Premiers vols, certifications, montées en cadence, etc. l’année 2018 fut riche au niveau des programmes, mais elle a aussi connu nombre de rapprochements, de fusions/acquisitions ou encore de passations de pouvoir.
L’année 2018 aura ainsi été marquée par le jeu des chaises musicales de la direction d’Airbus, suite à une guerre des chefs. C’est Fabrice Brégier, en conflit avec Tom Enders, qui a ouvert le bal dès le mois de février. Comme annoncé quelques semaines auparavant, il a quitté ses postes de président d’Airbus Commercial Aircraft et de directeur général délégué du groupe.
Guillaume Faury, qui était jusqu’alors président d’Airbus Helicopters, a alors pris sa succession à la tête de la division des avions commerciaux, sans pour autant obtenir formellement le poste de n°2 du groupe. Il a lui-même été remplacé par Bruno Even, venu de Safran Helicopter Engines. L’histoire ne va en rester là, Guillaume Faury ayant été désigné en octobre pour remplacer Tom Enders comme président exécutif du groupe au terme de son mandat en avril 2019.
Cette valse s’est aussi répercutée sur le reste de la direction. Eric Schulz, qui avait succédé à John Leahy fin 2017, a quitté son poste de directeur Ventes, marketing & contrats en septembre et a été remplacé par Christian Scherer, qui était jusque-là président exécutif d’ATR. C’est Stefano Bortoli qui a pris sa succession à la tête du constructeur d’avions régionaux, filiale d’Airbus et de Leonardo.
Guillaume Faury va devenir le nouveau patron du groupe Airbus en avril 2019. © Airbus
Airbus complète sa gamme long-courrier
Malgré ces péripéties, Airbus a plusieurs réalisations à mettre à son actif. Après avoir été certifié simultanément par l’EASA et la FAA, l’A350-1000 est entré en service chez Qatar Airways en février, puis chez Cathay Pacific en juin. L’A330-800 (premier modèle de la famille A330neo) a fait de même, avec une certification EASA en septembre, puis une première livraison chez TAP Air Portugal fin novembre.
Airbus a aussi mis en service des modèles à très longue endurance de plusieurs de ses modèles existants. L’A350-900ULR, capable de voler plus de 20 heures d’affilée, a permis à Singapore Airlines de relancer la plus longue route commerciale du monde entre Singapour et New York (Etats-Unis) en octobre. Un mois plus tard, la compagnie Arkia Israeli Airlines prenait livraison du premier A321LR, variante de l’A321neo capable de transporter 206 passagers sur 4 000 NM (7 400 km).
Parmi les programmes en cours, Airbus a réalisé le premier vol de l’A330-800 début novembre, en vue d’une certification mi-2019. Relégué quelque temps au second plan (notamment en raison du manque de commandes), l’A319neo a lui reçu un premier sésame de l’EASA et de la FAA pour sa version équipée de moteurs LEAP-1A de CFM International en décembre, soit 21 mois après son premier vol en mars 2017. La version équipée des PW1100G-JM de Pratt & Whitney doit voler l’an prochain. Enfin, le BelugaXL a lui pris son envol en juillet et doit être certifié courant 2019.
Rachats et alliances chez les constructeurs
Airbus a aussi marqué l’actualité avec le rachat du programme CSeries à Bombardier. Après avoir mené une guerre commerciale intense à l’avion de 100 à 150 places, le constructeur européen est devenu actionnaire à 50,01 % de la Société en commandite Avions C Series (SCACS, ou CSALP en anglais) en juin, devant le constructeur canadien (31 %) et le fonds Investissement Québec (19 %). Les Bombardier CS100 et CS300 sont ainsi devenus respectivement les Airbus A220-100 et A220-300. Le premier A220 a été livré à Delta Air Lines en octobre et une deuxième ligne d’assemblage doit ouvrir sur le site d’Airbus à Mobile (Alabama, Etats-Unis) en 2020.
Face à Airbus, Boeing n’est bien sûr pas resté inactif. Sur le plan stratégique, le géant américain a poursuivi ses velléités de rapprochement avec Embraer – réponse directe à celui entre Airbus et Bombardier. Les deux constructeurs ont annoncé mi-décembre un accord sur les termes de leur futur partenariat, avec la création d’une coentreprise englobant les activités commerciales et de services du brésilien et détenue à 80% par l’américain. Ils doivent encore recevoir l’aval du gouvernement brésilien, alors que le président Jair Bolsonaro prendra ses fonctions le 1er janvier.
