Le salon MRO Middle East qui s’est déroulé à Dubaï (Émirats arabes unis) début février a été l’occasion de rencontrer le CEO de Dedienne Aerospace. Cette entreprise française est aujourd’hui l’un des leaders mondiaux des outillages pour la maintenance des avions commerciaux ainsi que leurs moteurs, en témoigne encore la récente licence exclusive accordée par UTAS sur les nacelles des PW1100G de l’A320neo (lire l’article). Cédric Barbe nous expose ici la riche histoire de Dedienne Aerospace, mais aussi ses perspectives et les nouveaux défis qui viennent accompagner ce succès désormais mondial.
La société a été crée par Roland Dedienne, originaire de l’Est de la France et tourneur chez Hispano-Suiza à Clamart dans les années 40. A cette époque il y avait une très importante industrie du textile à Clamart et Roland Dedienne a commencé à fabriquer des pièces pour réparer des machines à tisser en utilisant les moyens de son employeur. La demande était telle qu’il ne tarda pas a créer sa propre entreprise en 1947, au départ un simple atelier avec quelques compagnons. En 1973, Jean-Claude Volot, le président et propriétaire de Dedienne Aerospace, rejoint son grand-oncle. Roland Dedienne n’ayant pas eu d’enfant et Jean-Claude Volot étant diplômé de l’École Nationale d’Ingénieurs de Metz, il était de fait l’ingénieur qui était capable de reprendre l’entreprise, nous explique Cédric Barbe. « Jean-Claude Volot a alors très fortement développé l’entreprise dans trois domaines : la plasturgie, avec Dedienne Multiplasturgy, qui est encore aujourd’hui très présent dans les régions de l’ouest de la France, Dedienne Santé à Mauguio, qui est aujourd’hui l’un des leaders des prothèses, et nous, les Aerospace. »
Les sociétés dédiées à la plasturgie et à la santé ont été revendues aux cadres de chaque structure et Jean-Claude Volot a décidé de se concentrer sur le secteur de la maintenance aéronautique, avec une forte volonté de présence mondiale. Ainsi, dès 2001, Dedienne Aerospace faisait un premier pas en Floride en créant Dedienne Miami, une première dans les outilleurs aéronautiques. « Depuis Toulouse, nous avons aussi fait un deuxième très grand saut en nous installant aussi à Albi » se souvient Cédric Barbe en plaisantant. Dedienne venait en effet de racheter l’un de ses concurrents en 2000, Payan Aéro, ce qui permettait alors de pouvoir fournir une offre plus complète aux compagnies aériennes pour leurs hangars de maintenance. « Il a fallu ensuite structurer l’ensemble, les entreprises rachetées et celles issues du développement à l’international » nous explique-t-il, faisant l’analogie avec une équipe de rugby. « Dans une équipe, même si nous avons des champions, il faut que tout le monde joue ensemble. Cela a pris un peu de temps, quatre à cinq ans, pour bien structurer la gamme, revoir les produits, reconcevoir les produits Payan qui étaient anciens, les rendre compétitifs. »
Une grande proximité avec les clients
Dedienne s’est ensuite lancé en 2008 dans la création d’une entité en Chine, à Zhuhai. « Et puis nous commencions à multiplier les clients au Moyen-Orient, comme Emirates, Saudi Arabia, GAMCO -puis ADAT-, et il nous a paru évident que sur les gros porteurs, « the place to be » c’était évidemment Dubaï ». Dedienne Aerospace s’est ainsi installé dans la zone franche de l’aéroport international de Dubaï en 2013, puis à Singapour pour pouvoir être à proximité de ses clients sur place bien sûr, mais aussi en Indonésie et en Malaisie. « Plus récemment nous nous sommes aussi installés à Hong Kong pour commercer par exemple plus facilement avec Taïwan, voire même avec Macao pourtant si proche de Zhuhai » poursuit le CEO de Dedienne Aerospace.
Il précise aussi que depuis Dubaï, Dedienne Aerospace rayonne sur l’ensemble du Moyen-Orient en incluant même la Turquie et l’Afrique avec une grande priorité sur les services clients. « Nos clients ont des outillages plein les ateliers, certains doivent être upgradés, d’autres doivent être testés, réparés » explique Cédric Barbe qui nous annonce aussi l’existence d’un bureau d’études sur place. « Chaque compagnie aérienne a son hangar bien spécifique, ses méthodes de travail. C’est pour cela que nous avons très vite créé un bureau d’études ici à Dubaï, pour customiser les outillages et les adapter aux besoins des clients locaux ». Ainsi, avec le service clients et le bureau d’études, l’implantation de Dedienne à Dubaï peut plus facilement comprendre les besoins du terrain, en faire remonter certain au bureau d’études de Toulouse, concevoir des outillages et ensuite utiliser la supply chain du groupe pour fournir les différents clients de la région.
