N’en déplaise à Thales Alenia Space, c’est Airbus Defence & Space qui embarque sur CO3D (Constellation Optique en 3D) avec le CNES. L’industriel européen vient de remporter l’appel d’offres lancé par l’agence spatiale française pour la construction et l’exploitation de cette constellation de satellites d’observation de la Terre selon une association public-privé originale. Le contrat de développement a été signé par Jean-Yves Le Gall, président du CNES, et Jean-Marc Nasr, nouveau directeur général de Space Systems au sein d’Airbus Defence & Space, le 8 juillet au siège du CNES à Paris. Le lancement est prévu en 2022.
Ce partenariat a été mis sous l’angle de l’innovation, que ce soit au niveau de la plateforme, des capacités, de la récupération, le traitement et la commercialisation des données, ainsi que de la gouvernance. Comme le résume Jean-Marc Nasr : « C’est un partenariat très innovant, mais cela correspond parfaitement à la vision que l’on a de l’évolution du marché spatial, beaucoup moins stable qu’il ne l’était dans le passé mais plein d’opportunités. » Il est rejoint par Jan-Yves Le Gall : « La constellation de satellites optiques de nouvelle génération CO3D incarne l’ambition et l’ingéniosité françaises, qui ouvrent une nouvelle ère dans l’observation de la Terre. »
Le patron de Space Systems reconnaît néanmoins que cela a constitué un véritable défi : « Lorsque les équipes du CNES nous ont transmis l’appel d’offres, elles nous ont dit de ne pas essayer de venir avec une proposition standard. L’équipe Airbus – Space Systems mais CIS (Communication, Intelligence & Security, NDLR) qui s’occupe de la commercialisation des données – a travaillé d’arrache-pied pour proposer un système très innovant dans lequel quatre satellites seront lancés à un prix absolument inégalé pour cette qualité d’images et de MNS. »
Haute résolution et fort taux de revisite
La constellation CO3D sera composée de quatre satellites optiques de 300 kilos développés à partir d’AstroBus-SE, variante à propulsion électrique de la plateforme AstroBus-S d’Airbus, dont elle serait la première application. Ils seront capables de fournir des images du sol avec résolution submétrique de 50 cm et une précision altimétrique d’un mètre.
Au-delà de la résolution, le choix d’une constellation et sa combinaison avec les quatre satellites Pléiades Neo d’Airbus – qui seront lancés par paires à partir de 2020 – doit permettre à CO3D d’offrir un taux de revisite inédit. « Le prochain paradigme dans l’observation de la Terre ne sera plus la résolution – où nous sommes arrivés à des niveaux très élevés – mais la persistance et la qualité de service que nous pourrons offrir à nos clients. Les constellations permettent de répondre à cela », explique ainsi Jean-Marc Nasr. Cette capacité devrait être renforcée par l’agilité conférée par la propulsion électrique, par rapport une motorisation chimique plus traditionnelle.
Jean-Marc Nasr et Jean-Yves Le Gall signent le contrat de développement de CO3D © L. Barnier / Le Journal de l’Aviation – tous droits réservés
Traitement avancé
Ces données pourront ensuite être envoyées vers le sol sans attendre de repasser au-dessus de la France, grâce au réseau de réception mondial d’Airbus. Elles seront alors intégrées à une chaîne de traitement numérique hébergée sur le Cloud et exploitée par l’industriel européen. Si cela n’a pas été précisé, il s’agira sans doute de la plateforme OneAtlas d’Airbus Intelligence, qui recueillera les données des Pléiades Neo.
Quoiqu’il en soit cette chaîne sera ouverte et pourra intégrer les algorithmes de traitement développés par le CNES. Cela permettra de générer des images stéréoscopiques, obtenues à partir de la superposition de vues prises avec des angles différents, qui offrent une visualisation en 3D de la surface. CO3D sera ainsi capable de fournir un modèle numérique de surfaces (MNS) de haute précision pour n’importe quelle zone de la planète, et ce très rapidement grâce à son haut taux de revisite.
Association public-privé
Les opérations de CO3D seront gérées par une gouvernance intégrée, composée par le CNES et Airbus, et qui se veut inspirée par les pratiques du New Space. Un rapport d’information de la Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée, en date du 15 janvier 2019, précise que « l’État y contribue par un financement direct qui lui vaudra des droits d’utilisation du système pour des applications civiles ou militaires, tandis que les industriels en prennent une part financière au moins égale à celle de l’État en vue d’applications commerciales. » Charge ensuite à la gouvernance en place « d’optimiser la mission autour des besoins hybrides du public et du privé », comme l’explique Airbus.
Le montant de l’investissement des deux partenaires n’a pas été communiqué. De même, il n’a pas été précisé si le ministère des Armées y a contribué, au moins de façon indirecte. Néanmoins, le même rapport d’information établit que « le CNES consacrera au programme CO3D une centaine de millions d’euros et environ 200 personnels ». Si le précepte de répartition évoqué ci-dessus est respecté, on peut en déduire l’investissement d’Airbus. Le rapport ne précise néanmoins pas s’il s’agit d’un montant initial ou si cette somme comprend aussi les dépenses opérationnelles qui viendront par la suite.