Le contraste entre les salons MRO Europe et Helitech, colocalisés à Londres en octobre dernier, était saisissant : alors que l’exposition consacrée à la maintenance affichait un fort dynamisme, celle consacrée à l’hélicoptère semblait encore affectée par la crise qui touche le secteur depuis plusieurs années. Présent à la croisée de ces deux mondes, Matthieu Louvot, vice-président exécutif Soutien et services clients d’Airbus Helicopters, fait le point sur la structuration de cette branche chez l’hélicoptériste européen, ainsi que les conséquences de la crise sur son activité.
Que représente l’activité de soutien aux clients chez Airbus Helicopters ?
Un hélicoptère vole en moyenne une quarantaine d’années dans des conditions difficiles. Il y a un gros effort d’accompagnement à faire. C’est un moteur important chez nous et nos clients. L’activité de soutien représente environ 50 % de notre chiffre d’affaires, avec six mille personnes dédiées. Trois mille sont basées en France et en Allemagne et trois mille dans le reste du monde, notamment aux États-Unis, au Brésil et en Chine. Nous avons des filiales avec des centres de services dans une trentaine de pays.
Nous avons cinq grandes familles de services chez Airbus Helicopters : la MRO et l’amélioration des cellules et des équipements, la gestion des pièces détachées, le soutien technique avec les « tech reps » (représentants techniques, NDLR), la formation des techniciens et des pilotes, et les services connectés avec de l’analyse de données, de l’automatisation et de l’optimisation de services.
Quels sont vos axes de travail pour améliorer votre offre ?
Nous avons lancé un plan de transformation en 2013, qui s’articule autour de la qualité, la compétitivité et la satisfaction du client. Cette dernière est basée sur l’amélioration de la performance opérationnelle des services. Nous avons ainsi divisé par cinq le nombre de pièces livrées en retard. Pour y arriver, nous avons travaillé sur le stock et mis en place un système informatique pour optimiser les processus de livraison. Nous y avons intégré notre trentaine de filiales pour avoir une visibilité sur les pièces et leur circulation. Nos tech reps rendent visite au moins une fois par an à leurs clients, ce qui permet d’améliorer notre réactivité dans les réponses techniques.
Il y a deux ans, nous avons restructuré notre offre de services HCare, avec des contrats plus simples et plus compétitifs. Nous avons baissé les prix et amélioré les conditions financières d’accès à cette offre avec une diminution du tarif d’entrée. Pour un Écureuil, cela peut donner un prix de l’ordre de 150 euros à l’heure de vol. Nous avons aussi réduit le minimum d’heures de vol annuelles de 150 à 100.
Les offres de gestion des pièces ont été simplifiées avec HCare Smart, qui propose des services PBH (Parts by-the-Hour, accès au stock de pièces d’Airbus Helicopters), RBH (Repair by-the-Hour, stock chez le client) et EBH (Exchange by-the-Hour, stock chez le client et échange de pièces pendant la maintenance programmée) et FBH (Full by-the-Hour). Nous avons aussi lancé l’offre HCare Infinite, avec un contrat basé sur un taux de disponibilité.
Airbus s’est lancé dans une stratégie de transformation numérique. Comment cela se concrétise-t-il pour vous ?
Avec les services connectés, nous permettons aux clients de passer du papier au numérique. Ils peuvent ainsi suivre l’évolution des paramètres de leur flotte, avec des services comme les registres numériques Fleet Keeper, déjà validés par la DGAC. Les fiches des équipements seront aussi numérisées à partir de fin 2018. Une phase de test aura d’abord lieu au début de l’année.
A partir de ces données, Airbus Helicopters développe un service d’analyses. Nous avons lancé FlyScan au printemps 2017, pour développer la maintenance prédictive à partir des données collectées par les HUMS (systèmes de surveillance de l’état et de l’utilisation). Cela permet une amélioration de la fiabilité opérationnelle et une baisse de la charge de maintenance. Il sera disponible sur l’ensemble des machines équipées de HUMS, une option disponible sur tous les bimoteurs Airbus Helicopters.
L’opérateur reste propriétaire de ces données et les met à notre disposition. C’est cette compilation de données permet de détecter les signaux faibles. Nous pourrons aussi retrouver plus facilement les cas similaires avec de l’exploration de données, améliorer notre réactivité et notre démarche d’amélioration continue.
