Cette année, l’hôte du forum Connect était l’aéroport de Vilnius. Si le centre historique de la capitale lituanienne est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, la destination reste méconnue, tout comme la Lituanie et plus largement l’ensemble des pays baltes. Malgré cela et une zone de chalandise plutôt réduite, le transport aérien parvient à se développer. Le trafic ne cesse de croître en Lituanie, Lettonie et Estonie, porté par l’expansion des grandes low-cost européennes qui trouvent dans la région un terrain de jeu sous-exploité.
Etat des lieux
Les trois états baltes ont vu leur trafic quintupler en quinze ans, passant de moins de deux millions de passagers en 2001 à 11,5 millions en 2015. Si la Lituanie est le pays qui a connu la croissance la plus forte l’année dernière – +11,5% contre +7,4% en Estonie et +7,3% en Lettonie -, l’aéroport de Riga reste celui qui accueille le plus de voyageurs (5,16 millions), porté par la présence de la base d’airBaltic.
La compagnie lettone est la plus importante opératrice dans les pays baltes, ayant ouvert à la vente 2,25 millions de sièges en 2015, devant Ryanair (1,5 million de sièges) et Wizz Air. Les low-cost irlandaise et hongroise sont toutefois de plus en plus engagées dans la région. Wizz Air y a en effet établi deux bases, à Vilnius (2011) et Riga (2014). Quant à Ryanair, elle n’exploitait jusqu’à présent qu’une seule base à Kaunas (Lituanie) depuis 2010 mais a saisi l’opportunité offerte par Connect pour annoncer le lancement d’une nouvelle base à Vilnius cet automne, promettant une poursuite de la croissance du trafic dans les mois à venir.
Les difficultés des compagnies locales
Et pourtant, faire vivre le transport aérien dans les pays baltes est un parcours semé d’obstacles. En témoigne la difficulté de maintenir en activité des compagnies locales.
La seule réussite est airBaltic. Créée en 1995 par SAS et le gouvernement, la compagnie nationale lettone a adopté un modèle low-cost qu’elle a modifié pour s’adapter à la spécificité du marché balte : si elle propose un service de low-cost, elle exploite une flotte composée de deux modèles d’appareils (actuellement Boeing 737 EFIS et Q400, dans le futur CS300 et Q400) et cherche à optimiser son programme de vols pour développer son trafic de correspondances. Dotée d’un hub à Riga, elle exploite également deux bases plus petites à Vilnius et Tallinn, vestiges de sa volonté de créer une compagnie pan-balte.
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L’Estonie s’y oppose en effet farouchement. Revendiquant la différence culturelle des trois pays baltes (qui n’ont en commun que leur assujettissement à l’URSS), le gouvernement cherche à maintenir sa compagnie nationale. Il a ainsi porté Estonian Air à bout de bras jusqu’à ce que la Commission européenne provoque sa faillite en la contraignant à rembourser les aides d’état qu’elle avait illégalement perçues puis il a immédiatement créé Nordica lorsqu’elle a disparu, afin de ne pas laisser la place vacante. Nordica opère actuellement sous le certificat d’Adria Airways, avec des appareils d’Adria et bmi Regional, mais compte opérer avec des CRJ 700 et 900 acquis en leasing par ses soins dans les prochains mois.
Quant à la Lituanie, elle « rate tout dans le transport aérien », regrette Gediminas Almantas, le CEO de Lithuanian Airports. « Nous ne réussissons pas à créer une compagnie aérienne lituanienne. » En effet, le pays a vécu trois faillites en sept ans – flyLAL en 2009, Star1 Airlines en 2010 et Air Lituanica en 2015 – et a officiellement abandonné l’idée d’avoir sa compagnie nationale.
Le gouvernement lituanien a au contraire décidé de miser sur ses aéroports, comme l’explique Arijandas Sliupas, le vice-ministre des transports et des communications : « nous n’avons pas de transporteur national en Lituanie donc nous devons créer un environnement attractif pour les compagnies aériennes. » Un plan de modernisation et d’agrandissement des plateformes gérées par Lithuanian Airports (Vilnius, Kaunas et Palanga) a été lancé, avec un investissement de 292 millions d’euros sur vingt ans, concentré sur l’aéroport de Vilnius, qui verra notamment la réfection des infrastructures et l’expansion du terminal. Mais avant, Lithuanian Airports devrait être privatisé : un appel d’offres pour la concession des trois aéroports devrait être lancé avant la fin de l’année.
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Le travail des offices du tourisme mis en cause
Mais soigner ses aéroports ne fait pas tout. Gediminas Almantas regrette que « les politiciens ne sachent pas comment gérer l’activité du transport aérien » et que les offices du tourisme des pays baltes soient incapables de faire connaître la destination. Un point sur lequel Martin Sedlacky, le COO d’airBaltic, le rejoint : « les offices du tourisme ne font pas leur travail. Aujourd’hui, c’est à la compagnie aérienne qu’il revient de promouvoir la région. »
Or, avec une population combinée de 6,2 millions d’habitants, les compagnies aériennes baltes n’ont pas d’autre choix que d’amener des touristes étrangers chez elles. Actuellement, les plus importants marchés des compagnies baltes sont le Royaume-Uni, l’Allemagne et les pays limitrophes : Russie et Pologne.
Il est intéressant de noter que la compagnie lituanienne qui réussit le mieux est une compagnie charter, Small Planet Airlines, qui n’a basé que deux de ses dix-sept (et bientôt 21) appareils dans son pays. Sa base la plus importante est en effet la Pologne (qui compte neuf de ses A320). Signe qu’un travail important reste à faire sur l’attractivité des trois pays…