C’est désormais sous un toit unique que les différentes entités du groupe Raytheon Technologies ont participé au salon aéronautique de Farnborough cette semaine. Le groupe américain, fruit de la combinaison des activités de United Technologies (UTC) et de Raytheon en avril 2020, est un nouveau géant, tant sur le marché civil que dans la défense. Les premières synergies sont désormais tangibles et le croisement des données entre les entités Collins Aerospace, Pratt & Whitney et Raytheon Intelligence & Space promet une véritable révolution pour améliorer l’efficacité de l’aviation commerciale dans son ensemble.
Car comme le souligne Jen Schopher, Présidente de la branche Connected Aviation Solutions de Collins Aerospace, l’aviation génère une quantité phénoménale de données et l’équipementier Collins Aerospace automatise aujourd’hui la collecte de ses données pour les rendre utiles et les proposer à l’endroit utile et au moment le plus opportun pour prendre les bonnes décisions. « Cela donne aux compagnies aériennes et aux aéroports le pouvoir d’analyser ces données pour générer de la production et en fin de compte pour optimiser leurs opérations » explique-t-elle.
Jen Schopher note qu’au niveau du cockpit connecté, cela commence avec l’Aircraft Interface Device (AID) qui rend la connectivité possible en temps réel pour accéder à des données critiques, par exemple pour du Health Monitoring ou pour de l’actualisation de positionnement en vol. Elle cite aussi FlightHub, un EFB (Electronic Flight Bag) qui permet d’accroître l’efficacité des équipages en agrégeant toute une série de processus venant faciliter le travail des pilotes au sol et en vol, que ce soit pour la météo, le plan de vol ou jusqu’à l’analyse du vol afin de mieux comprendre les choix tournés vers une stratégie de gains de consommation. Elle annonce d’ailleurs que Collins Aerospace vient de lancer un nouveau produit baptisé Flight Profile Optimizer (FPO) qui est intégré à FlightHub et qui permet, comme son nom l’indique, d’optimiser la trajectoire en temps réel afin de réduire le temps de vol et donc la consommation de carburant induite. Le logiciel FPO permet ainsi de générer un gain équivalent à 1% de consommation de carburant par an, un argument loin d’être négligeable.
Pour ce qui est des opérations aériennes, les équipements embarqués produits par Collins Aerospace représentent à eux seuls des milliards de points de données pour conduire à plus d’efficience et à plus de fiabilité pour les clients. Ici, l’équipementier américain peut s’appuyer sur Ascentia, son outil d’analyse de données relié aux solutions PHM (Prognostic & Health Monitoring) qui a pour but de rendre les interventions de maintenance non programmées en taches programmées. Ascencia est aujourd’hui utilisé par plus de 3000 appareils dans le monde par une soixantaine de compagnies aériennes.
Une autre avancée récente dans le domaine des outils connectés de l’équipementier américain est le rachat de FlightAware l’année dernière, une activité qui restera active et publique en l’état sur Internet, mais qui commence aussi à nourrir une multitude d’applications chez Collins Aerospace grâce au tracking des appareils en direct et à ses algorithmes d’analyses de données. « Nous utilisons maintenant FlightAware dans tout Collins pour améliorer nos produits, par exemple avec nos équipes de la division Wheels & brakes avec une application baptisée BrakeAware pour mieux comprendre et accroître la durée de vie des freins pour les opérateurs » explique Jen Schopher.
Une collaboration plus étroite entre Pratt & Whiney et Collins Aerospace
Du côté des moteurs Pratt & Whitney, nous n’avons évidemment plus à présenter la solution EngineWise dans le domaine de l’analyse prédictive, une solution qui a accompagné la forte croissance de la part de marché des GTF (Geared Turbofan) du motoriste au sein de la flotte mondiale et notamment avec le PW1100G-JM sur la famille A320neo d’Airbus. Le motoriste américain collecte déjà des données de fonctionnement de plus de 10 000 de ses moteurs, y compris pour des réacteurs de générations plus anciennes, mais il compte clairement aller plus loin.
Dave Emmerling, Vice-Président Commercial Engines de Pratt & Whitney annonce ainsi qu’il va désormais collaborer plus étroitement avec Collins Aerospace dans le domaine des données. « Pour l’instant, les informations collectées concernent prioritairement des vibrations, des températures d’échappement, des données de pressions et de température aux différents étages du moteur, et les opérateurs économisent des centaines de milliers de dollars par avion et par année en évitant des immobilisations non planifiées » explique-t-il. « Mais le plus passionnant c’est que nous voyons déjà l’étape d’après, avec ce que nous appelons le Full Flight Data ». Pratt & Whitney entend ainsi collecter des données plus fréquemment, mais surtout de nouveaux types de données, comme celle des niveaux d’huile des moteurs par exemple. Il rappelle d’ailleurs qu’une équipe d’experts du motoriste travaille déjà 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour étudier ce qui se passe sur chaque vol, analyse les données collectées via des algorithmes et contacte au besoin les opérateurs pour les prévenir d’une tendance négative qu’il devrait connaître ou pour organiser les plans de maintenance.
