L’Asie est incontestablement la région la plus prometteuse pour le secteur de la maintenance des avions commerciaux dans les prochaines décennies. À seulement quelques jours du salon MRO Europe qui se tiendra à Londres, le Journal de l’Aviation a profité du salon MRO Asia-Pacific à Singapour pour s’entretenir avec Sabena technics, grand « pure player » de la MRO installé au coeur de la région.
Philippe Delisle, président de Sabena technics DNR, Frédéric Dumont, président de Sabena technics Singapore et Thibaut Campion, PDG de Singapore Component Solutions (SCS), partagent ainsi leur expertise sur les vraies tendances et les réelles opportunités offertes par l’Asie aujourd’hui. Cette rencontre nous a également permis de revenir sur les trois ans d’activité, jour pour jour, du centre de réparations d’équipements de Seletar, désormais coentreprise avec AFI KLM E&M depuis l’année dernière.
« La croissance de l’Asie, que l’on voyait à entre 5 et 6 pourcents par an en termes de passagers transportés, a un peu ralenti ces derniers temps pour atteindre les 4,5 pourcents aujourd’hui » constate Philippe Delisle, le président de Sabena technics DNR, qui rappelle cependant que l’Asie reste incontestablement l’un des marchés le plus porteur dans le monde, en particulier pour l’Asie du Sud-Est, la Chine et l’Inde. Il reconnaît aussi que sur le secteur de la MRO pure, tous les acteurs se sont désormais installés en Asie du Sud-Est pour tisser une proximité avec les clients sur un marché bien présent. « Mais il y a une compétition assez effrénée et il est certain que ce n’est pas un marché facile, mais c’est un marché qui est en croissance, avec des flottes qui sont relativement récentes et qui ne sont donc pas encore arrivées à maturité », nous expose-t-il.
Philippe Delisle nous explique aussi qu’au fur et à mesure que ces appareils se tourneront vers la MRO, des problématiques de pénurie de main-d’oeuvre viendront aussi apparaître, un peu moins en Asie du Sud-Est, mais une tendance « déjà très affirmée en Chine ». « C’est effectivement une région de défis, et la compétition est rude », reconnaît-il. Il constate aussi que les OEM sont également particulièrement présents dans la région et qu’ils continuent à développer leurs services. « Nous nous positionnons face aux OEM en apportant des solutions différentes, avec une flexibilité qu’ils n’ont pas, avec une gamme de réparations différentes. Il y a une importante compétition entre OEM et MRO, et entre MRO entre eux », poursuit-il.
Philippe Delisle nous explique aussi que la logique de la maintenance en Asie est très différente de ce que l’on trouve aux États-Unis par exemple, avec les développements massifs de pièces PMA ou des réparations DER. « Nous sommes dans une logique qui consiste à offrir des services de qualité de très haut niveau, par exemple en s’adossant à des OEM privilégies et en devenant leur station de réparations agréée. Nous sommes vraiment dans cette démarche, mais en plus, nous apportons un service différent, en étant très à l’écoute des clients sur comment réduire les TAT et de maîtriser les coûts », a-t-il souligné. Et d’ajouter : « C’est un marché très structuré et nous devons chercher de la performance, de la flexibilité et des solutions à forte valeur ajoutée pour nous démarquer et poursuivre notre développement dans la région ».
La coentreprise singapourienne de Sabena technics et AFI KLM E&M poursuit son développement
Seulement trois ans après avoir été certifiée par l’EASA et démarré ses activités, Singapore Component Solutions (SCS) affiche toujours une très forte croissance. La joint-venture de Sabena technics et d’AFI KLM E&M implantée à Seletar a vu la surface de ses installations plus que tripler, passant de 1200 à 4500 m2 aujourd’hui, pour près de 60 salariés.
« Nous avons désormais ouvert un peu moins de 85% des capacités prévues », annonce Philippe Delisle, qui rappelle que le rayonnement du centre de réparation d’équipements s’étend de l’Inde au Japon, en passant par la Mongolie, la Chine, mais aussi l’Australie et Tahiti, c’est-à-dire finalement toute la région Asie-Pacifique dans son ensemble.
Thibaut Campion, PDG de SCS nous annonce que l’atelier de réparation a développé des capacités sur près de 220 familles de produits, auxquelles une petite vingtaine viendra encore s’ajouter d’ici la fin de l’année. « Nous sommes sur toutes les technologies avion pour les familles A320/A330 et ATR, avec aussi quelques références sur les Fokker 100 et les Q400 », précise-t-il. SCS vient d’ailleurs d’ouvrir un nouvel atelier dédié aux échangeurs ainsi qu’un autre spécialisé dans les équipements « oxygène », aussi bien pour les masques que pour les bouteilles. « Ce qui est très intéressant aussi à Singapour, ce que l’on a aussi réussi à développer des capacités que nous n’avions pas en Europe », annonce Philippe Delisle.
En terme de volume, le nombre de réparations atteindra les 3 500 équipements cette année contre 3000 en 2018, avec l’objectif de passer les 4 000 réparations dès l’année prochaine. « Mais nous ne connaîtrons cette croissance qu’avec de la performance et du prix, et c’est vraiment là la marque de fabrique que nous voulons imposer dans la région », avertit Frédéric Dumont, le président de Sabena technics Singapore.
Il souligne aussi que SCS dispose désormais de 10 agréments couvrant l’Europe, les États-Unis et une très grande partie de la région Asie-Pacifique. Philippe Delisle se souvient d’ailleurs que le sésame EASA a été obtenu en seulement huit mois et que SCS a été le premier atelier à obtenir la double certification EASA/FAA à Singapour. Mais Frédéric Dumont nous révèle aussi que SCS est actuellement en train de travailler pour obtenir l’agrément chinois. « C’est un marché que nous pourrons ouvrir très rapidement », annonce Frédéric Dumont.
À la question de savoir si les accords signés en juin dernier entre les autorités singapouriennes (CAAS) et les autorités chinoises (CAAC) auront un impact favorable, il se montre d’ailleurs très affirmatif, rappelant que pour favoriser le développement des sociétés singapouriennes, de nombreux accords bilatéraux ont été signés et notamment des accords de sous-traitance de contrôle. « Par exemple pour nous, la FAA ne vient pas directement nous auditer, mais c’est la CAAS, c’est très récent et cela permet d’économiser des frais et c’est un vrai gain en efficacité », nous explique-t-il, saluant le travail du gouvernement de Singapour pour faciliter l’essor du secteur de la maintenance dans l’île-État. « C’est un réel avantage », a-t-il conclu.
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