le nouveau portail digital clients mis en ligne à la fin de l’année dernière, « plus centré sur les problématiques des compagnies aériennes », avec des informations facilitant leur processus décisionnel, l’accès à la documentation et proposant de commander directement des pièces ou des réparations. Mais le président de Safran Landing Systems n’a pas l’intention de s’arrêter là, annonçant déjà l’arrivée d’une nouvelle solution dédiée à la maintenance en ligne qui permettra aux techniciens de maintenance de réaliser l’ensemble de leurs opérations quotidiennes et hebdomadaires d’inspections des avions au sol en un seul clic, grâce à une appli baptisée « StreamLine » et que nous ne manquerons pas de suivre…