Le fait que la France soit une prétendante sérieuse au titre de championne du monde des grèves n’amuse plus du tout les compagnies aériennes européennes. Après avoir discuté avec le gouvernement puis menacé de porter plainte, certaines sont passées à l’acte. Le groupe IAG, Ryanair, easyJet et Wizz Air ont annoncé le 24 juillet qu’elles avaient déposé une plainte contre la France auprès de la Commission européenne en raison des grèves répétées du contrôle aérien.
Si aucune ne remet en question le droit de grève, toutes estiment que la France viole la loi européenne ayant trait à la libre circulation des personnes et des biens en ne permettant pas le survol de son territoire les jours de grève des contrôleurs. « Quand les contrôleurs font grève en Grèce et en Italie, les survols se poursuivent normalement. Pourquoi la France ne fait pas la même chose ? », dénonce Michael O’Leary, le président de Ryanair, lui-même en proie à des grèves de son personnel navigant. Les vols sont en effet obligés de contourner l’espace aérien perturbé, ce qui entraîne retards, annulations, surconsommation de carburant et surcoûts, qui sont assumés par les compagnies aériennes seules. Evoquant le sujet au début du mois de juin, Jozsef Varadi, le PDG de Wizz Air, avait déclaré qu’il faudrait retirer aux pays la gestion du contrôle aérien pour la transférer au niveau européen.
Cela pourrait peut-être passer si la situation était occasionnelle. Mais les statistiques sont là pour remuer le couteau dans la plaie : les grèves des contrôleurs aériens français ont été multipliées par quatre cette année par rapport à 2017 (22 jours) et sur les 357 grèves de l’ATC (Air traffic control) qui ont perturbé les opérations en Europe depuis 2005, 254 ont eu lieu en France.
Cette fois rejoint par les associations du secteur du tourisme, le lobby A4E (Airlines for Europe) a rappelé ses demandes pour améliorer la situation du trafic aérien en Europe : imposer une période de notification de 72 heures aux employés pour se déclarer grévistes, protéger les survols, améliorer la continuité du service. Il précise que des investissements sont nécessaires en technologies, ressources humaines et amélioration des processus pour que le continent soit capable d’absorber la croissance à venir du trafic. A4E appelle d’ailleurs régulièrement les autorités européennes à accélérer le développement du ciel unique et de son volet technologique SESAR.
Lorsqu’ils ne se contentent pas de venir appuyer les grèves de la fonction publique, les arrêts de travail des contrôleurs aériens ont pour objet des revendications concernant les effectifs et les conditions de travail. Comme l’a démontré le rapport d’information du sénateur Vincent Capo-Canellas publié en juin dernier, le contrôle aérien français souffre d’une alarmante obsolescence de ses systèmes qui pèse sur ses capacités et d’une organisation de travail dépassée qui ne correspond plus aux caractéristiques du trafic aérien aujourd’hui et a pour conséquence une productivité insuffisante.