L’industrie aéronautique connaît un début 2019 poussif. On a connu les carnets de commandes des avionneurs plus remplis à ce stade de l’année et les compagnies plus optimistes. Le salon du Bourget, traditionnel ring dans lequel Airbus et Boeing s’affrontent à coup de méga-contrats, s’annonce donc comme l’occasion de redresser la barre. D’autant que si les perspectives du transport aérien ne sont pas euphoriques, elles restent tout de même encore positives.
Du côté des avionneurs, le bilan des cinq premiers mois de 2019 est négatif, avec un déficit net de commandes de 57 avions chez Airbus et de 125 chez Boeing (pour 68 et 99 commandes brutes respectivement).
Si la crise du 737 MAX n’a pas aidé, une certaine prudence des compagnies aériennes peut jouer aussi. On a vu l’IATA réduire à la baisse de plus de 20% les prévisions de bénéfices de ses membres, à 28 milliards de dollars en 2019, avec de grandes disparités entre les régions. Ceci sera essentiellement dû à une augmentation des coûts (carburant, personnel…), le chiffre d’affaires étant attendu en hausse de 6,5% mais les dépenses en augmentation de 7,4%. La marge opérationnelle va donc être grignotée mais se situer autour de 5%.
La croisade contre le bilan carbone du transport aérien
L’association s’inquiète de plusieurs menaces qui pèsent sur le secteur. La première d’entre elle est la question environnementale, le transport aérien suscitant de grandes inquiétudes dans l’opinion publique concernant les émissions de CO2 liées à ses activités. Si le mouvement souhaitant une limitation de ces activités (notamment en augmentant encore ses coûts avec l’instauration de nouvelles taxes ou en favorisant le train) reste pour le moment plutôt européen, il pourrait s’étendre dans le reste du monde, comme s’y attend la société de conseil américaine ICF.
Le pétrole reste cher
Loin du pic du début des années 2010 où il a frôlé les 130 dollars de moyenne annuelle, le baril de pétrole reste aujourd’hui à un tarif relativement élevé. Bien que le cours soit très volatile, personne ne s’attendait à ce qu’il reste au niveau de 2016 (44 dollars) et il est effectivement remonté en 2018, plombant les résultats des compagnies aériennes en 2018 – et précipitant la faillite d’un certain nombre d’entre elles -, avec une moyenne de 71,6 dollars. Les prévisions pour 2019 sont à peine au-dessous avec une moyenne estimée à 70 dollars le baril. A ce niveau, le poste carburant comptera pour 25% des coûts opérationnels des opérateurs.
Le protectionnisme affaiblit le fret
Les volontés protectionnistes exprimées un petit peu partout et la guerre commerciale que se livrent les Etats-Unis et la Chine se font sentir sur le secteur du fret aérien. Stagnant sur les derniers mois de l’année 2018, il a entamé une évolution « clairement à la baisse » depuis le début de l’année, selon les études de l’IATA, notamment en Europe, en Asie et au Moyen-Orient. Les commandes d’exportation ont fléchi depuis septembre 2018, les stocks ayant été reconstitués, et la demande a baissé de 1,8% en janvier, 4,9% en février et 1,5% en mars (hors effet de saisonnalité). Par ailleurs, depuis un an, les capacités augmentent plus vite que les besoins.
Indicateur de l’économie mondiale, le fret traverse donc de nouveau une zone de turbulences. Mais son profil a changé depuis la dernière crise. Ayant évolué d’une activité BtoB à une activité à plus grande composante BtoC grâce à l’e-commerce, « il a réduit son exposition au ralentissement économique mondial », indique Alexandre de Juniac. « Il y a dix ans, ces guerres commerciales auraient eu beaucoup plus d’impact. » Sur l’année, la demande devrait rester stable en moyenne par rapport à 2018.
Le boulet de la congestion aéroportuaire et du contrôle aérien
Le dernier grand souci du transport aérien mondial concerne les capacités, en aéroport et dans le ciel. Dans le ciel, les difficultés ont été illustrées de façon éclatante l’été dernier en Europe avec 19,1 millions de minutes de retard dans les vols en raison d’une pénurie de personnel de contrôle et une mauvaise gestion. Mais des problèmes similaires se retrouvent partout, aux Etats-Unis, en Chine, dans le Golfe… Côté aéroportuaire, les plateformes en manque de capacités se multiplient (Londres, Amsterdam, Bangkok, Bombay, Sydney, New York, Sao Paulo…) et la longueur du calendrier pour la construction de nouvelles capacités aéroportuaires demande une réaction en urgence.
En attendant, l’IATA propose d’étendre ses lignes directrices mondiales sur l’attribution des créneaux (WSG) pour gérer au mieux cette attribution dans les aéroports congestionnés. Aujourd’hui plus de 200 aéroports sont coordonnés, n’ayant pas la capacité pour répondre à la demande – plus de la moitié se trouvant en Europe – et leur nombre devrait augmenter puisque l’augmentation des capacités va moins vite que celle de la demande. « Les lignes directrices mondiales sur l’attribution des créneaux ont permis de distribuer avec succès les maigres capacités aéroportuaires, ce qui a énormément aidé la cause des consommateurs. […] Mais elles ne peuvent pas créer de nouvelles capacités lorsque les infrastructures physiques – pistes et aérogares – sont insuffisantes. Les gouvernements doivent agir dès aujourd’hui pour éviter une crise qui menace la connectivité essentielle alors que la demande augmente », appelle Alexandre de Juniac.
Malgré toutes ces problématiques, l’IATA comme les cabinets de conseil ne remettent pas en cause les prévisions de croissance, qui estiment que le trafic va doubler d’ici vingt ans. « Le monde est devenu plus proche, plus connecté et les frontières restent ouvertes », juge Carsten Spohr, directeur général du groupe Lufthansa et chairman de l’IATA. Un optimisme qui pourrait s’illustrer cette semaine.