Safran a profité de son assemblée générale des actionnaires pour faire le point sur ses activités et alors que les effets des difficultés financières des compagnies aériennes mondiales ont désormais un impact direct sur ses ventes.
Le groupe de motoristes et d’équipementiers français a ainsi vu son chiffre d’affaires divisé par deux en avril par rapport à la même période l’année dernière, impacté par la forte diminution des livraisons de monocouloirs neufs, aussi bien chez Boeing (un an après l’immobilisation du 737 MAX) que chez Airbus (conséquence de la pandémie sur les compagnies aériennes). Les deux prochains mois devraient logiquement afficher une diminution de chiffre d’affaires du même ordre, voire supérieure, compte tenu de la multiplication des reports de livraisons d’avions neufs.
Le groupe Safran table désormais sur un nombre de livraisons de réacteurs LEAP inférieur à 1000 sur l’année compte tenu de la diminution des livraisons d’avions commerciaux attendue. « J’avais cité il y a quelques semaines le chiffre d’un millier de LEAP à fabriquer sur l’année 2020, aujourd’hui malheureusement nous sommes en dessous de ce chiffre » a indiqué son directeur général Philippe Petitcolin.
Le motoriste CFM International, coentreprise détenue à 50/50 par Safran Aircraft Engines et l’Américain General Electric (GE), avait livré 1736 réacteurs LEAP l’année dernière pour les plateformes A320neo et 737 MAX. Les précédentes projections de Safran annoncées lors de la présentation des résultats annuels du groupe en février tablaient sur la livraison de 1400 réacteurs LEAP cette année, c’est-à-dire sans l’impact qu’allait amener quelques semaines plus tard la crise sanitaire mondiale.
Cette diminution d’activité ne concerne évidemment pas que les moteurs, les autres branches du groupe étant tout aussi impactées (nacelles, atterrisseurs, équipements de cabine, …). De plus, on sait que les services après-vente sont encore plus durement impactés par l’immobilisation des flottes des compagnies aériennes, alors qu’ils constituent une part très importante de la rentabilité du groupe.
Dans ce contexte, le groupe Safran annonce qu’il va « significativement réduire ses coûts et abaisser le point mort de ses activités pour bénéficier de la reprise quand elle aura lieu », notamment en renforçant les mesures qui avaient déjà été mises en place pour faire face à l’arrêt de la production du 737 MAX en janvier dernier, et même si l’assemblage des monocouloirs de Boeing vient de reprendre à un rythme très limité depuis le 27 mai.
L’équipementier a notamment décidé de réduire de 60% ses dépenses d’investissements, de 30% ses dépenses de R&D et de 20% ses coûts opérationnels. À plus court terme, une trentaine de sites du groupe sont aujourd’hui temporairement fermés (dont cinq en Russie pour des raisons sanitaires). En France, 40% des salariés ont été mis en chômage partiel (35% au niveau mondial).
L’optimisme demeure cependant à plus long terme
Si Philippe Petitcolin se prépare désormais à une crise « très profonde et très longue », avec un retour au niveau d’avant-crise qui ne sera pas atteint « avant 2022-2023 », le groupe Safran mise aujourd’hui sur une reprise progressive du trafic aérien, alors que de nombreuses compagnies aériennes commencent à bénéficier de différentes mesures de soutien à travers le monde pour poursuivre leur activité.
Gaël Méheust, le PDG de CFM International s’était d’ailleurs montré optimiste dans une lettre rendue publique le 15 mai. « Nous commençons à voir une lueur d’espoir alors que les économies prennent les premières mesures pour rouvrir. En Chine, par exemple, le trafic commence à se redresser, en baisse d’environ 45% par rapport aux niveaux de 2019 avec des taux de remplissage de 60%. Nous commençons également à voir des signes précurseurs d’amélioration dans d’autres régions du monde » avait-il alors écrit, alors que le trafic aérien intérieur va reprendre dans de nombreux pays dans les prochaines semaines.
On sait que l secteur des monocouloirs ne sera pas le plus impacté par la crise et Safran indique qu’à plus long-terme il bénéficiera toujours de la flotte de CFM56 de deuxième génération installée, 57% des CFM56-5B/7B ayant aujourd’hui moins de 10 ans, ce qui rend peu probable à ce stade le retrait des A320ceo/737NG concernés.
Quant au futur un peu plus lointain, le groupe aéronautique français a indiqué qu’il continuait à travailler sur le successeur du moteur LEAP avec son partenaire GE « pour offrir un gain de consommation au moins égal ou supérieur à celui apporté par le LEAP par rapport au CFM56 ».