Rolls-Royce n’est décidément pas épargné par les soucis avec son Trent 1000. Après avoir été confronté à un problème de durabilité sur les aubes de compresseur pression intermédiaire (IP) des Trent 1000 Package B et C l’an dernier, le motoriste britannique doit désormais faire face à une détérioration précoce des aubes de turbine haute pression (HP) des Trent 1000 TEN. Un problème qui pourrait conduire à de possibles extinctions en vol (IFSD) de ces moteurs, qui équipent le Boeing 787. Il s’est donc résolu à annoncer, le 10 avril, la mise en place d’un plan d’inspections accélérées de la flotte en service, soit un peu plus de 180 moteurs.
Ce plan a été élaboré par Rolls-Royce en collaboration avec l’EASA. Il fait l’objet d’un bulletin de service (SB) de la part du motoriste et d’une directive de navigabilité (AD) émise par l’agence européenne, qui prendront rapidement effet. Une fois effectifs, ces deux documents demanderont aux compagnies de pratiquer une inspection boroscopique sous aile des moteurs dans un délai de 25 cycles de vol, afin de détecter d’éventuelles criques axiales. Si c’est le cas, ils devront immédiatement être déposés pour un remplacement de l’ensemble des pièces concernées.
Les opérateurs devront ensuite répéter ces inspections très fréquemment : au plus tous les 50 cycles de vol en-dessous de 725 cycles, au plus tous les 25 cycles au-delà. En cas d’IFSD, le délai sera ramené à 10 cycles. Les moteurs qui dépasseront les 1 000 cycles, ou les paires de moteurs qui excéderont les 1 400 cycles combinés, seront interdits de vol jusqu’au changement des pièces concernées. Rolls-Royce a d’ailleurs mis au point des instructions pour dépareiller les moteurs après un certain nombre de cycles de vol combinés.
« Ces inspections nous permettront de confirmer l’état de santé de la flotte de Trent 1000 TEN et d’améliorer notre compréhension de la détérioration des aubes de turbine haute pression que nous avons observée sur un petit nombre de moteurs », a déclaré Chris Cholerton, président de Rolls-Royce Civil Aerospace.
Détérioration plus rapide que prévue
Cette décision intervient ainsi après une série d’inspections sur un échantillon de Trent 1000 TEN « qui ont connu une fréquence plus élevée de vols à l’extrémité supérieure de leur domaine opérationnel ». Celles-ci ont révélé la nécessité de remplacer les aubes de la turbine HP (composée d’un étage unique) plus tôt que prévu.
En effet, Rolls-Royce avait déjà constaté ce problème de détérioration dès la mise en service du Trent 1000 TEN en novembre 2017 et directement annoncé à ses clients qu’il faudrait changer ces aubes de turbine HP après un temps assez court, mais sûrement pas si tôt.
Le développement d’une version améliorée a été lancé dès l’an dernier. Elle est actuellement en cours de tests, comme l’explique Chris Cholerton : « Nous prévoyons d’intégrer ces aubes améliorées dans la flotte Trent 1000 TEN début 2020 ». Le problème est désormais de savoir si la flotte en question pourra attendre jusque-là.
Si ce n’est pas le cas, le motoriste devra alors en tirer les conséquences pour éviter de voir la flotte, toute ou en partie, clouée au sol. S’il n’arrive pas à accélérer suffisamment le développement de ces nouvelles aubes, les compagnies risquent de devoir procéder à des remplacements anticipés avec les modèles actuels de pièces. Singapore Airlines a d’ailleurs déjà annoncé avoir immobilisé deux 787-10 à cause de ce problème début avril.
Des problèmes récurrents
Cette nouvelle affaire s’inscrit dans la longue lignée de problèmes opérationnels rencontrés par les Trent 1000. Les « TEN » avaient par exemple déjà été confrontés à un problème de vieillissement prématuré des plaques d’obturations avant des disques de turbines HP, qui avait entraîné une réduction du cycle de vie (DSCL) de ces pièces.
Surtout, cela intervient alors que Rolls-Royce pensait enfin voir le bout du tunnel sur les problèmes de durabilité des aubes de compresseur IP. Il y a moins d’un mois, le motoriste annonçait enfin le retour en vol des premiers Trent 1000 Package C dotés d’aubes redessinées, en attendant de pouvoir faire de même avec les Package B. Il espérait alors réduire le nombre de Boeing 787 cloués au sol, ce ne sera donc peut-être pas le cas tout de suite.
Rolls-Royce se montre néanmoins confiant. Il annonce que ce nouveau problème ne devrait pas affecter le développement et la mise en place des correctifs pour les Trent 1000 Package B et C, ni entraîner de charges supplémentaires à celles déjà prévues pour les deux ans à venir. Il faut dire qu’après avoir dépensé 790 millions de livres en 2018 – sur 431 millions prévus, le motoriste a provisionné pas moins de 450 millions de livres en 2019 et de 100 millions en 2020 pour résoudre les (nombreux) problèmes opérationnels du Trent 1000.