Le 777X se prépare pour sa sortie d’usine (rollout). © Boeing
En attendant le NMA
Au niveau des programmes, Boeing a obtenu la certification de son 787-10 par la FAA en janvier, pour des débuts opérationnels chez Singapore Airlines fin mars. Le constructeur a aussi gelé la configuration du 737 MAX 10 en février, en vue d’un premier vol fin 2019 et d’une entrée en service en 2020. Enfin le 777X est en train d’achever son assemblage final, toutes les sections de fuselage ayant été jointes fin novembre, tandis que son moteur poursuit sa campagne d’essais en vol et devrait être certifié en 2019. Leur premier vol commun est prévu la même année pour des livraisons à partir de 2020.
En revanche, le suspense reste entier autour du New Midsize Airplane (NMA), qui pourrait être lancé formellement mi-2019 afin d’offrir un fuselage large avec un coût par sièges analogue à celui des monocouloirs.
L’année des deux constructeurs a aussi été rythmée par leur volonté de monter en cadence, notamment sur les monocouloirs. Airbus a ainsi affiché un objectif de 800 appareils livrés sur l’année, tandis que Boeing visait 810 à 815 avions. Fin novembre, le premier était à 673 livraisons et devrait avoir du mal à atteindre son but, tandis que le second était à 704.
Les motoristes doivent suivre
Cette course à l’échalote s’est répercutée sur les motoristes. CFM International (coentreprise de GE Aviation et Safran Aircraft Engines) réalise ainsi une montée en cadence sans précédent : 77 moteurs livrés en 2016, 459 l’an dernier et probablement plus de 1 100 cette année, tout en maintenant la production du CFM56 au-dessus des 1 000 exemplaires annuels. Néanmoins le moteur a connu quelques soucis techniques – notamment un problème de qualité sur un disque de turbine pour le LEAP-1B – et des retards de production qui ont pu atteindre jusqu’à sept semaines en début d’année.
Pratt & Whitney n’a pas non plus réussi à tenir le rythme avec son PW1100G-JM. Celui-ci a rencontré de nouveaux des problèmes techniques cette année, situés au niveau du joint d’étanchéité du moyeu arrière du rotor du compresseur haute pression (HP), avec plus d’une centaine de moteurs en service touchée. Cela a obligé le motoriste a développé des solutions en urgence et a largement pénalisé la production.
Rolls-Royce n’est pas mieux loti. Le motoriste britannique a été confronté à des problèmes de durabilité sur les compresseurs à pression intermédiaire (IP) de plusieurs séries de moteurs Trent 1000 en avril et juin, ce qui a directement impacté les résultats du premier semestre. Il connaît aussi des retards dans la production des Trent 7000 pour l’A330neo. Au final, Rolls-Royce ne livrera que 500 moteurs Trent cette année contre 550 prévus. Il a néanmoins pu fêter la certification du Trent 7000 en juillet, ainsi que celle de son nouveau moteur pour l’aviation d’affaires, le Pearl 15, en février.
L’E190-E2 est entré en service chez Widerøe en avril. © Embraer
Bombardier à la peine
L’actualité des constructeurs régionaux a été marquée essentiellement par les interactions de Bombardier et Embraer respectivement avec Airbus et Boeing, mais pas seulement. Après la vente du CSeries, le constructeur canadien a ainsi annoncé début novembre la cession du programme Q400, alors qu’il venait de développer une configuration à 90 places certifiée début août. L’acquéreur est Longview Aviation, la maison-mère de Viking Air, avec une transaction évaluée à 300 millions de dollars et qui devrait être finalisée au second semestre 2019. Une situation qui crée des incertitudes autour de l’avenir du programme CRJ, dernier vestige de l’aviation régionale chez Bombardier.
L’actualité a été plus joyeuse chez Embraer, avec la triple certification de l’E190-E2 par l’ANAC, la FAA et l’EASA en mars. Ce premier membre de la famille d’E-jets E2 a ensuite été mis en service chez la compagnie norvégienne Widerøe le mois suivant. L’E195-E2 devrait être opérationnel en 2019 suivi de l’E175-E2 en 2021.
