Le salon MRO Middle East a permis au Journal de l’Aviation de rencontrer FlightWatching, une start-up toulousaine fondée il y a près de quatre ans par Jean-Philippe Beaujard et Olivier Hodac, deux anciens membres des équipes des essais en vol d’Airbus. La jeune société est spécialisée dans les logiciels et commercialise des solutions de valorisation de données aux compagnies aériennes, aux sociétés MRO et aux OEM.
Comme nous l’explique Olivier Hodac, les applications développées par FlightWatching s’étendent aujourd’hui à l’aéroport et même jusqu’à la ville. « Les compagnies aériennes nous poussent de plus en plus à nous tourner vers l’ensemble de l’expérience passager, du domicile jusqu’à leur point d’arrivée. » Mais de par l’expérience de ses fondateurs, FlightWatching a d’abord démarré ses activités en se concentrant sur l’avion.
« L’idée était de remettre au gout du jour les messages ACARS (Aircraft Communication Addressing and Reporting System), ce type de messages dont on parle beaucoup lors des accidents, mais qui ont un véritable quotidien, sont extrêmement riches et finalement sous-utilisés ». Il précise que beaucoup de ces données transmises par radio ou par satellite sont notamment utilisées par les motoristes dans le cadre de leurs programmes PBH, mais que 90% de leur contenu lié aux autres systèmes n’est tout simplement pas lus et est simplement archivé. « Il faut souvent des experts pour les comprendre et ces données sont assez difficiles d’accès » reconnait-il. L’application de FlightWatching est directement consultable à l’aide d’un navigateur web sur tout type d’interface. « Ce qui important c’est que nous faisons des schémas, les données n’étant pas simplement mise sous la forme de tableaux, ce qui permet a un technicien de voir rapidement les données sous la même forme que ce qu’il pourrait voir dans sa documentation ou dans le cockpit » explique-t-il.
(de gauche à droite) Jean-Philippe Beaujard et Olivier Hodac, lors du salon MRO Middle East 2017 à Dubaï. Photo © Copyright Le Journal de l’Aviation
Connecté aux données ACARS d’un opérateur, l’outil de FlightWatching va alors ajouter de la valeur à ces données pour faire du prédictif et du curatif. « Nous allons ensuite proposer ces nouvelles données au client lui-même et, s’il le souhaite, à ses différents partenaires, en les filtrant en fonction des différents ATA par exemple ». Olivier Hodac précise aussi que l’outil peut également utiliser des données sol (gestion des stocks, MIS – Maintenance Informations Systems…) pour en faire un véritable outil d’aide à la décision. « Nous n’émettons pas directement de recommandations, mais l’outil va donner un accès à suffisamment d’informations pour que la compagnie aérienne puisse prendre une décision, et ce avant même que l’avion ait atterri, ou alors pour permettre d’intervenir dans le planning avion et transformer de la maintenance non programmée, souvent synonyme de stress pour l’opérateur, en maintenance programmée. »
L’outil de FlightWatching est par ailleurs capable d’émettre des alertes dès qu’il détecte le comportement anormal d’un paramètre, la dégradation d’un système, et ce bien avant l’apparition d’un incident. « Nous sommes en mesure de réduire de façon conséquente les coûts, notamment au sol, car il y a beaucoup de pannes qui sont déclarées dans les logbooks, mais qui ne sont pas retrouvées par la maintenance, les fameux NFF (No Fault Found) ». Jean-Philippe Beaujard nous révèle d’ailleurs que cet outil est d’ailleurs utilisé en marque blanche aujourd’hui par la compagnie aérienne Etihad Airways pour la surveillance de 80 appareils de sa flotte.
Nous assistons alors à Dubaï à une démonstration de l’outil qui a été paramétré pour le suivi en temps réel d’une flotte d’avions cargo non conventionnels volant régulièrement dans le ciel européen. L’exercice ne tarde pas à révéler le comportement anormal d’un système sur l’un des avions en vol, alors même que la maintenance n’a pas encore connaissance du problème, car cette donnée, de type« request from ground », n’est pas encore redescendue. Olivier Hodac précise alors que si le problème avait été suffisamment important pour générer un « No-Go » ou une intervention obligatoire de la maintenance, il aurait été indiqué en rouge dans l’outil. « Nous voyons bien que le problème est très en-dessous du seuil de déclenchement d’une intervention, mais nous constatons bien une dégradation qui pourra par exemple être vérifiée lors d’un prochain Check A » nous explique Olivier Hodac.
Capture © Copyright FlightWatching
Il poursuit aussi en nous annonçant que l’outil de suivi des ACARS de FlightWatching est aussi adapté au monde des hélicoptères avec la particularité d’afficher des grandes tendances et des prédictions sur les ATA. Les opérateurs d’hélicoptères veulent souvent avoir une vision beaucoup plus synthétique, pouvant même se résumer à un seul chiffre, par exemple, dans le secteur du Oil & Gaz, afin de connaitre rapidement lequel de leurs hélicoptères sera le plus apte à assurer une mission compte tenu de son état.
Mais le cofondateur de FlightWatching nous explique aussi que des outils ont également été développés pour suivre l’avion durant ses chantiers de maintenance. Un tableau de bord compile ainsi des données sol pour suivre en temps réel le déroulement d’une visite. « Nous pouvons suivre l’avancement des travaux et détecter une dégradation qui pourrait se transformer en retard de livraison, par exemple à cause d’un manque de main-d’oeuvre en peinture ou de défaut d’approvisionnement en matériels. C’est quelque chose de très important et de différenciant, car cela permet aux sociétés MRO de donner de la transparence à leurs clients, par exemple en leur fournissant un chiffre de confiance sur le chantier, ou le nombre de jours de retards prévus. » Il ajoute qu’en plus, ces sociétés pourraient aussi proposer la solution de suivi des données ACARS après une visite afin de démontrer aux clients que les travaux réalisés ont effectivement corrigé un problème, par exemple lors d’un changement d’opérateurs après la fin d’un contrat de leasing.
Autre demande qui tend à se développer auprès des compagnies aériennes, le suivi de leur flotte au niveau des « outstations ». « Avec notre outil, nous pouvons utiliser l’avion comme un véritable capteur et suivre le dispatch sur l’aéroport distant » résume Olivier Hodac qui ajoute aussi que si l’avion peut être considéré comme un véritable objet connecté, il n’est pas le seul, citant par exemple les GSE (Ground Support Equipment).
Le cofondateur de FlightWatching nous révèle par ailleurs que la société toulousaine collabore actuellement aussi avec WheelTug, l’équipementier spécialisé dans le système d’e-taxiing sur 737NG. « Leur modèle économique repose notamment sur une réduction du temps des repoussages. Nous leur fournissons des métriques sur un certain nombre d’aéroports pour connaitre les gains de temps de pushback à la seconde » annonce-t-il, rappelant que ce type de services est souvent facturé au temps passé, comme pour les GPU et les passerelles. « Nous, avec l’avion, nous pouvons savoir s’il est alimenté par un GPU ou par l’APU et nous pouvons alors fournir des métriques aux compagnies aériennes qui pourront ainsi les comparer à leurs factures ». « C’est aussi de la valorisation de données », a-t-il conclu.