L’amélioration de la sécurité pourrait s’apparenter à un travail de Sisyphe, à ceci près qu’il est loin d’être vain. Mais Boeing a semble-t-il quelque peu oublié de pousser son rocher pendant quelques temps. Dans la tourmente depuis les accidents du 737 MAX, Dennis Muilenburg, PDG de l’avionneur américain, se voit donc dans l’obligation de lancer une grande remise à plat de la culture de la sécurité au sein du groupe – sous la pression notamment de son conseil d’administration. Cette refonte a été annoncée le 30 septembre et s’appuiera sur les recommandations formulées par ce dernier, suite à une enquête indépendante menée pendant cinq mois.
La mesure principale prise par Dennis Muilenburg est la création d’un nouveau service de Sécurité des produits et des services (Products and Services Safety). Il aura pour charge de « renforcer la focalisation du groupe en faveur de la sécurité », « d’examiner tous les aspects de la sécurité des produits » et enfin l’amélioration continue la culture de sécurité au sein l’entreprise à travers des actions de sensibilisation et davantage de responsabilisation des personnels, selon le communiqué de Boeing.
Ce service centralisera ainsi « les responsabilités de sécurité », qui étaient jusque-là diluées entre plusieurs équipes au sein des différentes entités du groupe. Il sera aussi en charge de superviser l’équipe d’enquête sur les accidents (Accident Investigation Team) et les groupes responsables des examens de sécurité (Safety Review Boards). Il contrôlera enfin le travail des experts de l’ODA (Organization Designation Authorization), ces employés de Boeing auxquels l’Administration fédérale américaine de l’aviation (FAA) délègue un certain nombre de ses tâches de certification – disposition pointée du doigt suite aux défaillances du système MCAS des 737 MAX.
A l’image de ce qui se fait dans les compagnies aériennes, le service Sécurité des produits et des services va aussi développer des moyens de déclaration et de remontée des problèmes de sécurité. Les employés auront la possibilité le solliciter anonymement en cas d’inquiétudes par rapport au respect des règles de sécurité, voire de manquements, ou s’ils estiment subir des « pressions excessives » contraires à ces règles. Cette démarche était jusque-là limitée à Boeing Avions commerciaux (BCA).
La création d’un tel service figurait en tête de la liste des recommandations faites par le conseil d’administration. Comme demandé, il dépendra directement d’un dirigeant opérationnel de Boeing – en l’occurrence Greg Hyslop, ingénieur en chef et vice-président principal Ingénierie, essais et technologie – et d’un membre du Comité de sécurité aéronautique (Aerospace Safety Committee) – à savoir Beth Pasztor, qui prend le titre de vice-présidente Sécurité des produits et des services.
Un comité de sécurité attaché au conseil d’administration
Ce comité vient lui aussi d’être institué de façon permanente par les administrateurs et a été placé sous la direction de l’ancien amiral Edmund Giambastiani, Jr., qui fut vice-président du Comité des chefs d’état-major interarmées des États-Unis (US Joint Chiefs of Staff). Il a comme « responsabilité première […] de superviser et d’assurer la conception, le développement, la fabrication, la production, l’exploitation, l’entretien et la livraison de façon sure des produits et services aéronautiques et spatiaux de l’entreprise. »
Dennis Muilenburg s’est aussi engagé à mettre en oeuvre les autres recommandations du conseil d’administration. Celui-ci préconise ainsi de « réaligner la fonction d’ingénierie », ce qui consiste à rattacher tous les ingénieurs du groupe directement à Greg Hyslop, qui présidera à la bonne marche de la fonction et l’évolution de ses outils et méthodes. De même, les administrateurs demandent de mettre en place un programme dédié aux exigences de conception (Design Requirements Program) d’améliorer le programme continu de sécurité opérationnelle (Continued Operation Safety Program), ou encore d’étendre le rôle du Centre de promotion de la sécurité (Safety Promotion Center).
Enfin, le conseil d’administration prône de réexaminer la conception et le fonctionnement des postes de pilotage, une mesure qui semble directement liée aux accidents du 737 MAX et à l’impossibilité pour les pilotes de reprendre le contrôle de la situation.