La guerre en Ukraine est incontestablement le grand sujet mondial, avec d’importantes répercussions sur l’industrie de défense. Mais l’augmentation générale des budgets militaires est apparue avant le déclenchement du conflit, avec à la clé une multitude de programmes en cours de développement pour la prochaine décennie.
Le bombardier B-21 Raider sort d’usine
Le nouveau bombardier stratégique américain B-21 Raider, produit par Northrop Grumman, a été présenté publiquement le 2 décembre lors d’une cérémonie officielle organisée sur le site de l’avionneur à Palmdale (Californie). Cinq autres exemplaires du B-21 sont actuellement présents à l’intérieur de l’Air Force Plant 42 à Palmdale, à différents stades de leur assemblage final.. Attribué en 2015 à Northrop Grumman dans le cadre du programme LRS-B (Long Range Strike Bomber), il viendra progressivement remplacer les 45 derniers B-1B actifs puis les 21 B-2 de l’USAF, la vie opérationnelle du vénérable B-52 étant quant à elle prolongée au-delà de 2050 avec le programme de remotorisation CERP attribué à Rolls-Royce en 2021 (76 B-52H concernés). Le programme B-21 réuni plus de 400 fournisseurs américains (ou des filiales américaines d’entités européennes), dont le groupe Raytheon Technologies (Pratt & Whitney, Collins Aerospace), Spirit AeroSystems, Orbital ATK, Janicki Industries, mais aussi BAE Systems et GKN Aerospace. En comptabilisant les équipes de Northrop Grumman et de l’USAF, ce sont déjà plus de 8000 personnes qui sont directement impliquées sur le nouveau bombardier.L’US Air Force prévoit ainsi de commander « au moins » une centaine de B-21 pour un coût total évalué à 203 milliards de dollars.
Le SCAF entre enfin en phase 1B
Airbus et Dassault Aviation ont finalement trouvé un accord sur le partage des tâches du programme d’avions de combat de nouvelle génération SCAF (Système de Combat Aérien Futur), une étape qui débloque de fait la phase 1B du NGF, avec un démonstrateur qui devrait voler en 2029. Les négociations butaient depuis dix-huit mois, l’avionneur français voulant préserver sa position de maître d’oeuvre sur le futur programme en capitalisant sur le Rafale, tout en voulant protéger certains de ses brevets hautement stratégiques (en particulier sur les commandes de vol et à la furtivité). Le SCAF a pour but de remplacer les premiers Rafale (France) et Eurofighter (Allemagne et Espagne) à l’horizon 2040. Ce futur avion de chasse européen de « sixième génération » constitue aujourd’hui le plus important programme militaire en Europe, avec un budget total estimé à 100 milliards d’euros.
Les ventes de Rafale explosent en 2022
Nouveau record pour Dassault Aviation. L’avionneur de Saint-Cloud a vendu un total de 92 avions de combat Rafale neufs l’année dernière (80 aux Émirats arabes unis, 6 en Grèce et 6 en Indonésie) contre 49 en 2021. En vigueur depuis le mois d’avril, le contrat signé avec Abu Dhabi constitue la plus importante commande remportée par Dassault à ce jour. L’avionneur français a également rempli ses objectifs de livraisons avec 14 Rafale (13 Export et 1 France), soit un avion de plus que prévu.
Les programmes Tempest britannique et F-X japonais fusionnent pour devenir le Global Combat Air Programme
Le Royaume-Uni, le Japon et l’Italie lancent le chasseur de sixième génération Global Combat Air Programme (GCAP), fruit de la fusion des travaux menés jusqu’ici sur les programmes Tempest et F-X. La nouvelle plateforme devrait être définie en 2025 pour une entrée en service à horizon 2035. Elle sera logiquement en concurrence avec le SCAF européen sur les marchés à l’export. Le GCAP vise d’abord à remplacer les premiers Eurofighter Typhoon de la Royal Air Force (RAF) et de l’Aeronautica Militare, mais aussi les Mitsubishi F-2 de la Force aérienne d’autodéfense japonaise (JASDF).
L’Allemagne intègre officiellement le programme F-35 de Lockheed Martin
La commission du budget du Bundestag allemand a approuvé l’acquisition des 35 avions de combat F-35A Lightning II auprès de l’avionneur américain Lockheed Martin le 14 décembre, suivie dans la foulée par la signature par le ministère allemand de la Défense d’une lettre d’offre et d’acceptation (LOA). L’Allemagne devient de fait le neuvième pays à acquérir des F-35 via un contrat FMS, et le 17e pays qui opérera avec le JSF de Lockheed Martin. Les premières livraisons devraient intervenir à partir de 2026 pour une capacité opérationnelle initiale (IOC) en 2028.