ATR de son côté continue de travailler sur l’optimisation de son produit et de ses services. Il a enregistré ses premières commandes pour son système de vision améliorée ClearVision et a lancé en novembre un partenariat avec Air New Zealand pour explorer l’écosystème du futur pour l’aviation régionale, notamment à travers les technologies électriques et hybrides.
Le Falcon 6X a été lancé pour succéder au défunt Falcon 5X. © Dassault Aviation
Le Falcon 6X reprend le flambeau
L’année de l’aviation d’affaires a elle été animée par le lancement du Falcon 6X, construit sur les cendres de feu le Falcon 5X et un nouveau moteur Pratt & Whitney Canada PW812D, dérivé de la famille PW1000 PurePower. Celui-ci remplace le Silvercrest de Safran Aircraft Engines, qui n’a pas satisfait aux exigences du constructeur, notamment en raison d’importants retards et de certaines performances non tenues. Le premier vol est prévu début 2021, pour une certification et une entrée en service en 2022.
Autres utilisateurs du PW800, le Gulfstream G500 a été certifié par la FAA en juillet et est entré en service deux mois plus tard, tandis que le G600 est toujours en attente de sa certification prévue cette année. Le biréacteur américain devrait néanmoins disposer de performances accrues avec une autonomie allongée 700 NM (1 296 km) par rapport aux prévisions initiales, pour atteindre 5 500 NM (10 186 km) à Mach 0,90. Il doit faire ses débuts opérationnels en 2019.
Bombardier et Embraer dans l’aviation d’affaires
En difficulté dans l’aviation régionale, Bombardier se porte mieux dans l’aviation d’affaires avec la certification en novembre et la première livraison en décembre de son nouveau fleuron, le Global 7500 (ex-Global 7000, renommé suite à l’annonce de performances accrues). Cela ne masque pas pour autant les deux ans de retard du programme.
L’avionneur canadien a aussi lancé une modernisation des Global 5000 et 6000 lors du salon Ebace en mai, qui deviennent respectivement les Global 5500 et 6500. Les deux appareils vont disposer d’un nouveau moteur, le Pearl 15 de Rolls-Royce, et d’une nouvelle voilure pour une autonomie accrue, ainsi que d’une cabine redessinée autour du siège Nuage et d’améliorations au niveau de l’avionique.
Son alter-ego brésilien Embraer a aussi lancé une évolution de ses Legacy 450 et 500 lors de la convention américaine de la NBAA en octobre. Il a ainsi donné naissance aux Praetor 500 et 600, qui intègrent une voilure allongée avec de nouveaux winglets et de nouveaux réservoirs centraux pour une autonomie accrue. La cabine et l’avionique ont aussi été modernisées. Le Praetor 600 vole déjà et devrait être certifié au deuxième trimestre de 2019, suivi du Praetor 500 au troisième trimestre.
Cessna toujours aussi actif
Du côté de Textron Aviation, le Cessna Citation Longitude a obtenu en décembre un certificat de type provisoire (PTC) par la FAA, en vue de recevoir sa certification complète l’an prochain. Elle était initialement attendue en 2017. Le Citation Hemisphere semble quant à lui relancé avec l’expression d’intérêt de NetJets pour l’acquisition de 150 appareils annoncée à la NBAA. Si elle se concrétisait, cette commande serait aussi une aubaine pour Safran Aircraft Engines, qui équipe l’appareil avec le Silvercrest. Le motoriste français doit désormais résoudre les derniers problèmes techniques et en achever le développement.
Cessna est aussi actif dans l’aviation à hélice, avec l’assemblage des trois premiers prototypes de son monoturbopropulseur Denali, motorisé par le Catalyst (anciennement Advanced Turboprop ou ATP) de GE Aviation. Le premier vol est prévu en 2019 pour une entrée en service en 2020. De même, le constructeur poursuit le développement de son biturbopropulseur utilitaire Cessna 408 SkyCourier. Celui-ci doit voler pour la première fois en 2019 et faire ses débuts chez FedEx Express l’année suivante.
