Forte de son millier de personnels – dont 220 pilotes, 80 mécaniciens navigants, 500 mécaniciens, 50 sauveteurs-plongeurs, des spécialistes renseignement et fonctions de soutien – la composante hélicoptères de l’armée de l’air fait aujourd’hui face à des défis multiples. Rencontre avec son commandant, le lieutenant-colonel Eric Goffinon.
Notre devise « combattre et sauver » nous colle bien à la peau. Si nous étions très orientés opérations aéroterrestres au début de notre histoire, nous avons par la suite contribué missions de transport. Le retour aux sources est finalement revenu à la fin des années 80, avec la sûreté aérienne, puis l’engagement dans le Golfe et les Balkans, avec des missions de recherche et sauvetage au combat. Ce qui nous a ramené dans le coeur de métier de l’emploi militaire de l’hélicoptère, dans lequel nous nous épanouissons aujourd’hui
Quelles sont les spécificités de la composante héliportée de l’armée de l’air ?
Nous sommes complémentaires avec les autres composantes de l’armée, avec des aptitudes spécifiques. L’intervention dans la profondeur en zone non permissive en fait partie par exemple, c’est une capacité exclusive à l’armée à l’air, liée à la capacité de ravitaillement en vol du Caracal. L’immensité du Sahel donne pleine pertinence à ce type de moyens. Là où nous étions auparavant limités par l’élongation, l’autonomie, le délai, nous ouvrons à présent un nouveau domaine et modifions nos concepts d’opérations. Nous avons eu beaucoup d’officiers en échange au sein de l’US Air Force et en avons tiré énormément d’enseignements. Le concept commence à devenir franchement mature et efficace, utilisé en opérations.
La deuxième spécificité a trait aux moyens de récupération de personnel isolé. Nous avons cherché à élargir au maximum nos capacités, nous sommes sur tout le spectre, de la mission temps de paix à la mission clandestine, de la SAR (Recherche et sauvetage), sans menace, à la RESCO (Recherche et sauvetage au combat). Nous savons nous intégrer à une manoeuvre aérienne comprenant avions et hélicoptères, typiquement dans le cas de l’éjection d’un pilote de chasse de son avion. Nous possédons aussi une capacité de récupération de personnel isolé, notamment au travers des opérations spéciales, puisque l’EH 1/67 « Pyrénées » est une unité certifiée FS et fournit des moyens du 4ème RHFS.
Les autres capacités sont partagées avec les autres armées. Tous nos appareils sont navalisés, nombre de nos équipages sont qualifiés à l’appontage, nous sommes capables d’intégrer la manoeuvre aérienne aussi bien que la manoeuvre aéroterrestre. Nous parlons le même langage que les chasseurs, mais aussi celui de l’ALAT, avec laquelle s’effectue la formation initiale interarmées.
Comment résumer les difficultés auxquelles fait face la composante ?
Réussir à répondre à toutes les sollicitations opérationnelles alors même que nous ne disposons pas des ressources pour pouvoir le faire. Nous ne sommes pas dimensionnés au format de notre besoin. Si on prend l’exemple de l’escadron de Cazaux et de ses neuf Caracal, nous devons faire de la RESCO sur deux théâtres, des opérations spéciales, du contreterrorisme maritime et tenir 365 jours par an et 24h/24 la SAR. Et comme il n’y a pas de Caracal ailleurs, nous nous devons également d’assurer toutes les formations des personnels. Pour faire l’ensemble de ces misions, il faudrait en théorie au moins 19 appareils. Aujourd’hui, nous fatiguons énormément nos personnels, qui atteignent l’excellence, mais au prix d’efforts quotidiens, qui s’inscrivent dans la durée.
A quoi est due cette tension sur les personnels ?
Des unités se retrouvent aujourd’hui en difficultés en raison de la diminution les effectifs. Si les effectifs de combattants ont été revus à la baisse, on a surtout élagué les fonctions de soutien, ce qui génère de la surchauffe pour les opérationnels… Les unités doivent s’adapter et faire autant avec moins de personnels, plus de contraintes – notamment normatives – et donc plus de travail. Il a de plus un accroissement du rythme et de l’intensité des missions dans un contexte opérationnel assez exceptionnel. Cela crée des tensions évidentes sur le personnel, qui est malgré tout au rendez-vous des opérations.
Il existe par ailleurs une tension sur les flottes et leur disponibilité…
C’est le problème majeur, le problème du moment pour toutes les aviations. Le plus gros réservoir d’hélicoptères – qui est déjà petit en soi – est aujourd’hui chez les industriels et non dans les forces. Comme nous travaillons sur de petits volumes, nous ressentons plus facilement la difficulté. Quand on a trois hélicoptères, le fait d’en perdre un, ça fait déjà un tiers, alors que c’est moins grave de perdre trois hélicoptères lorsqu’on en a quinze. L’organisation de la composante fait que nous avons des flottes éclatées sur toute la planète avec, pour certaines, de tous petits formats, ce qui rend les choses plus compliquées, entre autres en termes logistique. Car lorsqu’on n’a plus assez d’avions pour remplacer un Puma ou un Fennec à Nouméa par les airs, on le remplace par la mer, ce qui rend l’hélicoptère indisponible pour un bon mois par exemple.
Qu’en est-il du programme d’hélicoptère interarmées léger (HIL) ?
La démarche HIL a du sens, car il faut remplacer le Puma rapidement, au travers du programme HIL ou d’un autre programme, mais qu’importe, il faut le remplacer rapidement. Viendra également moment où il faudra remplacer le Fennec. Dans cette démarche, on peut converger vers des besoins interarmées, pour rationnaliser les choses et tirer les coûts d’exploitation vers le bas.
Les besoins ont été émis de longue date, nous ne les remettons pas en question, ils correspondent à nos missions actuelles, mais il faut pouvoir faire face aux enjeux de demain. La plateforme qui l’emporterait serait celle qui permettrait un maximum de polyvalence à bas coût.
Malgré les difficultés évoquées, comment abordez-vous le futur de la composante ?
Nous ne sommes pas à un point de rupture, mais nous rebondissons et sommes dans une dynamique positive. Un plan d’équipement et un recrutement de personnels nous permettrait de gagner en épaisseur et durer sans surchauffe. Il s’agit de conserver l’excellente et l’épanouissement de nos personnels, avec une juste reconnaissance de leur travail, mais également davantage de militaires du rang et de sous-officiers pour renforcer les escadrons, ainsi que quelques hélicoptères supplémentaires et une meilleure disponibilité industrielle pour faire face aux difficultés citées.
Derrière les capacités apportées aux armées par la composante hélicoptères, il y a du travail, mais surtout des personnels fabuleux. Je suis toujours épaté par la qualité des mécaniciens qui dépannent un appareil au fin fond du désert ou encore par la synergie entre les commandos et les pilotes d’hélicoptères au combat. Nous arrivons à faire des choses merveilleuses malgré les contraintes.