Le secteur de la maintenance aéronautique est particulièrement dynamique au Moyen-Orient depuis de nombreuses années, largement porté par l’augmentation des flottes et par la multiplication des opérateurs dans la région. Mais de nouvelles tendances sont en train d’émerger, comme nous avons pu le constater à l’occasion du salon MRO Middle East qui s’est tenu à Dubaï (Émirats Arabes Unis) les 11 et 12 février dernier, parallèlement à Aircraft Interiors Middle East (AIME).
Selon le cabinet Oliver Wyman, qui présentait ces traditionnels chiffres au cours d’un sommet à la veille du salon, le Moyen-Orient reste l’une des régions les plus actives pour le secteur de la MRO, notamment au niveau de l’entretien des moteurs (plus de 9% de croissance annuelle).
En dix ans, la flotte installée est ainsi passée 543 appareils à 1 384 (fin 2018), toujours majoritairement composée de gros-porteurs (758) même si la part de monocouloirs tend à s’accroître au fur et à mesure des années avec la multiplication de nouveaux acteurs sur le marché et en particulier en Arabie Saoudite. Les dépenses de MRO devraient atteindre les 11,4 milliards de dollars dans la région d’ici cinq ans, contre 9 milliards aujourd’hui (croissance de 5% annuelle). Mieux, la flotte va encore pratiquement doubler dans les dix ans pour atteindre les 2 200 appareils, engendrant une croissance des dépenses de MRO de 4,3% annuelle pour atteindre 13,6 milliards de dollars, dont plus de 60% pour la seule activité moteurs.
Robbie Bourke, vice-président chez Oliver Wyman, explique cependant que la région reste confrontée à quatre grands défis : l’important nombre d’avions commerciaux arrivant à la fin de leur première vie opérationnelle, les problèmes de production des motoristes sur quelques programmes clés (PW1100G, LEAP, Trent 1000), la nécessité de réduire les coûts de maintenance et enfin les difficultés à former un nombre suffisant de techniciens pour répondre à la demande.
Cette dernière problématique a été largement abordée à Dubaï ces dernières années et de nombreux acteurs de la région s’accordent sur le fait que la fameuse génération des « millennials » est particulièrement difficile à attirer sur ce type de métiers techniques, à la différence des métiers de PNT par exemple. Des tendances comme la digitalisation des hangars apporteront peut-être une partie de la solution. Pour le cas des Émirats Arabes Unis, la main d’oeuvre est par ailleurs très largement composée d’expatriés (20% seulement de locaux), ce qui ajoute aussi la problématique de pouvoir les garder face aux plus offrants. Selon Shevantha Weerasekera, le directeur des services techniques d’Etihad Airways Engineering, les faillites et les difficultés de certaines sociétés de maintenance européennes ont eu un impact positif au niveau des recrutements de personnels qualifiés ces derniers mois, même si il juge que cet apport en main d’oeuvre n’est évidemment pas durable.
La division MRO d’Etihad Airways connaît une activité soutenue ces derniers mois, aussi bien pour les grandes visites que pour l’activité modification cabine. Shevantha Weerasekera explique d’ailleurs que cette activité ne concerne pas nécessairement des modifications complètes, les simples rafraîchissements cabine connaissant aussi une forte croissance. Il cite par exemple les remises à niveau des cabines ou les transformations d’appareils triclasses en biclasses. « C’est une option que nous ajoutons à l’activité C-Check pour rester compétitifs sur le marché » explique-t-il.
Même son de cloche pour Joramco, la filiale MRO de DAE implantée à Amman (Jordanie), aujourd’hui le plus important centre de maintenance indépendant de la région. Fraser Currie, son directeur commercial explique que l’activité connaît une croissance très importante depuis quelques années, aussi bien pour les grandes visites (C-checks) que pour des travaux de modification cabine. Selon lui, la région est particulièrement vaste et avec des besoins très divers, ce qui ne l’empêche pas aussi de capter des contrats pour des compagnies situées « au nord, à l’ouest et à l’est ». Il note d’ailleurs que ce type de contrats était jusqu’à présent assez inhabituel, mais que « les opérateurs volent un peu plus loin pour obtenir les services qu’ils souhaitent ». « Nous ne sommes certes pas la Chine, mais nous connaissons depuis quelque temps une très forte croissance », explique-t-il, rappelant le bon positionnement géographique de Joramco, tout en soulignant la forte pression sur les prix en Europe.
La rumeur persistante liée à une possible fusion entre Emirates et Etihad Airways a également refait surface lors de cette édition de MRO Middle East. Sur ce sujet, Shevantha Weerasekera, directement concerné, a indiqué que cet hypothétique rapprochement n’engendrerait de toute façon pas beaucoup de changements dans un premier temps, les deux acteurs basés à Dubaï et à Abu Dhabi coopérant déjà régulièrement dans le secteur de la maintenance.
Un autre sujet un peu tabou abordé à Dubaï était évidemment les rapports tendus avec le Qatar et les nouvelles problématiques de maintenance liés à Qatar Airways. Des OEM implantés à Dubaï assuraient par exemple l’entretien de certains composants et équipements de la compagnie qatarie, mais la rupture des échanges entre les deux pays les a conduit à assurer leurs services depuis leurs bases principales en Europe ou aux États-Unis. Selon nos informations, d’autres acteurs ont même été contraints de s’implanter en catimini à Doha au cours des douze derniers mois, sans évidemment pouvoir l’annoncer durant le salon de Dubaï.
Du côté des centres d’entretien moteurs, l’activité de Turbine Services & Solutions (TS&S), filiale de Mubadala et ancien shop moteur d’ADAT (Abu Dhabi Aircraft Technologies) connaît une croissance soutenue depuis quelques années, comme l’a expliqué Mansoor Jahani, son PDG par intérim. Avec un portefeuille diversifié comprenant moteurs classiques (Trent 700, V2500…) et de dernière génération (GEnx), TS&S a ainsi vu son nombre de visites augmenter de 60% en seulement cinq ans (94 révisions en 2018). « Cette diversification est un avantage compétitif », a-t-il expliqué. Le shop moteur, devenu pleinement indépendant en 2014, a même profité du salon MRO Middle East pour décrocher un contrat avec la compagnie portugaise TAP pour les Trent 700 de sa flotte d’A330, une première pour ce type de motorisation avec un client européen.
Un autre acteur qui monte aujourd’hui en puissance est Aerostructures Middle East Services (AMES), la coentreprise détenue à 50-50 par Safran Nacelles et Air France KLM E&M. Le spécialiste de la réparation de nacelles et d’aérostructures vient de recevoir une toute première nacelle de LEAP-1A (A320neo) pour entretien, une activité amenée à fortement se développer compte tenu des quelque 330+ appareils qui seront directement concernés dans la région. AMES se positionne aussi sur les nacelles de Trent 7000, alors que l’A330neo va bientôt se poser au Koweït.