Le Canada opte aussi pour le F-35 de Lockheed Martin
Il n’y avait finalement pas réellement de suspense à voir le F-35 de Lockheed Martin remporter la mise au Canada après le rejet du F/A-18E Super Hornet Block III l’année dernière. Le F-35A a donc été préféré au Gripen de Saab par le gouvernement canadien pour venir remplacer les CF-18 de l’Aviation royale canadienne (ARC), avec 88 appareils livrables entre 2025 et 2032. Ce contrat est estimé à près de 20 milliards de dollars américains. Ottawa précise cependant que les retombées économiques vont permettre de maintenir et renforcer la position de l’industrie aéronautique canadienne.
La France et l’Espagne lancent le Tigre Mark III
Le programme Tigre Mark III est lancé, mais sans l’Allemagne. Le contrat de 4 milliards d’euros signé par l’OCCAR prévoit la modernisation de 42 Tigre pour la France (avec une option pour 25 appareils supplémentaires) et 18 Tigres pour l’Espagne, soit 60 hélicoptères au départ. Le Tigre Mark III est une modernisation à mi-vie et en profondeur de l’hélicoptère d’attaque européen qui vient ainsi prolonger son service opérationnel au-delà de 2050. Le nouveau standard permettra ainsi au Tigre d’être pleinement connecté au sein des systèmes de numérisation du champ de bataille. Airbus note que l’accord prévoit que l’Allemagne, avec ses 51 Tigre supplémentaires, pourra rejoindre le programme ultérieurement.
Le programme Eurodrone décolle enfin
Airbus et l’OCCAR ont signé le contrat portant sur le développement et la production de l’Eurodrone, ainsi que sur le maintien en condition opérationnelle initial pendant 5 ans. Airbus DS, Dassault Aviation et Leonardo produiront 20 systèmes complets (chacun comportant 3 drones de surveillances et deux stations de contrôle) qui seront livrés aux pays partenaires : la France (4 systèmes), l’Allemagne (7), l’Italie (5) et l’Espagne (4). Le début de la construction du premier prototype de l’Eurodrone est prévu en 2024 pour un premier vol en 2026. Les premières livraisons sont quant à elles attendues pour 2028. La division allemande d’Airbus DS est le maître d’oeuvre du programme au nom des trois principaux sous-traitants, à savoir Airbus Defence Espagne, Dassault Aviation et Leonardo. L’Eurodrone sera motorisé par le Catalyst d’Avio Aero, la filiale italienne de GE Aviation.
Le C295 d’Airbus sera bientôt produit en Inde
Le Premier ministre indien Narendra Modi a posé la première pierre du futur site d’assemblage du C295 d’Airbus fin octobre dans son État natal du Gujarat. La production de l’avion de transport militaire sera assurée par le conglomérat Tata. L’Inde avait commandé 56 C295 auprès d’Airbus en septembre 2021, des appareils qui viendront progressivement remplacer les vénérables Avro actuellement en service. Quarante avions seront ainsi produits en Inde, avec un premier exemplaire qui sortira ainsi de la ligne d’assemblage final de Baroda en septembre 2026. La production des 39 autres s’étalera jusqu’en août 2031. Airbus Defence & Space estime que le contrat permettra la création de 15 000 emplois directs qualifiés sur dix ans dans le pays.
L’USAF prendra des E-7 Wedgetail pour remplacer ses plus anciens AWACS
L’US Air Force a décidé de remplacer une partie de ses E-3 Sentry par des E-7 Wedgetail de Boeing. Un premier prototype sera ainsi contractualisé dès l’année 2023 pour une livraison en 2027. L’USAF précise qu’au total, 15 E-7 pourraient ainsi progressivement remplacer les plus anciens de ses 31 E-3 en service (E-3B). Aucune annonce ne concerne en revanche ses E-3G. Ce choix préfigure peut-être aussi ce qui pourrait se produire au sein de la flotte des E-3 Sentry de l’OTAN, dont le retrait est prévu à partir de 2035.
Le Pentagone a tranché pour le Bell V-280 Valor pour remplacer ses Black Hawk
Le Pentagone a finalement choisi la solution basée sur la plateforme à rotors basculants V-280 Valor (bravoure) de Bell le 5 décembre, au détriment du Defiant X de l’alliance Boeing-Sikorsky dans le cadre de la compétition FLRAA (Future Long Range Assault Aircraft). Le V-280 Valor viendra ainsi prendre progressivement la relève des premiers Black Hawk de l’US Army et du Corps des Marines (plus de 2000 hélicoptères à remplacer à terme) à partir de 2030, ainsi que des UH-1. Le marché, hors export, est estimé à 70 milliards de dollars.Le tiltrotor de Bell, qui avait été dévoilé en 2013, sera ainsi capable de transporter jusqu’à 14 passagers en plus des quatre membres d’équipage pour assurer des missions d’assaut et d’évacuation champ de bataille. Il affiche une vitesse maximale de 280 noeuds – d’où son nom – et une autonomie de 500 à 800 nautiques.
