C’est un accord historique qui vient d’être adopté lors de la 39ème session de l’Assemblée de l’Organisation internationale de l’aviation civile (OACI) qui s’est tenue à Montréal depuis le 27 septembre.
Conformément aux travaux sur le dossier GMBM (Global Market Based Measure), les 191 pays membres de l’organisation de l’ONU régissant le transport aérien international sont parvenus à créer un mécanisme mondial de compensation des émissions de CO2 pour l’aviation. Baptisé CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation), ce dispositif sera mis en place en trois étapes à partir de 2021. L’objectif final est de parvenir à compenser jusqu’à 93% du total des émissions du transport aérien mondial à horizon 2035.
« Il aura fallu beaucoup d’efforts et de compréhension pour arriver à ce stade, et je tiens à saluer l’esprit de consensus et de compromis démontré par nos États membres, l’industrie et la société civile », a souligné Olumuyiwa Benard Aliu, le président du Conseil de l’OACI.
Une phase expérimentation suivie de deux grandes phases de mise en oeuvre
La mise en oeuvre du mécanisme CORSIA va démarrer par une phase pilote de 2021 à 2023, suivie de la première phase de 2024 à 2026. Cette phase comprendra alors 65 pays volontaires qui représentent aujourd’hui 87% de l’activité du transport aérien mondial. Fait notable, la Chine, les États-Unis, les Émirats Arabes Unis, la Corée du Sud et Singapour se sont portés volontaires pour venir intégrer la première phase de CORSIA.
La seconde phase, de 2027 à 2035 ne sera par contre plus basée sur le volontariat, mais l’OACI indique cependant que certains pays ont été exemptés, par exemple les pays les moins avancés (PMA), les petits États insulaires en développement (PEID), les pays en développement sans littoral (PDSL) ou encore certains pays affichant une très faible activité aéronautique. Pratiquement toute l’activité du transport aérien mondial sera alors compensée par le nouveau mécanisme, les vols intérieurs n’étant cependant pas concernés.
L’OACI a évidemment rappelé que CORSIA n’était qu’une des mesures visant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre provenant de l’aviation internationale, généralement évaluée à entre 2 et 3% du total des émissions mondiales aujourd’hui. D’autres mesures concernent les améliorations techniques et opérationnelles ainsi que l’utilisation de nouveaux carburants.
Un grand « ouf » de soulagement pour les compagnies européennes
Le dispositif CORSIA va logiquement prendre la place du très décrié système de compensation ETS (Emission Trading System) mis en place par l’UE et qui restera maintenu jusqu’en 2020. L’Association A4E (Airlines for Europe), qui représente aujourd’hui des compagnies aériennes européennes cumulant 6 vols sur 10 sur le continent, a d’ailleurs salué l’accord de l’OACI.
« Les compagnies aériennes européennes, l’industrie, d’autres parties prenantes ainsi que les institutions européennes ont systématiquement préconisé l’adoption d’une solution mondiale durant de nombreuses années. Suite à l’accord de l’OACI, nous pouvons désormais avoir un nouveau regard sur la réglementation environnementale dans un contexte européen », a déclaré Thomas Reynaert, le directeur général de A4E.
Un dispositif unanimement applaudi
L’IATA a évidemment remercié les membres de l’OACI. Pour l’association du transport aérien international, cet accord est tout simplement le premier accord mondial couvrant tout un secteur industriel. « L’accord nous montre ce qui peut être accompli lorsque nous travaillons ensemble. L’industrie de l’aviation a compris que sa durabilité était essentielle. Les compagnies aériennes vont continuer à investir dans des nouvelles technologies- en particulier dans de nouveaux appareils et des carburants alternatifs et plus durables- pour améliorer leur performance environnementale. Et nous continuerons à demander aux gouvernements de faire leur part de travail en investissant dans la modernisation de la gestion du trafic aérien et dans des politiques de soutien à la commercialisation de carburants de substitution plus durables pour l’aviation », a déclaré Alexandre de Juniac, le directeur général de l’IATA.
Les deux grands avionneurs mondiaux, Airbus et Boeing, ont également immédiatement réagi pour se réjouir du mécanisme mondial sur les compensations des émissions de CO2. Pour Fabrice Brégier, le PDG de l’avionneur européen, « c’est une année cruciale pour la communauté de l’aviation mondiale et pour l’OACI. Après l’accord sur les certifications des nouvelles normes concernant les émissions pour les avions en février, le plan de compensation carbone international est une autre étape clé pour soutenir l’engagement de l’industrie de l’aviation dans la réduction des émissions de CO2 ». Pour Boeing, CORSIA sera l’un des quatre grands piliers qui permettront à l’industrie « d’arrêter la croissance des émissions d’ici 2020 et de les diviser par deux d’ici 2050 par rapport au niveau de 2005 ».
Marwan Lahoud, le Président du GIFAS, s’est également réjouit de l’adoption du mécanisme et a, pour sa part, rappelé que « 14% du chiffre d’affaires de l’industrie aéronautique et spatiale française est réinvesti chaque année dans la Recherche et le Développement afin d’adapter les aéronefs de demain aux enjeux climatiques et de compétitivité ».
L’accord CORSIA a par ailleurs été salué par Ségolène Royal, Présidente de la COP 21, alors que l’accord de Paris sur le climat entrera en vigueur au mois de novembre. Le transport aérien ne faisait pas partie du périmètre des négociations de la COP21.