Objets potentiellement dangereux, géocroiseurs, impacteur cinétique, etc. Ce vocabulaire n’est pas celui d’un film de science-fiction, mais des missions Dart de la NASA et Hera de l’ESA qui constituent le projet Aida (Asteroid impact & deflection assessment). La première consiste à faire entrer une sonde (l’impacteur cinétique) en collision avec « Didymoon », la lune astéroïdale de Didymos, un astéroïde géocroiseur considéré comme potentiellement dangereux, afin de la faire dévier de sa trajectoire. La seconde doit assurer l’observation de cet impact et de ses conséquences. Et les contours de la mission européenne tendent à se préciser avec la sélection de deux CubeSat, le 7 janvier, pour aider Hera dans son observation. Celle-ci doit néanmoins être confirmée par le conseil ministériel de l’ESA à la fin de l’année.
Entre décembre 2020 et mai 2021, la NASA prévoit donc d’envoyer la sonde Dart (Double Asteroid Redirection Test) sur le système astéroïdale binaire (65803) Didymos, dont la taille est représentative des objets qui menacent potentiellement la Terre. Celui-ci est composé d’un astéroïde principal éponyme de 780 m de diamètre et d’une lune astéroïdale en orbite autour de lui, surnommée officieusement Didymoon (S/2003 (65803) 1). C’est cette lune de 160 m de diamètre qui sera spécifiquement visée.
Dart, qui mesure 12,5 m sur 2,4 m (panneaux solaires déployés), entrera donc en collision avec Didymoon à la vitesse de 6 km/s. Cela devrait entraîner un allongement d’environ 1 % de la durée de son orbite autour de Didymos, dans le but de modifier leur trajectoire. L’impact est prévu le 7 octobre 2022, à environ onze millions de kilomètres de la Terre. Ce sera la première fois qu’un objet stellaire est dérouté par l’Homme de façon mesurable.
Hera sera lancée de son côté en novembre 2023, afin d’atteindre Didymos en décembre 2026. Ce délai relativement important doit permettre de mesurer l’inflexion de la trajectoire par rapport à celle initiale. Une fois positionnée, la sonde européenne s’attachera à réaliser une cartographie visuelle, laser et radiographique de la surface et de la structure interne de Didymoon, ainsi qu’à calculer sa masse. Elle caractérisera également le cratère provoqué par l’impact de Dart, afin de valider les modèles numériques. Autant d’opérations qui ne sont pas réalisables depuis la Terre.
Profil de la mission Dart © NASA
Equipe d’observation
Hera sera donc aidée dans sa mission par deux CubeSat 6U (chacun composé de six unités de 10 x 10 cm), qui viennent tout juste d’être sélectionnés. Emportés à bord de la sonde, ils seront relâchés à proximité du système Didymos pour l’observer. Ils seront alors interconnectés avec Hera, ce qui constituera une première dans l’espace lointain.
Le premier CubeSat est APEX (Asteroid Prospection Explorer), développé par un consortium suédois, finlandais, tchèque et allemand, qui réalisera une étude spectrale détaillée de la surface des deux astéroïdes. Selon l’ESA, « il mesurera la lumière solaire réfléchie par Didymos et en décomposera ses différentes couleurs pour découvrir comment ces astéroïdes ont interagi avec l’environnement spatial, en identifiant toute différence de composition entre les deux. » Il effectuera aussi des relevés magnétiques qui donneront un aperçu de leur structure intérieure, avant de se poser sur l’un d’entre eux à l’aide d’une caméra de navigation et d’un lidar.
Juventas, le second CubeSat, a été conçu par la société danoise GomSpace et la filiale roumaine du groupe espagnol GMV. Il se concentrera sur Didymoon afin d’en mesurer le champ gravitationnel et effectuera des relevés radar à basse fréquence pour étudier de la structure interne de la lune astéroïdale avant de s’y poser.
Cette double mission doit ainsi permettre la mise au point d’un système de défense maîtrisé et répétable contre les objets potentiellement dangereux pour notre planète.