« Nous cherchons la proximité avec nos clients. La proximité de Dedienne avec de nombreuses compagnies aériennes a d’ailleurs contribué à ce que des OEM se tournent rapidement vers nous pour nous confier des licences » note le CEO de Dedienne Aerospace. Il nous annonce aussi que l’amélioration de la supply chain est le grand cheval de bataille de Dedienne Aerospace aujourd’hui. « Nous avons connu un développement très important ces dernières années et nous consacrons beaucoup d’efforts pour structurer notre supply chain mondiale, la solidifier, la rendre plus industrielle, mais aussi en même temps la rendre plus flexible ».
La problématique des nouveaux programmes et des ramp-up
Car évidemment, Dedienne Aerospace doit aujourd’hui répondre aux deux importants challenges apparus ces dernières années avec la problématique des montées en cadences combinée à l’arrivée de nouveaux programmes sur le marché. « Nous avions déjà connu un très fort ramp-up dès 2015 pour équiper des ateliers chez Snecma (Safran Aircraft Engines) et GE. Cela n’a pas été facile, car CFM International a décidé de mettre en place des standards de qualité sur les outillages qui n’avaient encore jamais été mis en place, ni même envisagés, auparavant, avec des taux de conformité supérieurs à 99,8% ». Autre tendance, avec l’arrivée des nouveaux programmes, tous les OEM portent désormais une attention accrue aux services et les outillages en font évidemment partie. Tous requièrent une gamme d’outillage de très haut niveau, avec des produits de plus en plus complexes et de taille de plus en plus importante. « Il y a 15 ans, on considérait qu’un GE90 était très gros, voire même un monstre, puis un GP7200 c’était encore plus incroyable. Maintenant quand on regarde un Trent XWB on se dit que l’on a encore franchi une étape » résume le CEO de Dedienne Aerospace.
Il nous révèle d’ailleurs que Dedienne a été retenu pour fournir les solutions de transport du GE9X de General Electric, la motorisation de la future génération de 777, grâce à l’implantation de Miami qui s’est très fortement développée depuis 2015. « Nous avons eu la fierté d’être enfin considérés comme américains, reconnus pour notre important bureau d’études sur place et nous nous sommes vu confier les cocons qui vont transporter les GE9X. C’est une sacrée reconnaissance » annonce-t-il avec un large sourire. Il nous explique aussi que cette victoire est en partie redevable à Rolls-Royce qui avait développé toutes ses solutions de transport des Trent XWB avec un autre acteur européen. Cette solution s’est révélée hyper-technologique mais ne leur a pas donné pleine satisfaction. « Ils nous ont alors demandé de concevoir un produit tourné client. Nous sommes alors passés d’une solution de 11 tonnes à seulement 6 tonnes pour le même résultat. Par ailleurs pour l’installation d’un moteur, nous sommes passés de 4 heures à seulement 45 minutes avec notre solution. Les opérateurs ont vite été satisfaits » se souvient-il.
Il souligne aussi que le marché est en train de se structurer, devenant plus rigoureux et portant désormais une plus grande importance à la qualité. Les clients recherchent aussi des solutions de plus en plus flexibles. « La flexibilité est vraiment un point très important. Il est par exemple de plus en plus rare de vendre des tripodes dédiés à un seul programme. Nous avons ainsi conçu des tripodes A320/737 ou A350/787 ». Les compagnies aériennes veulent plus de matériels pour faire plus d’opérations, mais aussi plus de flexibilité. C’est dans cette logique que Dedienne Aerospace développe des chariots moteurs compatibles aussi bien avec les CFM56-3 que les -7B ou encore des chariots V2500/CFM56.
Plus grande flexibilité, structuration de la supply chain pour cascader l’ensemble des exigences des clients tout en étant plus ouvert aux nouvelles opportunités de développement, voici pour résumer le véritable jeu d’équilibre auquel est confronté Dedienne Aerospace aujourd’hui. Mais pour Cédric Barbe, « chez Dedienne nous avons une grande chance, nous avons une très forte adhésion des équipes et en quelques années, et quelles que soient les cultures des différents pays, nous avons vraiment réussi à créer une culture Dedienne Aerospace. Cela permet d’aller plus vite et de mieux se comprendre, d’être tous portés par une même ambition et un même objectif. »