Dans la crise actuelle, le cargo semble pour une fois être le seul secteur porteur pour les compagnies aériennes. Avec les capacités de transport en soute clouées au sol, la demande explose et les coefficients de remplissage atteignent des niveaux dont elles n’osaient plus rêver. Mais le tableau n’est pas si rose.
« Le cargo a été une sorte de bouée de sauvetage au premier semestre », explique Brian Pearce, le chief economist de l’IATA dans son point hebdomadaire sur la crise du covid-19. Il précise que la demande pour le transport de produits pharmaceutiques (hors équipements médicaux) a doublé depuis le mois de février par rapport au niveau du 1er janvier, tandis qu’elle s’est plutôt bien maintenue pour les autres biens. En parallèle, la capacité de transport de fret en soute a été réduite de 10% à 40% au mois de mars selon les secteurs (avec une moyenne de -22,7%) – le segment le moins touché portant sur les échanges entre l’Amérique du Nord et l’Asie et le plus touché étant le réseau intra-asiatique.
Il existe donc une tension très forte sur les capacités, qui a poussé les compagnies aériennes à continuer de faire voler une partie de leur flotte passagers voire à convertir une poignée de leurs appareils en cargo pour répondre à la demande. Cependant, le trafic n’est pas stable et les études menées par l’IATA indiquent que les volumes ont tout de même diminué de 15,2% en mars 2020 par rapport à mars 2019.
« Les compagnies cargo ont actuellement une position plus solide que toute autre compagnie, vu la demande extrêmement forte par rapport aux capacités », estime Brian Pearce. « Mais cela ne devrait pas durer car elles subiront l’impact de la récession au second semestre, peut-être même dès le troisième trimestre. » Cela devrait se traduire dans les résultats annuels : selon le degré d’optimisme des scénarios de reprise présentés par l’OMC, le trafic cargo sur l’année 2020 devrait être en baisse de 14% à 31%, « la confiance ayant beaucoup baissé ». Malgré tout, cette crise devrait avoir un impact moins marqué que la crise financière de 2008.
L’IATA remarque également que le fret aérien a baissé de conserve avec le fret maritime mais qu’il a démontré son importance durant la crise et pourrait reprendre des parts de marché. Cela ne se voit pas encore sur les études de février mais semble se dessiner sur les résultats du mois de mars. L’avenir des deux modes de transport de fret dépendra toutefois non seulement du rythme de reprise mais aussi de la propension des sociétés à modifier leur chaîne de fournisseurs pour les rapprocher de leur siège, la trop forte dépendance à la Chine ayant été révélée comme un handicap durant cette crise.