L’été 2020 va ouvrir une nouvelle fenêtre de tir vers la planète Mars. Un événement rare – tous les deux ans environ – dont vont profiter pas moins de trois missions. En l’espace d’un mois, Mars 2020 (NASA), ExoMars 2020 (ESA et Roscosmos) et HX-1 (CNSA) vont quitter la Terre pour un voyage de huit à dix mois avec comme objectif d’aller explorer la planète rouge. Ces trois missions parallèles entrent aujourd’hui dans des phases de tests finaux en vue de leurs départs respectifs, prévus dans à peine plus d’un an.
La foreuse de l’astromobile Rosalind Franklin permettra d’explorer le sol de Mars en profondeur. © ESA / ATG medialab
ExoMars 2020 se prépare à Turin
Le programme russo-européen ExoMars 2020 semble aujourd’hui le plus avancé. Depuis deux mois, les différents éléments de la mission ont commencé à arriver dans les installations de Thales Alenia Space (TAS), à Turin (Italie), où seront réalisés l’assemblage final et les tests préparatoires au lancement. L’objectif est d’être prêt pour un lancement entre le 25 juillet et le 8 août 2020, sur un lanceur russe Proton depuis le cosmodrome de Baïkonour (Kazakhstan), pour un atterrissage sur Mars le 19 mars 2021. Il viendra ainsi compléter le travail de la mission ExoMars 2016, dont l’orbiteur TGO (Trace Gas Orbiter) commence à livrer ses premières informations.
L’atterrisseur « Kazachok », conçu et développé en Russie par NPO Lavochkin sous la responsabilité de Roscosmos, est ainsi arrivé en mars. Ce module de deux tonnes est en cours d’assemblage final par l’industriel européen, avec l’assistance des équipes russes. Il doit ainsi intégrer les divers éléments livrés cette année (avionique, batteries, boucliers thermiques et caisson arrière).
A l’aide des données recueillies par le démonstrateur d’atterrisseur Schiaparelli de la mission ExoMars 2016 – malgré un dysfonctionnement lors de la descente vers Mars qui a entraîné son écrasement en octobre 2016 – Kazachok doit assurer la rentrée atmosphérique, la descente vers le sol de Mars, l’atterrissage puis le déploiement de l’astromobile (rover). Il servira aussi de plateforme de recherches avec douze instruments à son bord, dix russes et deux européens.
Le module de transport, fabriqué par OHB System à Brême (Allemagne) pour le compte de l’ESA, est lui arrivé en avril. Pesant 800 kg, il doit assurer le transport de l’atterrisseur et de l’astromobile jusqu’à Mars, grâce à seize propulseurs 20-N à hydrazine, plusieurs instruments de navigation (viseurs d’étoiles et capteurs solaires), et des panneaux solaires. Il participera aussi aux communications entre la Terre et les modules sur le sol martien.
Le dernier élément majeur qui doit arriver à Turin est l’astromobile « Rosalind Franklin ». Le véhicule de 310 kg est en train d’être équipé avec ses instruments scientifiques par Airbus Defence & Space, à Stevenage au Royaume-Uni. Il sera bientôt rejoint par le caisson laboratoire d’analyses (Analytical Laboratory Drawer – ALD), dont TAS vient d’achever les essais à Turin. Actuellement en route vers le Royaume-Uni, il est prêt à être intégrer au sein du rover afin d’étudier les échantillons récoltés par ce dernier.
Ainsi équipée d’un ensemble de neuf instruments (caméras, spectromètres, etc.), Rosalind Franklin doit explorer la surface de Mars, mais aussi le sol jusqu’à deux mètres de profondeur grâce à une foreuse, à la recherche de signes d’une vie passée.
Le JPL s’appuie largement sur l’expérience accumulée avec Curiosity pour Mars 2020. © NASA
Il ne manque plus que le rover pour Mars 2020
Côté américain, le Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la NASA poursuit l’assemblage des différents éléments de la mission Mars 2020. Le départ est prévu entre le 17 juillet et le 5 août 2020, sur un lanceur Atlas V (541) depuis la base de Cap Canaveral, pour une arrivée sur Mars le 18 février 2021. L’objectif sera là-aussi de déterminer si Mars a un jour réuni les conditions pour abriter la vie, mais aussi de détecter des traces directes de vie microbienne.
Le vaisseau se compose d’un étage de croisière qui assurera le trajet jusqu’à la planète rouge. Vient ensuite un étage de descente, qui doit assurer une approche propulsée vers le sol, jusqu’à y déposer l’astromobile. Il sera intégré au sein d’une coque qui assurera la protection et le freinage du vaisseau lors de sa rentrée dans l’atmosphère martienne.
De grands pas ont été faits vers la qualification de la coque ces deux derniers mois. Le JPL a ainsi testé l’intégration de l’étage de descente et d’un rover de substitution au sein de ce module de 4,5 m de diamètre. L’ensemble a ensuite été soumis à des tests acoustiques, avant de passer en chambre à vide thermique. De même, Lockheed Martin, en charge de la conception et de la construction de la coque, a achevé les essais statiques de la structure du bouclier thermique.
L’assemblage de l’astromobile semble aujourd’hui le moins avancé. Il devrait néanmoins être fini sous peu, d’autant que le JPL bénéficie de l’expérience accumulée avec le rover Curiosity de la mission Mars Science Laboratory, dont l’architecture est très proche bien que plus petite. En attendant que son assemblage soit achevé, les différents systèmes sont testés depuis fin janvier sur le banc d’essais dédié ST1 (Systems Test 1).
La Chine a affiché ses ambitions en 2016 en dévoilant son atterrisseur et son astromobile martiens. © Xinhua
Les mystères de HX-1
Comme il est de coutume en Chine, la CNSA reste discrète sur l’avancée des travaux de HX-1. L’agence spatiale chinoise prévoit un lancement à l’été 2020, dans la même fenêtre de tir que les missions russo-européenne et américaine, à bord d’un lanceur Chang Zheng-5 (CZ-5 ou « Longue Marche-5 »). Elle a aussi annoncé la sélection de deux sites potentiels d’atterrissage.
Cette première mission martienne chinoise se composera d’une astromobile de 200 kg, dont le design différera des Yutu lunaires actuels avec six roues et quatre panneaux solaires, qui sera intégrée à une plateforme au sein du module de descente (comme pour ExoMars 2020). Elle comprendra aussi un orbiteur, qui assurera l’observation de Mars avec une dizaine d’instruments et servira de relais de communication entre le rover et la Terre.
La CNSA a ainsi annoncé toute une série d’objectifs scientifiques, à savoir une étude topographique et géologique de la surface, l’étude de sa composition, la caractérisation du sol et de l’eau gelée, mais aussi l’analyse de la ionosphère, du climat et de l’environnement martien, ainsi que des champs physiques et de la structure interne de la planète.
Au-delà des missions principales d’études de l’environnement et du sol martien, ces trois missions – notamment les missions américaine et chinoise – doivent préparer une future exploration humaine de Mars. Le rover Mars 2020 doit ainsi tester une méthode de production d’oxygène à partir de l’atmosphère martienne. Le prochain jalon sera le retour d’échantillons martiens sur Terre à l’horizon 2028-2030. La NASA et l’ESA mènent d’ailleurs une étude de concept commune en vue de la récupération de canisters préalablement remplis l’astromobile de Mars 2020. Et il faudra encore quelques étapes et au moins une quinzaine d’années de travail avant de voir une mission habitée prête à partir.