Opération Chammal au Moyen-Orient, posture permanence de sûreté en France, mesures de réassurance en Europe de l’Est, formation des personnels, le planning des E-3F de l’armée de l’air est bien rempli. Alors que le quatrième AWACS (SDCA203) à être passé dans les mains d’AFI KLM E&M pour sa rénovation à mi-vie (MLU-Mid-life upgrade) a atterri ce 27 avril dans l’après-midi sur la BA 702 d’Avord – avec un bon mois de retard dû à des essais supplémentaires – le premier exemplaire est retourné à Roissy début avril pour un entretien programmé de longue durée, selon un cycle établi de deux ans.
« Les contrats opérationnels n’ont pas été arrêtés pendant la phase de modernisation », explique le lieutenant-colonel Hervé, commandant la 36ème escadre de commandement et de conduite aéroportés (EC2A). « Il a fallu assurer les missions opérationnelles en même temps que la transition vers la nouvelle interface », continue-t-il. Pour cela, l’escadre a réparti les efforts en deux phases distinctes. Pour la première, il s’agissait de faire voler le plus possible les personnels, soit environ 140 aviateurs, répartis en sept équipages, afin qu’ils puissent se « confronter à la machine » et s’approprier les nouveaux systèmes. « Nouvelle interface ne voulait pas dire nouvelle méthode de travail au début. »
Sur la seconde phase, l’objectif a été d’aller « plus loin » et de faire « différemment et mieux », c’est-à-dire de développer les compétences et de placer les avions et les équipages dans des conditions opérationnelles, pour en déduire de nouvelles doctrines. C’est ce qui a par exemple été fait au cours de l’exercice Serpentex, qui s’est déroulé en Corse au mois de mars, et qui a permis de revoir le processus d’engagement air-sol. Un entraînement qui servira pour les prochaines missions au Moyen-Orient notamment.
Le chantier, qui portait sur la rénovation du système de mission et l’ajout de quatre consoles supplémentaires, a eu pour effet de « démultiplier » l’aspect conduite des opérations, comme le détaille le colonel Hervé : « Il y a eu un gros gain qualitatif sur la communication. Avant on était pénalisé par l’écoute en simultané de plusieurs radios et interphones de bord, ce qui accapare beaucoup et nécessite beaucoup d’attention. L’ajout de consoles et de personnels permet d’augmenter les capacités d’écoute, on améliore ainsi l’efficacité de l’avion en termes de gestion et de traitement des informations ». L’AWACS accroît ainsi l’efficience de la réception, de la centralisation et de la transmission de données et donc son rôle de centre de commandement aéroporté. Une plus-value importante au vu de la configuration des conflits actuels, qui nécessitent souvent un changement de configuration tactique au cours de la mission. « L’information à T0 n’est généralement plus la même à T0 + 6 heures », raconte le commandant de la 36ème EC2A.
L’ajout d’une messagerie instantanée en complément des radios contribue également à faciliter l’acquisition de l’information. Si une annonce pouvait parfois être occultée à l’instant T, en raison des interférences avec d’autres messages, le chat permet de fait de garder un historique et d’assurer la transmission de l’information. De même, la possibilité d’éditer des documents partagés et de rédiger des comptes-rendus « quasiment en direct » a grandement amélioré la conduite de mission.
Une première capacité opérationnelle des AWACS avait été obtenue en décembre 2014. A peine la mise en service opérationnel prononcée le 17 avril 2015 pour les deux premiers AWACS MLU, l’un d’eux s’envolait déjà pour une mission opérationnelle le lendemain. Deux semaines auparavant, le second exemplaire effectuait le plus long vol de l’histoire des AWACS français, un vol d’expérimentation de 17 heures qui avait notamment nécessité un ravitaillement en vol. De plus, la flotte AWACS est devenue depuis la mi-avril la seule flotte qualifiée pour ravitailler sur C-135 KC-10 et KC-767, offrant, de fait « une grande souplesse d’emploi en opérations ».
Pour l’année 2015, l’activité aérienne de la flotte AWACS s’est répartie équitablement entre vols d’entraînement et d’expérimentation, et vols opérationnels, aussi bien en France qu’en Europe de l’Est ou encore au Moyen-Orient. Un E-3F est d’ailleurs de nouveau engagé dans le cadre de l’opération Chammal depuis la fin du mois de mars. Déployé depuis la base qatari d’Al-Udeid, il devrait effectuer des missions C2 jusqu’au début du mois de juin.
Les essais industriels du quatrième et dernier AWACS amélioré vont être achevés directement sur la base d’Avord. L’avion est toujours sous la responsabilité d’AFI KLM E&M et de Boeing et devrait être qualifié pour la mi-juin. A temps pour être peut-être déployé lors de l’Euro 2016, qui, comme tout évènement de cette envergure, fera l’objet de mesures renforcées en termes de surveillance de l’espace aérien.