« C’est une marque iconique de l’avionique, j’ai la chance d’avoir l’opportunité de la ramener dans l’industrie aéronautique », s’est enthousiasmé David Curtis, PDG de Longview Aviation Capital lors du salon du Bourget. Il célébrait ainsi la naissance De Havilland Aircraft of Canada, tout juste créé avec la finalisation du rachat du programme Q400 à Bombardier par son groupe début juin. Au-delà de ce nom historique, le nouveau constructeur entend désormais relancer le biturbopropulseur régional, en perte de vitesse depuis quelques années.
David Curtis n’a pas hésité à afficher ses ambitions d’entrée : « Longview a été établi en 2016 avec la volonté de gérer un portefeuille d’aéronefs canadiens et de construire une base industrielle canadienne à même de jouer un rôle mondial. » Le groupe s’est ainsi lancé dans une course à étapes, avec le rachat puis la relance du programme Twin Otter dans les années 2000 par Viking Air (devenu filiale de Longview), puis des Canadair en 2016 et enfin du Q400 en 2019. Et la prochaine marche pourrait bien être le regroupement des Twin Otter et des Q400 sous la même marque De Havilland.
Passage à l’aviation régionale
Avec le Q400 – désormais désigné Dash 8-400 – le projet change néanmoins de dimension. La nouvelle équipe reprend ainsi l’ensemble des tâches d’ingénierie, de production et de soutien pour l’ensemble de la flotte, ainsi que pour la vente et le marketing des nouveaux appareils. Ce sont en tout 1 200 personnes qui passent ainsi d’un constructeur à l’autre. C’est presque l’intégralité des salariés qui étaient affectés au programme, confirme Todd Young, devenu directeur opérationnel de De Havilland début juin après avoir passé 33 ans chez Bombardier.
Ce recrutement massif doit permettre au constructeur canadien d’assurer la transition sans interruption dans la production ou les services. Pour David Curtis, la priorité est que celle-ci soit la plus douce possible pour les clients, avec une approche « customer centric ». Des conférences sont ainsi organisées et un guide a été publié pour les aider dans cette transition de Bombardier vers De Havilland.
Si ce n’est pas encore une première commande, TAAG Angola a révélé être l’acheteur anonyme de six Dash 8-400. © De Havilland Aircraft of Canada
Se développer sur les marchés émergents
A en croire ses dirigeants, De Havilland entend bien continuer à faire vivre le Dash 8-400. Pour l’instant, le constructeur ne peut s’appuyer que sur une réserve d’une quarantaine de commandes héritées de Bombardier et quoiqu’en dise David Curtis, c’est est insuffisant pour construire sereinement une stratégie à long terme. Le constructeur va devoir se mettre rapidement en quête de contrats. Le PDG de Longview déclare d’ailleurs qu’il va « continuer d’être agressif sur le marché et poursuivre la chasse aux coûts ».
Un plan stratégique serait ainsi déjà dessiné jusque mi-2020, avec un focus commercial sur l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie du Sud-Est. « L’équipe de ventes est opérationnel depuis le premier jour et nous espérons annoncer de nouvelles commandes très bientôt », explique Todd Young.
Le directeur opérationnel reconnaît néanmoins que le processus des négociations commercial est « périlleux », d’autant que tout le cadre administratif posé par Bombardier doit être adapté avant de pouvoir officialiser des ventes. Cela pourrait donc ralentir des campagnes en cours. De Havilland a tout de même pu dévoiler que TAAG Angola était le client, resté jusque-là anonyme, de six Dash8-400. Ils avaient été commandés en mars, alors que Bombardier était encore propriétaire du programme.
A la poursuite d’ATR
L’innovation incrémentale pourrait être une autre manière de séduire ces marchés. De Havilland a ainsi annoncé la sélection du siège TiSeat E2 de l’équipementier français Expliseat comme une nouvelle option en cabine. Et Todd Young a affirmé sa volonté de continuer à développer la machine. Il n’exclut d’ailleurs pas de discuter avec les motoristes pour étudier les options disponibles. Il estime néanmoins qu’après moins d’un mois aux commandes, il est trop tôt pour « partager sa vision ».
Il faut dire qu’il y a fort à faire pour aller chercher ATR, qui se rapproche chaque année un peu plus d’un monopole. Le Dash 8-400 n’a engrangé en moyenne que trente commandes par an depuis 2016, là où son concurrent a vendu 75 ATR 42-600 et 72-600 pendant le seul salon du Bourget 2019. Ce manque de succès chronique avait d’ailleurs obligé Bombardier à réduire la cadence de 33 appareils livrés en 2016 à 15 l’an dernier, afin de préserver un faible matelas d’une quarantaine de commandes.
Le rythme de production devrait repartir à la hausse dans les prochains mois. Todd Young se refuse pour l’instant à afficher des objectifs précis en la matière, mais il semblerait qu’il vise tout de même à atteindre une cadence de deux à trois livraisons par mois dans un premier temps.
De Havilland a profité du salon du Bourget pour annoncer la livraison de son premier appareil, destiné à Qazaq Air. C’est le cinquième exemplaire de la compagnie kazakhe. © Qazaq Air