Encore faut-il que le reste des acteurs – opérateurs, sociétés de maintenance, etc. – suivent cette évolution numérique pour que la démarche soit efficace ?
Notre réseau de représentants en Europe et aux Etats-Unis travaille avec leurs partenaires locaux pour les aider à s’améliorer et leur faire bénéficier de toutes les améliorations permises par les outils numériques. Nous voulons aussi les développer en Chine, en Australie, au Brésil, etc. Nous avons ainsi renforcé nos partenariats avec les centres de services que nous avons agréés.
Comment se répartit l’activité de MRO entre vous et les entreprises spécialisées ?
Airbus Helicopters réalise environ un quart des opérations de maintenance avec ses filiales. Le reste est fait par les opérateurs et les entreprises agréées, notamment la maintenance en ligne. Beaucoup d’opérateurs ont encore leur atelier, avec des compétences importances pour la maintenance de premier et de deuxième niveau.
Pour la maintenance en ligne, Airbus Helicopters est surtout positionné sur les marchés émergents, encore peu structurés. Nous sommes davantage focalisés sur les grandes visites et les chantiers d’amélioration, même s’il y a des opérateurs qui sont à même de les réaliser.
Frappé par la crise de l’industrie pétrolière, le marché de l’hélicoptère est à la peine depuis plusieurs années. Comment cette baisse d’activité se répercute-t-elle sur le soutien ?
Il y a environ 12 000 hélicoptères Airbus en service à travers le monde. Ce nombre est en croissance, même s’il augmente moins vite ces dernières années. Le marché a subi la crise de l’offshore et les compagnies ont optimisé leurs flottes. Nous estimons que le marché va reprendre dans les prochaines années, notamment avec les H175 et les H160. Les machines légères aident un peu à compenser. Les H135 et H145 continuent de connaître un succès commercial très important, avec des contrats de soutien inclus.
La crise de l’offshore a eu un impact moins brutal sur le nombre d’heures de vol, qui continue à croître doucement. Cela a tout de même un effet très immédiat sur l’offre de services HCare et les contrats à l’heure de vol (PBH, EBH, RBH, FBH).
Avez-vous mis en place des initiatives particulières pour améliorer la situation ?
Nous gardons la même stratégie avec l’ouverture de nouveaux services. Nous avons introduit cette année un catalogue en ligne de l’ensemble des améliorations disponibles en propre et chez nos filiales. Il comprendra plus de 1 000 références d’ici la fin de l’année, avec les suppléments au certificat de type (STC) et les bulletins de service (SB). Il sera aussi possible de passer des commandes en ligne.
L’activité est très sensible au marché de seconde main. Nous regardons si les appareils d’occasion trouvent rapidement preneur. Pour fluidifier ce marché, nous avons développé une offre de reprise pour certains opérateurs.
Airbus Helicopters encourage aussi le transport par hélicoptères, avec des projets comme Voom à São Paulo (Brésil). C’est un service d’hélicoptère à la demande qui se fait via une plateforme Internet depuis six mois. Cela amène une hausse de la demande. Nous allons encourager le développement de nouvelles plateformes.
Il y a davantage de changements sur le marché militaire, où nous proposons désormais des engagements sur de hauts niveaux de disponibilité à nos clients.
Justement, le faible taux de disponibilité des hélicoptères dans les armées françaises fait débat. Comment la situation évolue-t-elle ?
La situation de la disponibilité est plutôt en amélioration du côté des flottes françaises (ALAT, Marine nationale et armée de l’Air). Nous participons au plan d’action hélicoptères en partenariat avec la DGA, la SIMMAD et les états-majors. Airbus Helicopters a ainsi contribué à améliorer les plans de maintenance et à augmenter les intervalles entre les visites. Nous avons réduit les cycles de réparation des composants de 20 % sur Tigre et sur NH90. Il y a eu aussi un travail de simplification de la documentation constructeur, notamment sur le NH90. Cela passe maintenant dans la documentation opérationnelle.
Ces plans sont compliqués à mettre en place avec beaucoup d’acteurs impliqués. Il faut régler tous les leviers à la fois. Mais l’évolution positive sur les derniers mois. Nous ne sommes pas encore au bout, mais nous avons déjà fait une partie du chemin.