Le premier H160 de série a fait son vol inaugural et va s’atteler à la certification de l’appareil, prévue l’an prochain. © Airbus Helicopters
Peu de nouveautés pour les hélicoptères
Dans le monde des voilures tournantes, Airbus Helicopters poursuit le développement de son H160, dont le premier exemplaire de série a volé en décembre. Il doit être certifié l’an prochain et entrer en service en 2020. L’hélicoptériste européen a aussi achevé la revue de conception préliminaire (PDR) de son démonstrateur à grande vitesse Racer cet été et débuté la production des premiers éléments. L’assemblage final du prototype devrait débuter au quatrième trimestre 2019 pour un premier vol en 2020.
De l’autre côté de l’Atlantique, Bell a lancé le 407GXi à Heli-Expo en février. Cette nouvelle version de son hélicoptère léger monoturbine est équipée d’un Rolls-Royce M250-C47E/4 et d’une nouvelle avionique Garmin FlightStream 510. Certifié par Transports Canada dès janvier, il a obtenu son homologation américaine en octobre, puis européenne en décembre.
Les hélicoptéristes à la recherche du vol autonome
Les hélicoptéristes ont aussi multiplié les avancées dans les projets d’appareils autonomes et optionnellement pilotés. Le SW-4 Solo de Leonardo a fait son premier vol sans pilote de sécurité à bord en février, tout comme le VSR700 d’Airbus Helicopters en décembre. Le constructeur européen doit aussi procéder prochainement à un premier vol captif de son « taxi volant » CityAirbus. Bell de son côté a multiplié les annonces de partenariats dans le domaine avec Safran, Thales et Electric Power Systems.
Coïncidence ou non, en juillet, soit un mois après l’annonce du partenariat avec Bell, Safran Helicopter Engines, Safran Electrical & Power et Safran Power Units ont réalisé le premier essai au sol d’un système de propulsion distribuée hybride électrique. Le motoriste a également obtenu plusieurs certifications – l’Ardiden 3C et l’Arriel 2H – et travaille sur celle de l’Aneto, qui équipera l’AW189K et le Racer. Celle-ci était normalement prévue cette année.
Les activités de Zodiac Aerospace, ici au profit des A380 de Singapore Airlines, sont désormais intégrés sous la marque Safran. © Singapore Airlines
Fusions en pagaille
Comme pour les constructeurs, l’actualité des équipementiers a été marquée par les rapprochements. United Technologies (UTC) a ainsi finalisé l’acquisition de Rockwell Collins fin novembre et s’est recentré sur ses activités aéronautiques. Celles-ci sont désormais opérées sous les marques Pratt & Whitney et Collins Aerospace, issue de la fusion de Rockwell Collins et UTAS.
De son côté, Safran a finalisé le rachat de Zodiac Aerospace en mars, puis la fusion de ses activités au sein du groupe le 1er décembre. Trois nouvelles filiales reprenant les activités de Zodiac ont ainsi été créées : Safran Seats, Safran Cabin et Safran Aerosystems. Le groupe se renforce face à l’impressionnante montée en puissance de UTC, mais aussi face aux appétits des constructeurs dans le domaine des équipements.
Équipementiers et constructeurs se préparent à l’affrontement
En effet, Boeing a créé en janvier une entreprise commune avec l’équipementier automobile Adient, baptisée Adient Aerospace, pour concevoir et fabriquer des sièges destinés aux compagnies aériennes, tandis qu’Airbus avait lancé sa marque Airspace pour l’aménagement de cabines dès 2016. Boeing a aussi finalisé en novembre la création d’une coentreprise à parité avec Safran, dédiée à la conception, la production et le support après-vente d’APU pour avions commerciaux.
S’il n’a pas opéré de rapprochement, le groupe Leonardo a lui lancé cet été le programme LEAP2020 (Leonardo Empowering Advanced Partnership 2020), dans le cadre de son Plan industriel. Celui-ci doit redéfinir le modèle de gestion des fournisseurs du groupe italien, avec la sélection de « partenaires de croissance», afin de stimuler la croissance de sa chaîne d’approvisionnement dans les secteurs Aérospatial, Défense et Sécurité. Leonardo vise une amélioration de 20 % des livraisons et de la qualité d’ici 2020.