Mais selon lui, le « Full Flight Data » va franchir une nouvelle une nouvelle étape et va donner de plus puissantes solutions de maintenance prédictive pour les clients. Dave Emmerling révèle d’ailleurs le lancement d’un accord avec Collins Aerospace à Farnborough pour combiner les informations de milliers de capteurs supplémentaires présents sur de multiples systèmes embarqués. Pratt & Whitney va ainsi étendre ses capacités de collecte et d’analyse des données de vol d’EngineWise Insights+ grâce à la solution GlobalConnect de Collins. L’idée générale est de rationaliser les services clients tout en générant plus de connaissances et plus rapidement que par le passé. « Pratt & Whitney et Collins collaboraient déjà dans de nombreux domaines, mais cette approche nouvelle va nous permettre de travailler de façon encore plus proche à l’avenir » se réjouit-il, précisant également qu’une seule source de donnée peut être particulièrement utile pour les grands avionneurs.
L’apport de Raytheon Intelligence & Space pour contrer l’augmentation attendue du trafic
Mais un autre domaine de collaboration croisée important entre les différentes entités du groupe Raytheon Technologies dans l’aviation commerciale est celle rendue possible par la branche Raytheon Intelligence & Space, avec ses multiples capteurs tournés vers le domaine de la conscience de la situation, les radars, la sécurisation des communications et des processus d’analyses ou encore la navigation de précision.
Denis Donohue, Président de la branche Surveillance & Network Systems chez Raytheon Intelligence & Space, explique qu’une part importante de l’activité de sa branche est liée à la gestion de l’espace aérien, avec des outils et des capabilités avancées et une présence directement liée à deux tiers du trafic mondial. Évidemment les États-Unis en représentent une grande part avec les seuls besoins de la Federal Aviation Administration (FAA). « Nous sommes particulièrement présents sur les espaces aériens les plus congestionnés au monde, et notamment en ce qui concerne la phase terminale, avec beaucoup de travail consacré à ce seul segment avec les communications, les radars de surveillance, les radars terminaux » explique-t-il. Raytheon Intelligence & Space a ainsi déployé plus de 900 systèmes radars pour la gestion du trafic aérien d’une trentaine de pays.
« L’automatisation est aussi un domaine très important, car nous fournissons aussi une très grande quantité d’informations aux contrôleurs aériens qui sont difficiles à digérer et à utiliser. Il y a les informations météorologiques, les informations de trafic, les outils de surveillance et de monitoring. Et il nous faut mettre toutes ces données sous une forme accessible pour l’utilisateur pour qu’il ait le temps de prendre une décision, c’est vraiment une question importante relative à la sécurité, à la sûreté et à l’efficacité du trafic aérien ».
Denis Donohue note bien sûr que la tendance vers une nouvelle croissance du trafic aérien revient avec la fin de la pandémie et que cette tendance va devenir exponentielle dans les cinq à dix prochaines années.
Connecter tout l’écosystème aéronautique
La congestion de l’espace aérien va donc s’intensifier davantage et ce phénomène va même s’aggraver avec l’arrivée de nouveaux entrants comme les aéronefs sans pilote (UAS) dans le transport de marchandises, puis celle de l’essor annoncée de la mobilité aérienne avancée (taxis aériens), d’abord pilotée puis sans doute un jour entièrement automatisée. « Beaucoup de nos solutions sont désormais tournées vers cette nouvelle complexité » précise-t-il, « avec des besoins encore plus importants à basse altitude ».
On l’aura compris, les différentes entités du groupe Raytheon Techologies vont rapprocher d’avantages leurs nombreuses données pour préparer l’avenir du transport aérien. Jen Schopher l’explique d’ailleurs très bien en rappelant le nouveau positionnement assez unique du groupe dans l’univers aéronautique mondial. « Avec Collins Aerospace, Pratt & Whitney et Raytheon Intelligence & Space combinés, nous avons une capacité unique pour nous connecter à cet écosystème et toutes nos capacités digitales sont mis en place pour atteindre ce but, à commencer par les aéroports, les opérations des compagnies aériennes, le contrôle aérien, et avec tout le contenu que nous avons à bord des avions en eux même, avec nos équipements et nos moteurs » annonce-t-elle. Et de conclure ; « En combinant toutes ces données avec le Big Data, nous pouvons aider nos clients à booster leur efficacité et rendre les voyages aériens plus durables, plus agréables pour les passagers, mais surtout les rendre plus prévisibles ».