Airbus pousse son H175M au Royaume-Uni pour remplacer les Puma
Airbus Helicopters a dévoilé les premiers membres du groupe de travail destiné à « offrir, fournir et soutenir l’hélicoptère H175M de fabrication britannique » qui est proposé dans le cadre de l’appel d’offres NMH (New Medium Helicopter). Le Royaume-Uni veut en effet s’équiper d’une flotte de 44 nouveaux hélicoptères militaires de moyen tonnage qui viendront remplacer les 23 SA 330E Puma HC2 de la Royal Air Force à partir de 2025, mais aussi trois autres types d’hélicoptères différents. L’hélicoptériste européen annonce ainsi s’associer à Babcock International, Martin-Baker, Pratt & Whitney Canada et Spirit AeroSystems pour pousser son H175M qui serait alors produit à Broughton (Pays de Galles). Le principal concurrent du H175M est évidemment l’AW149 d’AgustaWestland qui serait produit dans l’usine de Leonardo à Yeovil (Somerset).
Un « mini A400M » lancé dans moins de 5 ans ?
Soutenu par l’Armée de l’Air et de l’Espace (AAE) depuis deux ans, le projet du Futur Cargo Tactique Médian (FCTM) vise le marché du remplacement des C-130 Hercules et Casa CN-235 à l’horizon 2040. Un accord a été signé en juin et l’Allemagne et la Suède rejoignent officiellement le programme, une première étape qui permettra de définir des spécifications communes plus précises pour un possible lancement sur la période 2026-2027. Une note parlementaire révélait d’ailleurs en 2020 qu’Airbus étudiait un appareil visant directement le marché du C-130 et qui reprendrait de nombreux éléments de l’A400M, dont les moteurs, ce qui permettrait de générer des économies d’échelle. Pour l’instant, l’écart de capacité entre le C295 (9 tonnes de charge offerte) et l’A400M (37 tonnes) laisse cet important marché aux seuls C-130J Super Hercules de Lockheed Martin (19 tonnes) et au C-390 d’Embraer (26 tonnes) pour les prochaines années.
Les Pays-Bas optent pour le C-390 Millenium d’Embraer
Grosse surprise au Pays-Bas. Le ministère de la Défense a éliminé le C-130J de Lockheed Martin en faveur du C-390 Millenium d’Embraer pour remplacer sa flotte de quatre C-130H arrivée « en fin de vie ». Le premier exemplaire est ainsi annoncé aux Pays-Bas en 2026. Aucune information cependant quant au fait que les futurs avions de transport de la Force aérienne royale néerlandaise soient livrés en configuration ravitailleur (KC-390). Pour rappel, le KC-390 a déjà été commandé par deux pays européens : le Portugal (5 exemplaires, premier avion attendu l’année prochaine) et la Hongrie (2 exemplaires livrables à partir de 2024).
L’USS Gerald R Ford a effectué son premier déploiement opérationnel
Cinq ans après sa livraison à l’US Navy, le nouveau porte-avions nucléaire américain USS Gerald R Ford (CVN 78) a effectué son premier déploiement dans l’océan Atlantique depuis sa base de Norfolk (Virginie) en octobre-novembre. Cette nouvelle classe de porte-avions de 100 000 tonnes et de 337 mètres de long va progressivement prendre la relève de la classe de porte-avions Nimitz. L’USS Gerald R Ford remplace quant à lui directement l’USS Enterprise (CVN-65), un porte-avions à part qui fût désarmé en 2012. Il devrait pouvoir embarquer à terme jusqu’à 75 aéronefs et effectuer jusqu’à 25% de catapultages quotidiens de plus que pour les porte-avions de la classe Nimitz grâce à ses quatre catapultes électromagnétiques (EMALS) produites par General Atomics Electromagnetic Systems (GA-EMS).Trois autres bâtiments de la classe Gerald R Ford sont aujourd’hui en construction. Les besoins de l’US Navy pourraient représenter jusqu’à 10 porte-avions du même type.
L’hélicoptère d’attaque indien LCH entre en service
L’Indian Air Force (IAF) a mis en service ses quatre premiers exemplaires du LCH (Light Combat Helicopters), un hélicoptère d’attaque léger produit par Hindustan Aeronautics (HAL) et directement dérivé du programme d’hélicoptère polyvalent ALH (Dhruv). Baptisé « Prachanda », cet hélicoptère peut évoluer au combat jusqu’à 18 000 pieds (5500 mètres), une caractéristique évidemment liée à la situation géographique du pays. Le nouvel hélicoptère d’attaque est motorisé par deux turbines Shakti, version indienne de la turbine Ardiden 1H1 de Safran Helicopters Engines co-développée avec HAL. Le programme LCH pourrait à terme représenter la production de plus de 170 machines, dont plus d’une centaine pour l’armée de terre indienne.