Au moment de se présenter devant l’Association des journalistes professionnels de l’aéronautique et de l’espace (AJPAE), au matin du 18 décembre, Christian Scherer pouvait déjà se targuer d’un sacré tableau de chasse. Le directeur commercial d’Airbus et ses équipes ont en effet accumulé pas moins de 940 commandes brutes à leur actif entre janvier et novembre 2019. Et s’il ne l’avouait qu’à demi-mot – « une nouvelle barre symbolique pourrait être dépassée d’ici la fin de l’année » – Christian Scherer avait déjà les 1 000 commandes dans sa ligne de mire. La chose était pleinement entendue à peine quelques heures plus tard avec la confirmation de la commande d’Air France pour 60 A220-300.
« Nous sommes très satisfaits des résultats commerciaux après une année 2019 mouvementée », s’est félicité Christian Scherer. Entre la refonte de la direction générale et de la direction commerciale, l’arrêt du programme A380, mais aussi l’environnement de guerre commerciale entre les Etats-Unis, la Chine et l’Union européenne renforcée par la décision de l’OMC dans le litige Airbus-Boeing, l’année semblait effectivement compliquée à gérer pour ses équipes.
Force est de constater qu’elles ont bien travaillé avec plus de 1 000 commandes fermes, réparties entre tous les segments de la gamme Airbus. L’avionneur a ainsi vendu jusqu’ici plus de 800 monocouloirs, très largement des A320 et A321neo, une soixantaine d’A330neo et plus d’une centaine d’A350. Christian Scherer revendique dès lors un ratio commandes-livraisons (« book-to-bill ») supérieur à 1 pour l’ensemble des programmes en cours chez l’avionneur européen, de l’A220 à l’A350 (hors A380, dont dix exemplaires restent à livrer). Cela n’avait pas été le cas en 2018. Pour rappel, Airbus a prévu de livrer entre 880 et 890 appareils commerciaux en 2019.
Ce chiffre brut de commandes est tout de même à contraster. Airbus doit composer avec plus de 200 annulations (222 exactement à fin novembre). L’A380 est naturellement touché avec 70 annulations, dont les 39 d’Emirates qui ont précipité l’abandon du programme. L’A350 est aussi impacté avec une cinquantaine de machines à retrancher du carnet de commandes, principalement composée par les 42 appareils d’Etihad. Enfin les familles A320neo et surtout A220 ont aussi subi une cinquantaine d’annulations chacune.
Au final, il restait donc 718 commandes nettes dans le carnet de commandes d’Airbus à fin novembre. Compte tenu du contrat pour les A220 d’Air France, mais aussi des 70 autres ventes déjà engrangées en décembre, la barre des 800 commandes nettes devrait être franchie sans souci lors du bilan final, contre 747 l’an dernier.
Destins divers
Christian Scherer s’est montré satisfait des débuts de l’A220 chez Airbus, notamment du fait de l’engagement de grandes compagnies pour l’ancien avion de Bombardier. Le bilan était tout de même morose avant la confirmation d’Air France. Celle-ci permettra tout juste de tutoyer la barre des 100 commandes brutes. Interrogé sur une possible version allongée A220-500, apparue au détour d’une présentation de la compagnie française, le directeur commercial a confirmé que c’était une option très probable tout en précisant qu’elle n’était pas encore d’actualité.
La famille A320neo sera encore une fois la cheville ouvrière de la performance d’Airbus en 2019. Le constructeur européen entend bien continuer à capitaliser sur ce succès avant de penser à lancer un remplacement. Et ce, même si Boeing précipite le lancement d’un successeur au 737 MAX. Christian Scherer a ainsi évoqué la confortable avance de l’A320neo, obtenue avant même les déboires l’avion américain. Il a d’ailleurs déclaré qu’Airbus ne profitait pas de cette situation, faute de créneaux de production disponibles pour satisfaire rapidement des compagnies clientes du MAX, et que celle-ci était préjudiciable pour l’image de l’ensemble de l’industrie.
Seul l’A319neo continue de ternir le bilan, avec plus d’annulations que de commandes cette année et seulement 35 appareils à livrer. Outre la réduction de son marché au profit de modules plus grands, l’avion subit la concurrence interne de l’A220. Christian Scherer a déclaré à ce sujet qu’il n’y avait pas de préférence entre les deux modèles, l’objectif étant de proposer celui qui génèrerait le plus de valeur pour chaque client, même si l’A319neo était plus rentable à vendre pour Airbus.
Le long-courrier progresse
Sur le long-courrier, les ventes d’A330neo progressent doucement mais sûrement. Avec 64 commandes brutes à fin novembre, Airbus n’est pas loin de doubler son score de 2018. Christian Scherer parle d’un « décollage réussi », avec de bons retours des clients quant aux 15% de gains opérationnels par rapport à l’A330ceo. Il a donc réaffirmé sa confiance dans le programme, que ce soit pour capter les marchés de remplacement des 767 et des A330 – qui devraient constituer le gros des commandes – ou pour attirer de nouveaux clients. De même, il croit en l’avenir de l’A330-800, qui ne compte pourtant que 14 commandes (dont six cette année), en tant que remplaçant naturel de l’A330-200.
Les ventes d’A350 vont également doubler par rapport à 2018. La barre des 120 commandes sera d’ailleurs franchie avec la comptabilisation des dix A350-900 supplémentaires achetés par Air France au début du mois de décembre. Christian Scherer estime que le mouvement va bientôt s’amplifier avec le remplacement à venir des 777-300ER : « nous voyons la grande vague du remplacement des 777 se former au large, mais elle n’est pas encore arrivée sur la plage ». Il l’attend en tout cas de pied ferme, notamment avec l’A350-1000 capable désormais d’accueillir jusqu’à 480 passagers.