C’est l’avion le plus sophistiqué de l’histoire de l’aviation militaire et il sera aussi l’un des plus chers. Le nouveau bombardier stratégique américain B-21 Raider, conçu et produit par Northrop Grumman, a été présenté pour la première fois publiquement le vendredi 2 décembre sur le site de l’Air Force Plant 42 à Palmdale, près de Los Angeles (Californie).
Cet avion bombardier furtif « sera capable de pénétrer les défenses les plus difficiles pour effectuer des frappes de précision partout dans le monde » selon Northrop Grumman Aeronautics Systems, donc pouvant potentiellement atteindre la Chine et la Russie et percer leurs bulles de défense dites A2/AD (déni d’accès et interdiction de zone). Il a été tenu au secret jusqu’à ce jour, aucune photographie du programme n’ayant filtré depuis le lancement de la phase industrielle du programme. C’est d’ailleurs sur ce même site qu’avait été dévoilé le premier des 21 bombardiers furtifs B-2 en 1988, à cette époque sous une forte menace des moyens d’espionnage de l’Union soviétique.
Bien évidemment, Northrop Grumman et l’US Air Force n’ont pas voulu en montré beaucoup, l’avion étant lui même présenté que sous un seul angle : de face. Les grandes lignes géométriques du futur bombardier furtif américain étaient cependant déjà connues (forme générale, détail du nez, disposition du train d’atterrissage…) grâce aux différentes illustrations diffusées par l’USAF en 2020 et 2021. En revanche, la forme des entrées d’air des moteurs F-135 de Pratt & Whitney sont désormais dévoilées, mais leurs échappements restent toujours à ce stade confidentiels (pour des raisons évidemment liées à sa signature radar), tout comme ses performances (rayon d’action, vitesse, emport, nouveaux armements…).
Northrop Grumman a bien évidemment rappelé que le B-21 bénéficiait de toute l’expérience accumulée depuis plus de cinquante ans en matière de furtivité.
Six exemplaires du B-21 sont actuellement présents sur le site de Palmdale, à différentes étapes de leur production. Après cette présentation officielle, des premiers essais vont pouvoir être menés en extérieur. L’appareil effectuera ses premiers cycles d’essais moteur puis ses premiers roulages à basse et à grande vitesse, avec un premier vol prévu pour l’année prochaine.
Attribué en 2015 à Northrop Grumman dans le cadre du programme LRS-B (Long Range Strike Bomber), le B-21 avait été présenté un an plus tard avec une première silhouette et sa dénomination qui correspond au « bombardier du 21ème siècle ». Son nom de baptême « Raider » avait quant à lui été dévoilé en 2016, en hommage au raid aérien de Doolittle, célèbre première mission de bombardement du Japon après l’attaque de Pearl Harbor.
Le programme B-21 réuni plus de 400 fournisseurs américains (ou des filiales américaines d’entités européennes), dont le groupe Raytheon Technologies (Pratt & Whitney, Collins Aerospace), Spirit AeroSystems, Orbital ATK, Janicki Industries, mais aussi BAE Systems et GKN Aerospace. En comptabilisant les équipes de Northrop Grumman et de l’USAF, ce sont déjà plus de 8000 personnes qui sont directement impliquées sur le nouveau bombardier.
Un bombardier massivement digital
Le nouveau bombardier stratégique américain a fait appel à des outils numériques durant toute sa phase de développement. Sa production a également été imaginée avec des techniques de fabrication avancées. Il dispose par ailleurs d’un jumeau numérique situé dans un environnement cloud qui atténuera les risques de production de l’appareil et facilitera sa maintenance.
Mais le B-21 bénéficiera lui-même d’importantes avancées sur le plan digital, avec une architecture ouverte qui facilitera l’ajout de nouvelles fonctionnalités ou de nouveaux types d’armements par de simples mises à niveau logicielles. Il est par ailleurs déjà baptisé comme un « cyber bombardier », bénéficiant de briques propres aux avions militaires dits de « sixième génération » sur le plan de la connectivité et sur le partage de données. Le B-21 pourrait même disposer d’une capacité à pouvoir assurer une mission sans aucun pilote à bord.
Remplacement des bombardiers B-1 Lancer puis des B-2 Spirit
Étonnement, le B-21 ne viendra pas remplacer les bombardiers les plus anciens de l’USAF au départ, la vie opérationnelle du vénérable B-52 étant quant à elle prolongée au-delà de 2050 avec le programme de remotorisation CERP attribué l’année dernière à Rolls-Royce (76 B-52H concernés).
Ce sont donc les 45 derniers B-1B actifs (17 avions sont en cours de retrait sur les 62 exemplaires en service l’année dernière) puis les 21 B-2 qui seront donc amenés à être progressivement remplacés à partir de 2030.
L’US Air Force prévoit ainsi de commander « au moins » une centaine de B-21 pour un coût total évalué à 203 milliards de dollars (développement et coûts opérationnels sur 30 ans compris). Le coût d’acquisition d’un exemplaire est estimé à très exactement 692 millions de dollars.
Les premiers exemplaires seront basés à Ellsworth AFB (Dakota du Sud) pour remplacer des B-1B du 28th Bomb Wing, puis à Dyess AFB (Texas) pour remplacer des B-1B du 7th Bomb Wing. Sa date de mise en service n’a pas été officialisée, mais elle pourrait intervenir d’ici cinq ans.