En pleine réforme du MCO aéronautique, Safran Helicopter Engines commence à abattre ses cartes. Ce vendredi 21 février, le motoriste inaugurait son campus industriel modernisé CAP 2020 à Tarnos (Nouvelle-Aquitaine), en présence de Florence Parly et Geneviève Darrieussecq, respectivement ministre des Armées et secrétaire d’Etat, ainsi que de l’état-major du groupe Safran. Au-delà d’une amélioration de la productivité, cette refonte du site landais va servir d’argument à Safran Helicopter Engines dans les discussions qu’il s’apprête à entamer avec l’Etat et la Direction de la maintenance aéronautique (DMAé) pour le renouvellement du contrat MCO France.
Depuis près de vingt ans maintenant, Safran Helicopter Engines est en charge du maintien en condition opérationnelle (MCO) de l’ensemble des moteurs qui équipent les hélicoptères des armées françaises, de la gendarmerie nationale, de la Direction générale de l’armement (DGA), des douanes et de la sécurité civile selon un contrat de performance unique. Désigné MCO France, il couvre 1 600 turbines, issues de sept familles différentes, qui équipent 550 appareils. Conclu en 2001 et renouvelé 2012, cet accord s’achèvera en 2022. Les négociations sur la signature d’une troisième itération débuteront d’ici l’année prochaine.
L’apport de CAP 2020
Pour obtenir ce renouvellement, Safran Helicopter Engines entend s’appuyer sur cette modernisation. Lors de son discours d’inauguration, Philippe Petitcolin, directeur général du groupe Safran, s’est ainsi adressé à la ministre des Armées : « Nous sommes prêts à répondre aux objectifs que vous nous avez fixés dans le cadre de la réforme du MCO et Tarnos y contribue. »
Tarnos est en effet le deuxième site de Safran Helicopter Engines et surtout son principal centre de maintenance. Il concentre une grande partie du travail de révision et de réparation dans le cadre du contrat MCO France. Sur les 650 moteurs traités chaque année, une centaine l’est pour le compte des flottes étatiques françaises. La réduction de 30% des cycles de MRO permise par la mise en place du projet CAP 2020 est donc un argument de poids dans la balance du motoriste.
Naturellement, cet argument a été réaffirmé par Franck Saudo, mais le président de Safran Helicopter Engines s’est surtout efforcé à rappeler un message simple : « le contrat MCO France est une brique qui fonctionne ». Il annonce ainsi tenir son objectif de disponibilité de 100%, c’est-à-dire que le motoriste a livré l’ensemble des turbines destinées aux forces dans les délais impartis par le contrat, depuis douze ans. Une déclaration corroborée par l’ingénieure générale de l’armement Monique Legrand-Larroche, directrice la DMAé. Elle a ainsi assuré que les turbines n’étaient aujourd’hui pas un souci dans le MCO des hélicoptères, grâce à une bonne performance des motoristes.
Franck Saudo argue d’ailleurs que la robustesse de ce modèle contractuel élaboré avec son principal client, à savoir l’Etat français, avait permis de l’exporter. Il a ainsi été adapté pour la maintenance des Merlin et Apache britanniques, des Lakotas américains ou encore au Brésil et en Allemagne. Le patron de Safran Helicopter Engines a donc naturellement exprimé son désir de conserver ce modèle, du moins de « s’appuyer dessus pour la suite ».
Les Fennec ont été les premiers à bénéficier d’un contrat verticalisé en 2019, dans le cadre de la refonte du MCO aéronautique. © GAMSTAT/P. Gillis
Encore du chemin à parcourir
La signature du troisième contrat MCO France est pourtant loin d’être gagné d’avance, et ce à cause de la fameuse réforme du MCO aéronautique évoquée par Philippe Petitcolin. En effet, depuis son lancement en 2018, la DMAé s’efforce de faire gagner en efficacité sur cette activité, et cela passe en grande partie par une remise à plat des accords avec les industriels. Elle entend désormais s’appuyer sur des contrats verticalisés à long terme pour chaque type de flotte, signés avec des maîtres d’oeuvre industriels uniques, et définissant des objectifs de disponibilité globale. Charge ensuite à ces derniers de s’accorder avec les autres parties prenantes pour tenir la cible. De premiers contrats de ce type ont été signés en 2019.
Ce modèle tranche donc avec celui « horizontal » du MCO France, qui sépare les moteurs du reste de l’aéronef. Interrogée sur la pertinence de ce schéma dans le futur MCO aéronautique, Monique Legrand-Larroche n’a pas fermé la porte pour autant : « Cela a encore du sens, car la performance du moteur est moins intégrée que celle d’autres équipements. Il est possible de la séparer du reste de l’aéronef. »
C’est donc a priori une bonne nouvelle pour Safran Helicopter Engines. D’autant que, si le contrat est renouvelé, ce devrait être à nouveau pour dix ans. De quoi assurer une certaine pérennité au site de Tarnos.